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Moyen-Orient - Éclairage

USA-Iran : l’heure est-elle à la trêve ?

Washington et Téhéran multiplient les signes d’apaisement dans un contexte marqué par la pandémie du coronavirus et la campagne pour la présidentielle aux États-Unis.

Le guide suprême iranien, l’Ayotallah Ali Khamenei, et Donald Trump, président des États-Unis. Photo AFP

À couteaux tirés ou à fleurets mouchetés ? Depuis que les États-Unis se sont retirés de l’accord sur le nucléaire en mai 2018, les tensions entre Washington et Téhéran n’ont cessé de croître pour atteindre leur acmé dans le sillage de l’assassinat par la Maison-Blanche, à Bagdad le 3 janvier dernier, de Kassem Soleimani – commandant en chef de l’unité al-Qods au sein des gardiens de la révolution iranienne –, et d’Abou Mahdi al-Mouhandis – chef de facto d’al-Hachd al-Chaabi en Irak.

Plusieurs signaux récents semblent cependant converger aujourd’hui vers une volonté commune d’accalmie. Le premier est le retrait par les États-Unis de quatre batteries de missiles Patriot d’Arabie saoudite. Deux d’entre elles avaient été installées là-bas pour protéger les ressources en or noir contre des attaques de missiles et d’avions, après les frappes de septembre contre deux sites pétroliers majeurs dans le royaume saoudien. Bien que l’Iran ait démenti son implication dans ces attaques, Téhéran avait été accusé par Riyad et ses alliés occidentaux d’en être responsable. Selon le Wall Street Journal, les officiels américains envisageraient à présent une réduction de leur présence maritime dans le Golfe. Une démarche fondée sur des évaluations d’après lesquelles Téhéran ne représente plus une menace immédiate pour les intérêts stratégiques de Washington. « Il y a des interprétations conflictuelles puisque Mike Pompeo, le secrétaire d’État américain, a déclaré qu’il s’agissait de rotations habituelles des forces. Néanmoins, si, dans les faits, les États-Unis réduisaient leur présence navale dans le Golfe, cela serait certainement bien accueilli par l’Iran et pourrait être perçu comme un signe de désescalade », avance Ali Fathollah-Nejad, chercheur spécialisé sur l’Iran au sein du Brookings Doha Center.

Ce retrait américain intervient alors que les mois de mars et d’avril ont été marqués par diverses manifestations d’hostilité entre les deux pays. Le 11 mars, une roquette attribuée aux Kataëb Hezbollah – une milice irakienne fondée par Abou al-Mahdi al-Mouhandis et dépendante de Téhéran – a été lancée contre Camp Taji qui abrite des bases américaines en Irak. L’attaque a fait trois morts, deux militaires américains et un médecin britannique. Deux jours plus tard, les États-Unis frappaient plusieurs sites proches de Bagdad que la faction utilise comme zones de stockage d’armement. Autre incident en avril, lorsque des navires iraniens se rapprochent de navires américains dans les eaux du Golfe. Les deux protagonistes se renvoient mutuellement la balle, multiplient les discours guerriers, avant de se résoudre à une rhétorique plus apaisée.

Le second signe d’une possible détente se trouve en Irak où, après cinq mois d’impasse politique, un nouveau gouvernement a été formé, conduit par Moustafa Kadhimi. Ce dernier a longtemps subi la vindicte des milices pro-Téhéran qui l’ont accusé d’être à la solde des États-Unis, voire d’avoir contribué en tant que chef des renseignements au double assassinat de janvier. Après avoir œuvré activement au réchauffement de ses relations avec les soutiens de l’Iran dans le pays, ces derniers se sont finalement résolus à sa prise de fonctions. « Le soutien iranien pour Kadhimi est en partie fondé sur l’espoir que sa connexion avec les États-Unis pourrait peut être lui permettre de faire du lobbying auprès de Washington pour une réduction de l’impact des sanctions américaines sur l’Irak et ainsi permettre plus de commerce entre l’Iran et l’Irak », analyse M. Fathollah-Nejad.


Troisième guerre mondiale
La frappe américaine contre Soleimani et Mouhandis avait été accueillie avec inquiétude par une partie des commentateurs, beaucoup craignant une déstabilisation accrue du Moyen-Orient, certains allant jusqu’à mentionner le risque d’une troisième guerre mondiale. D’autres avaient préféré constater que la région était déjà à feu et à sang, eu égard à la guerre civile syrienne ou encore à la violence milicienne en Irak, auxquelles les deux disparus n’avaient pas manqué de participer activement. D’autres encore ont choisi de faire preuve de réserve et d’insister sur le fait qu’une escalade majeure ne serait ni dans les intérêts de Washington ni dans ceux de Téhéran.

