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Culture - Photo

Quand masques et gants envahissent le bitume à Beyrouth

Pour attirer l’attention sur les risques sanitaires des gants et masques souillés jetés n’importe où, le photographe Omar Frangieh a réalisé une série d’images fortes et expressives.

Des images de la série « Invaders of Beirut » ou « Les Envahisseurs de Beyrouth », de Omar Frangieh. Photo DR

« Ce n’est pas un projet uniquement informatif mais bel et bien à visée esthétique », précise d’emblée le photographe Omar Frangieh. Avec son appareil photo, il traque les gants et les masques jetés par terre, à travers Beyrouth. Des images qui alimentent son compte Instagram dans le cadre d’une série intitulée Invaders of Beirut ou Les Envahisseurs de Beyrouth. « Lorsque j’ai entamé ce projet, j’avais vu que les photographes de l’agence Magnum et même les agences françaises avaient stigmatisé ce problème. Mais c’était simplement à l’échelle informative », précise celui qui se soucie non seulement de la propreté de la ville mais aussi du facteur beauté. « Tout a commencé quand je me baladais, courant avril, dans les rues de Beyrouth. Je marchais pour m’oxygéner. Mon regard est tombé sur ces masques et ces gants jetés n’importe où et n’importe comment. Cela m’a donné à réfléchir. Je me suis demandé comment un citoyen pouvait traiter sa ville de la sorte et comment il pouvait être aussi irresponsable puisqu’il infecte volontairement l’environnement. » « Je ne suis ni un moraliste ni un représentant d’une autorité, reprend Frangieh. Je suis un artiste qui, par ses idées et son travail, espère transmettre un message à tous les Libanais. J’ai pris ce que j’avais sous la main, à savoir mon téléphone, et j’ai photographié. Je suis devenu témoin. »

Bas les masques

Comment faire du laid quelque chose de beau ? En infiltrant dans cette matière synthétique prise en photo ce qu’il y a de plus naturel, et de plus vivant, à savoir des émotions fortes qui s’entrechoquent ou fusionnent avec le regard des autres. Pas de mise en scène dans la manière de Frangieh d’aborder le sujet, ni de manipulation – « c’est trop dangereux », dit-il – mais un simple regard distancié, un œil différent qui observe à travers ces objets inanimés et qui va au-delà de ces masques et gants, devenus nos seules bouées de sauvetage. « J’essayais non seulement de les voir autrement mais de deviner les personnes qui étaient derrière ces protections. J’imaginais la peur, l’angoisse, mais aussi le désir de se libérer en les démasquant. »

Ces photographies témoignent également des histoires de joies et de luttes que les habitants de Beyrouth ont vécues et continuent à vivre durant cette pandémie. Ces Envahisseurs, comme il les nomme, ont violé notre intimité, nos craintes les plus profondes. Ils ont décharné nos joies, arraché notre seconde peau afin de nous confronter à la réalité la plus cruelle : la peur de la mort, mais aussi la peur de l’autre.

À la manière des Aliens de Ridley Scott, ces envahisseurs font désormais partie de nous.

On croirait entendre également sous ces photos des appels au secours, avec la crise économique et sociale qui gronde. Le photographe est là, présent, pour guider le regard et lui indiquer la marche à suivre afin de mieux comprendre ces objets qui sont devenus des parties indispensables de notre vie. En nommant chaque photo et en lui adjoignant une légende, Omar Frangieh suggère des interprétations. « C’est comme regarder les nuages, dit-il. Chacun peut les voir d’une manière différente. Si certains les identifient parfois à un animal, d’autres les imaginent en carafe, en fourchette ou autre ustensile de la vie quotidienne. C’est selon… »

Disposant de deux cents clichés, le photographe en a sélectionné plus d’une trentaine. « Ce qui était un geste spontané au début devenait plus élaboré par la suite. J’ai mis en évidence les contrastes des couleurs, le bitume noir avec le bleu des gants ou avec le rose du bougainvillier, ou la lumière qui donnait plus de formes. J’ai obtenu une galerie de portraits comme le “crawler” (le rampant), le “homeless” (le sans-abri), le “spider” (l’araignée) mais aussi le “victorieux”, “la belle et la bête” et tant d’autres qui sont devenus à mes yeux autant de cris de SOS. »

Natif de Zghorta, Omar Frangieh avoue porter depuis son enfance une certaine fascination pour la boue, les allumettes ou les branches dans la forêt. « J’aimais observer le minuscule et aller du micro au macro », raconte-t-il. Son rapport à la photographie est tout aussi organique et précoce. Ayant effectué des études d’audiovisuel, il ne lâchera pas pour autant son appareil, que ce soit pour des photos publicitaires – comme celle qui enveloppent les boîtes de conserves d’un célèbre label de produits alimentaires libanais (Wadi el-akhdar) ou d’Arabie saoudite (Marai) – ou pour réaliser des portraits comme cette Lady in Red qui a obtenu le prix du magazine Vogue italien ; ou encore, et c’est son autre dada, prendre des photos culinaires artistiques.

Dans ce projet, adoubé par l’agence Reuters qui en a posté plusieurs clichés sur sa plate-forme, Omar Frangieh a voulu donner un coup de projecteur sur un grand risque sanitaire et environnemental, à travers des images fortes et esthétiques.

« Ce n’est pas un projet uniquement informatif mais bel et bien à visée esthétique », précise d’emblée le photographe Omar Frangieh. Avec son appareil photo, il traque les gants et les masques jetés par terre, à travers Beyrouth. Des images qui alimentent son compte Instagram dans le cadre d’une série intitulée Invaders of Beirut ou Les Envahisseurs de Beyrouth....

commentaires (4)

Quand on parle de pays sous développé, ce n'est pas que sur le plan économique ! Il est temps d'élèver ce peuple... toutes classes sociales confondues : ces masques et ces gants jetés par terre n'appartiennent pas aux plus pauvres...

Georges Lebon

09 h 51, le 16 mai 2020

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Commentaires (4)

  • Quand on parle de pays sous développé, ce n'est pas que sur le plan économique ! Il est temps d'élèver ce peuple... toutes classes sociales confondues : ces masques et ces gants jetés par terre n'appartiennent pas aux plus pauvres...

    Georges Lebon

    09 h 51, le 16 mai 2020

  • c est à l image du pays tout entier on mange et on jette n importe ou c est la faute à l état qui doit ramasser les ordures;;;;;; le civisme c est pour plutard peut etre la FMI VA NOUS RAPPELER a L ORDRE,

    youssef barada

    19 h 20, le 15 mai 2020

  • L'éducation commence a la maison. Malheureusement à la base certains parents ne l'ont pas. Comment voulez-vous qu'ils la transmette à leurs enfants. Sans oublier les rustres qui se croient tout permis.

    Khalil Mteini

    08 h 56, le 15 mai 2020

  • LE M,ENFOUTISME ET L,IRRESPONSABILITE LIBANAIS.

    LA LIBRE EXPRESSION

    07 h 24, le 15 mai 2020

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