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Société - Crise

« Malgré les difficultés financières, l’AUB est là pour rester »

Dans une rencontre avec un groupe de journalistes, Fadlo Khuri explique que l’Université américaine a de quoi tenir durant 21 mois avant d’« effectuer quelques changements ».

La réunion s'est tenue devant la façade du Daniel Bliss Hall, le bâtiment qui porte le nom du fondateur de l'AUB.

« L’Université américaine de Beyrouth restera une université d’excellence, dont la présence est cruciale dans le monde arabe, surtout à l’heure actuelle, alors que les tensions sont à leur paroxysme dans la région entre les États-Unis et l’Iran. » C’est ce qu’a assuré le président de l’AUB Fadlo Khuri, lors d’une rencontre mercredi avec les médias, dont L’Orient-Le Jour, en présence de nombreux doyens de l’université.

Distanciation imposée par le coronavirus oblige, la rencontre s’est tenue en plein air sur le campus de la rue Bliss. Les personnes présentes étaient installées chacune derrière une table, bien séparées les unes des autres. Le choix du lieu n’était pas anodin : il s’agit du parvis du Daniel Bliss Hall, un bâtiment construit en 1902 et portant le nom du fondateur de l’université, un missionnaire américain arrivé au Liban en 1856.

« L’AUB est là pour rester, malgré les difficultés financières », a déclaré d’emblée M. Khuri qui a voulu être plus rassurant lors de cette rencontre avec les journalistes que dans le message alarmiste qu’il avait envoyé aux étudiants et au corps enseignant la semaine dernière. Dans ce message, il avait souligné que la situation actuelle constitue « le plus grand défi depuis la fondation de l’institution en 1866 », notant que « la plupart des organisations ne survivent pas à des baisses de revenus aussi rapides et sévères ». Il avait également expliqué que si pour 2019-2020, l’université s’attendait à collecter 609 millions de dollars de revenus, elle prévoyait une perte de 30 millions de dollars. Pour la prochaine année universitaire, les revenus étaient en outre estimés à 249 millions de dollars, soit 60 % de moins que l’objectif fixé. Selon lui, les pertes de cette année élimineraient presque totalement les fonds de prévoyance que l’université avait accumulés.

Lors de cette rencontre avec les médias, M. Khuri a affirmé sa détermination à maintenir toutes les facultés ouvertes et à préserver le rôle phare de l’AUB en matière de recherche universitaire au Liban. Il y a lieu de préciser, dans ce cadre, que 63 % des recherches universitaires dans le pays sont publiées par l’Université américaine de Beyrouth.

« Nous resterons là, mais la question qui se pose est pour qui », s’est-il interrogé en soulignant que la mission de l’institution est d’assurer l’éducation des étudiants les plus brillants (et non les plus riches). Il a également rappelé que le nombre d’étudiants bénéficiant d’une bourse complète s’élève à 800, ce chiffre ayant doublé depuis qu’il est devenu président de l’université il y a cinq ans. Jusqu’à nouvel ordre, l’AUB, qui compte environ 10 000 étudiants, continuera d’accepter le paiement des frais d’études universitaires en livres libanaises au taux officiel, a encore précisé Fadlo Khuri.


"L'université s'attendait à des revenus de l'ordre de 609 millions de dollars, elle prévoyait une perte de 30 millions de dollars", a affirmé Fadlo Khoury.

Universités, secteur privé et corps professionnels

« Pour que le Liban se relève, il faut compter sur les universités, le secteur privé et les corps professionnels et cela fait deux millions de personnes », a-t-il martelé à plusieurs reprises, mettant aussi l’accent sur l’importance du rôle des institutions éducatives, d’une presse libre et d’une justice indépendante.

Évoquant la dévaluation incontrôlée et vertigineuse de la livre libanaise, il a rappelé « les projections du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale, qui estiment qu’environ 70 % de la population libanaise vivra dans la pauvreté dans les mois à venir ».

« Si la crise économique perdure et si les Libanais continuent d’être humiliés notamment devant les portes des banques, ils partiront sitôt qu’ils en auront la possibilité pour ne plus jamais revenir », a-t-il averti. « Auparavant, même aux pires moments de la guerre, les Libanais partaient à contrecœur et revenaient au pays avec joie », a-t-il poursuivi, avant de se lancer dans un plaidoyer pour le Liban, « un pays de pluralisme, de liberté et de démocratie, n’ayant aucun concurrent dans ce cadre dans toute la région, de la Turquie à l’Afghanistan ». Notant qu’au cas où la situation du pays resterait inchangée, l’AUB a de quoi tenir durant un an et neuf mois avant d’« effectuer quelques changements », il a indiqué que ces changements n’impliqueront en aucun cas la fermeture des facultés. « C’est l’administration qui sera touchée en premier », selon Fadlo Khuri. L’Hôpital de l’Université américaine pâtira des restrictions budgétaires également. « Un grand chantier en cours devra être repensé suite aux changements économiques », a-t-il annoncé.

« En temps dû, nous donnerons notre avis au gouvernement »

Rejetant les rumeurs selon lesquelles les États-Unis refuseraient d’aider l’AUB à cause de la présence du Hezbollah au Liban, il a martelé : « Nous avons fait nos preuves et je suis sûr qu’il n’existe aucune confusion dans ce cadre. D’ailleurs, nous venons de recevoir une aide américaine pour lutter contre le coronavirus. »

Invité à parler du soulèvement du 17 octobre 2019, il a estimé que « même si elle a montré que les Libanais refusent l’ordre établi, la révolution a un long chemin à parcourir ». « À cause du communiqué conjoint avec le recteur de l’Université Saint-Joseph, le père Salim Daccache, et parce que le Premier ministre actuel était un ancien doyen de l’AUB, on a fait de moi le leader de la révolution et le faiseur de dirigeants, or ces rumeurs sont complètement infondées », a noté M. Khuri, démentant ainsi indirectement des bruits selon lesquelles il avait été associé à la nomination de Hassane Diab à la tête du cabinet.

Dans leur communiqué conjoint, publié le 27 octobre, le père Daccache et M. Khuri avaient exprimé leur appui au soulèvement populaire, le décrivant comme « un authentique sursaut national, le plus grand mouvement national unificateur depuis 1943 ». Ils avaient appelé les autorités à soutenir ce mouvement, en faisant valoir dans ce contexte l’unité des Libanais et en condamnant les tentatives de répression de la contestation.

Le président de l’AUB a rappelé qu’il avait simplement invité à l’époque les autorités à protéger les universitaires, étudiants et corps enseignants, qui avaient investi les rues et qui aspiraient à un autre Liban et qu’il avait aussi cité, lors d’une interview, le titre d’un livre de l’historien Kamal Salibi sur le pays du Cèdre : « Lebanon, A House of Many Mansions. »

« Au moment opportun, nous donnerons de façon subtile notre avis au gouvernement », a-t-il souligné en conclusion, rappelant qu’en 2018, il avait, avec le recteur de l’USJ, mis en garde le président de la République Michel Aoun et le Premier ministre de l’époque Saad Hariri, contre la dégradation de la situation. « Nous les avions appelés à prendre les mesures adéquates », pour éviter la crise.

Un appel qui, malheureusement, n’a pas été entendu.


« L’Université américaine de Beyrouth restera une université d’excellence, dont la présence est cruciale dans le monde arabe, surtout à l’heure actuelle, alors que les tensions sont à leur paroxysme dans la région entre les États-Unis et l’Iran. » C’est ce qu’a assuré le président de l’AUB Fadlo Khuri, lors d’une rencontre mercredi avec les médias, dont...

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