« Avant même le déclenchement de la pandémie liée au coronavirus et son impact en Iran, avant même l’assassinat de Soleimani, ni les États-Unis ni l’Iran n’avaient intérêt à ce qu’il y ait une confrontation majeure, que ce soit directement – en lançant des missiles de croisière contre des infrastructures iraniennes – ou indirectement, à travers une confrontation transfrontalière entre Israël et le Hezbollah au Liban, ou même entre l’Iran et Israël », commente pour L’Orient-Le Jour Aaron David Miller, membre du think tank Carnegie Endowment, analyste sur le Moyen-Orient et ancien négociateur au sein d’administrations américaines républicaines et démocrates.

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En se débarrassant de l’ex-numéro 2 iranien, les États-Unis ont pourtant touché la République islamique en plein cœur. L’attaque ne pouvait pas rester sans réponse. Le guide suprême de la révolution, l’Ayatollah Ali Khamenei, avait promis une « revanche sévère ». Ce sera chose faite quelques jours plus tard. Une douzaine de missiles sont lancés depuis l’Iran – et non pas à travers ses supplétifs régionaux – contre les bases américaines de Aïn el-Assad et d’Erbil en Irak, terrain de prédilection des tensions entre les deux pays. L’attaque ne fait cependant aucune victime.

Aux déclarations martiales qui ont précédé, succède un appel à l’apaisement en demi-teinte. Le ministre des Affaires étrangères Mohammad Zarif déclare l’objectif atteint et souligne que l’Iran ne recherche ni guerre ni escalade. Le président Hassan Rohani et le guide suprême Ali Khamenei affirment quant à eux que le but ultime est d’expulser les forces américaines de la région. Le président des États-Unis Donald Trump tente lui aussi de ménager la chèvre et le chou en annonçant de nouvelles sanctions économiques contre Téhéran tout en déclarant : « Le fait que nous ayons ces excellents équipements militaires ne signifie pas que nous devons les utiliser. Nous ne voulons pas les utiliser. »

« Quand bien même aucun des protagonistes ne souhaite véritablement l’escalade, les Américains privilégient toujours la politique de pression maximale et les Iraniens entendent toujours y répondre avec une détermination maximale. À moins qu’il n’y ait des changements fondamentaux dans la conception et les objectifs des uns et des autres, les risques d’escalade restent présents », précise M. Miller.


Élections et coronavirus
Si détente il y a, les circonstances politiques et sanitaires semblent y avoir grandement contribué. Le coronavirus a mis la République islamique à rude épreuve. Les sanctions américaines ont entravé les importations de produits médicaux et humanitaires. « Le contexte pandémique complique les choses, notamment pour l’Iran, car cela a considérablement réduit ses possibilités commerciales. Avec la restriction des voyages et les préoccupations entourant la propagation du virus, le déploiement des politiques et des forces régionales a également été amoindri », résume Ali Fathollah-Nejad. « Il faut aussi prendre en compte le fait que les durs du régime, lorsqu’ils monopolisent le pouvoir, peuvent être plus disposés à engager des discussions avec les États-Unis, malgré une rhétorique contraire. Ils ne craignent plus qu’une administration “modérée” discute avec les États-Unis contre leurs intérêts. » Les élections législatives de février dernier ont donné lieu à un raz-de-marée conservateur, dans un contexte général de défection des électeurs. Le régime a actuellement les yeux rivés sur l’élection américaine dont l’issue pourrait changer la donne concernant les dossiers du nucléaire et des sanctions.

« Clairement, si Joe Biden est élu, les opportunités et les options concernant l’approche à adopter vis-à-vis de l’Iran vont se développer », résume M. Miller.

Quant à l’administration américaine, elle n’a pas d’intérêt à ouvrir de nouveaux fronts avec l’Iran en période préélectorale. Selon Aaron David Miller, « adopter une rhétorique et une politique de guerre vis-à-vis de l’Iran peut, à certains degrés, être politiquement populaire, mais cela n’est pas aussi important pour la base électorale évangélique de Donald Trump que l’annexion de la Cisjordanie ou encore le déménagement de l’ambassade américaine à Jérusalem ».

À couteaux tirés ou à fleurets mouchetés ? Depuis que les États-Unis se sont retirés de l’accord sur le nucléaire en mai 2018, les tensions entre Washington et Téhéran n’ont cessé de croître pour atteindre leur acmé dans le sillage de l’assassinat par la Maison-Blanche, à Bagdad le 3 janvier dernier, de Kassem Soleimani – commandant en chef de l’unité al-Qods au sein des...

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L,ABRUTISSEMENT DE L,OBSCURANTISME ET LES GAFFES DE L,HEBETUDE !

LA LIBRE EXPRESSION

17 h 36, le 18 mai 2020

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  • L,ABRUTISSEMENT DE L,OBSCURANTISME ET LES GAFFES DE L,HEBETUDE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    17 h 36, le 18 mai 2020

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