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Société - Biens-fonds maritimes

Extension des délais, exploitation : la société civile monte au créneau

Des militants appellent à la démolition des structures contrevenantes afin de rendre possible l’accès à la plage de manière ininterrompue.

Des baigneurs profitent du soleil à Saïda, sur l’une des rares plages publiques du pays. Ali Hashisho/Reuters

Le dossier des empiétements sur les biens-fonds maritimes publics n’est pas près d’être clôturé. Alors que les autorités avaient commencé à saisir certaines structures bâties à même la plage, une décision du ministre des Travaux publics, Michel Najjar, fin mai, a octroyé un nouveau délai à toute personne souhaitant régulariser des exploitations illégales des biens-fonds maritimes, leur accordant la possibilité de présenter des demandes jusqu’au 12 août, alors que le délai initial a expiré en octobre dernier. Pour ce qui est des bâtiments dont la situation ne peut être régularisée, l’État compte exploiter ceux qui sont en bon état en les sous-traitant au secteur privé, dans le but de renflouer ses caisses. C’est cette mesure qui attise la colère d’une société civile qui milite depuis des années contre ces constructions illégales et en faveur d’un accès libre à l’intégralité du littoral.

Les activistes ne sont pas les seuls à contester cette approche. L’extension du délai pour les contrevenants a été dénoncée hier par la ministre de la Justice, Marie-Claude Najm. Cette dernière a demandé au service du contentieux de son ministère de se prononcer sur la légalité du nouveau délai accordé aux contrevenants. Ni la ministre de la Justice ni le ministre des Travaux public n’étaient disponibles hier pour commenter cette mesure contestée.

Pour Nizar Saghiyeh, directeur de l’ONG Legal Agenda, les nouveaux délais mis en place « perpétuent l’infraction au lieu de la régler ». « Nous sommes contre ce nouveau délai. Ceux qui n’ont pas présenté de demandes à temps devraient perdre définitivement leur droit de régulariser leur situation », indique M. Saghiyeh à L’Orient-Le Jour.

Le ministère des Travaux avait déjà répertorié 1 086 infractions tout le long du littoral, du Nord au Sud. Seuls 387 contrevenants avaient approché les autorités pour remédier à leur situation fin 2019. Les contraventions se répartissent entre habitations et centres balnéaires. Ces derniers jours, l’avocat général près la Cour de cassation Ghassan Khoury avait ordonné la saisie d’une vingtaine de structures.

Pour rappel, il existe deux catégories d’infractions, celles commises avant 1994 et celles commises après cette date. Les infractions commises avant 1994 peuvent être régularisées et donc profiter du nouveau délai accordé par le ministère des Travaux publics. La majorité de ces infractions concerne des habitations érigées en bord de mer. Quant aux infractions commises après 1994, elles ne pourront pas être régularisées.

Détruire les bâtiments contrevenants

À l’heure actuelle, les autorités ambitionnent donc de réexploiter certaines des structures sur lesquelles elles auront mis la main, moyennant des cahiers de charges et des appels d’offres dont bénéficiera le secteur privé. Le concept même est contesté par Nizar Saghiyeh, en raison du fait qu’il s’agit de bâtiments illégalement construits à la base. Le directeur de Legal Agenda estime qu’il faut tout bonnement démolir les bâtisses contrevenantes, à l’exception des habitations occupées par des familles démunies. « Démolir ces bâtiments, c’est démolir les valeurs de la guerre qui se sont installées en nous », insiste-t-il, tout en rappelant que la grande majorité des infractions ont eu lieu durant la guerre civile. « Pour les plus démunis, il faut trouver une solution avant de leur demander d’évacuer les lieux, car le droit à l’habitat est garanti par l’État, souligne-t-il. Toutefois, selon nos calculs, plus de 73 % des propriétés non régularisables n’ont rien à voir avec le droit à l’habitat, ce sont de grands centres balnéaires. »

Concernant la possible exploitation, par les autorités, de certains centres balnéaires, M. Saghiyeh estime qu’« il est inacceptable de faire des appels d’offres pour l’exploitation de structures illégales ». L’avocat dit craindre par ailleurs que ce ne soient « les mêmes personnes (qui gèrent ces centres à l’heure actuelle) qui gagnent les appels d’offres ».

Même son de cloche du côté de Mona Fawaz, architecte urbaniste et membre fondateur de Beyrouth Madinati, qui se dit contre l’exploitation des biens saisis par l’État. « Il s’agit d’un concept mal interprété. L’État peut mettre la main sur ces endroits, mais il n’a pas à les exploiter », explique Mme Fawaz qui estime également que ces bâtisses doivent être détruites. « Les autorités disent qu’elles pourraient en profiter, mais elles seront en train de contrevenir à la loi. Il ne faut pas refaire la même erreur. Il faut ouvrir le littoral. De cette manière, c’est l’économie de la ville entière qui pourra en profiter », indique l’architecte urbaniste qui rappelle que « l’accès à la plage doit être ininterrompu ».

Abir Saksouk, architecte urbaniste et membre de la Coalition pour le littoral libanais, assure pour sa part être en train de travailler sur une carte qui répertoriera l’ensemble des infractions tout le long du littoral. « Le but de notre action est de rendre ces endroits accessibles au public, mais il semblerait que l’État veuille investir dans les bâtiments contrevenants, au lieu de donner accès à la plage à tout le monde », déplore Mme Saksouk.

La militante assure par ailleurs que la Coalition pour le littoral libanais a l’intention de faire pression sur les plus grands contrevenants, dans l’espoir de libérer une partie du littoral. « Dix-neuf des plus grands centres balnéaires en infraction occupent plus de 5 000m2 chacun. Ce serait excellent si on pouvait avoir à nouveau accès à cette surface », souligne-t-elle.

Le dossier des empiétements sur les biens-fonds maritimes publics n’est pas près d’être clôturé. Alors que les autorités avaient commencé à saisir certaines structures bâties à même la plage, une décision du ministre des Travaux publics, Michel Najjar, fin mai, a octroyé un nouveau délai à toute personne souhaitant régulariser des exploitations illégales des biens-fonds...

commentaires (1)

Le problème ne réside pas dans les petits kiosques, mais dans les complexes balnéaires, Eden-Bay ou autres. Et ceux-là, il n'est ma;heureusement pas question de les raser.

Yves Prevost

07 h 17, le 04 juin 2020

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Commentaires (1)

  • Le problème ne réside pas dans les petits kiosques, mais dans les complexes balnéaires, Eden-Bay ou autres. Et ceux-là, il n'est ma;heureusement pas question de les raser.

    Yves Prevost

    07 h 17, le 04 juin 2020

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