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Moyen-Orient - Pandémie

Début d’effondrement global ou (dernière) chance à saisir ?

Des Péruviens arrêtés par la police alors qu’ils cherchaient à quitter Lima malgré la quarantaine. Sebastian Castaneda/Reuters

Ils sont ingénieur, sociologue, universitaire ou ancien ministre. Penseurs d’un effondrement possible de nos sociétés menacées notamment par le changement climatique, souvent rangés sous l’appellation – que certains réfutent – de « collapsologues », ils scrutent la profonde crise dans laquelle le coronavirus plonge nos sociétés. Constat de départ : la non-soutenabilité du modèle socio-économique basé sur les énergies fossiles, qui a assuré en à peine plus de deux siècles un développement spectaculaire, tout en causant des modifications fondamentales de l’environnement humain : réchauffement climatique, perte de biodiversité...

Certains l’appellent « anthropocène », certains « Gaïa », d’autres refusent les chapelles, mais tous s’accordent sur les fragilités auxquelles a conduit ce modèle.

À 74 ans, l’écologiste français Yves Cochet, ancien ministre de l’Environnement, est aujourd’hui retiré dans sa propriété dans la campagne en Bretagne (Ouest), choisie justement pour favoriser un mode de vie résilient face à la catastrophe qu’il estime inéluctable.

Mathématicien de formation, fondateur du parti des Verts, ex-député français et européen, il a publié en septembre un livre intitulé Avant l’effondrement. Scénario principal : un effondrement global de notre civilisation d’ici à 2030.

Avec le coronavirus, « on a vu qu’on n’était pas du tout préparés, et donc ça arrive beaucoup plus vite qu’on ne le croyait », analyse-t-il. Pour autant, il « hésite encore » à parier qu’il s’agit là du premier domino qui va précipiter la chute. Et de paraphraser l’humoriste Pierre Dac : « Il est encore trop tôt pour savoir s’il est trop tard. » Par contre, « une crise économique mondiale, encore plus sévère que ce qu’on pense, ça oui », il en est convaincu. Avec, à la clé, « la probabilité que l’avenir tourne au désastre mondial, avec beaucoup de victimes, économiquement ou physiquement ».

Fragilisation généralisée

« Ce qui se passe est le symptôme de toute une série d’affaiblissements », estime Yves Citton, coauteur du livre Générations collapsonautes paru en mars en France, professeur à l’Université Paris VIII et directeur de la revue Multitudes. « Ce n’est pas la fin du monde, mais un avertissement sur quelque chose qui est déjà en train de se faire », poursuit celui pour qui nous devons aujourd’hui « naviguer sur toute une série d’effondrements en cours ». « L’effondrement a commencé à petit feu », abondait en mars, dans une vidéo postée sur son site, Jean-Marc Jancovici, directeur du Shift Project, think tank « qui œuvre en faveur d’une économie libérée de la contrainte carbone ». « L’effondrement peut être lent, c’est un processus par marche d’escalier, et là, on vient de se prendre une petite marche, derrière laquelle on ne reviendra pas au niveau précédent. »

Car la crise démontre comment « notre société est vraiment devenue hypervulnérable », avec notamment des sources d’approvisionnement spécialisées et souvent éloignées, constate aussi Pablo Servigne, coauteur en 2015 de Comment tout peut s’effondrer, ouvrage qui a popularisé la « collapsologie », mais aussi de Une autre fin du monde est possible en 2018. « La grande leçon de l’histoire, explique-t-il, c’est que les trois manières de mourir en masse, que les anciens appelaient les cavaliers de l’Apocalypse, sont les guerres, les maladies et les famines. Et que les trois s’entretiennent l’une l’autre. Là, on a une pandémie qui peut amener d’autres chocs, des guerres, des conflits géopolitiques ou internes et des famines. Et si on a une famine, on a d’autant plus de vulnérabilité de voir survenir d’autres pandémies, le corps n’étant plus prêt à résister aux maladies, etc. » Le constat posé, tous se félicitent que la crise laisse voir une alternative au système néolibéral mondialisé. Le sociologue et philosophe Bruno Latour pointe dans un texte pour le média en ligne AOC une leçon « stupéfiante » de l’épidémie : « Il est possible, en quelques semaines, de suspendre, partout dans le monde et au même moment, un système économique dont on nous disait jusqu’ici qu’il était impossible à ralentir ou à rediriger. »

« Dans le désert »

« On prêchait dans le désert, et ces revendications qui semblaient irréalistes se mettent en place en quelques jours », renchérit Yves Citton, qui compare le chèque de 1 200 dollars que l’État fédéral américain prévoit de verser à de nombreux citoyens victimes de la crise à « l’équivalent d’un début de revenu universel ». Pablo Servigne se réjouit aussi de ce « grand coup d’arrêt, comme un signal d’alarme dans le train ». Et voit une « source d’inspiration et de joie dans l’incroyable réactivité du vivant à l’arrêt de nos bêtises », avec les animaux ou les plantes qui regagnent déjà des espaces libérés par le confinement des humains. Il se félicite également du « grand retour des États souverains », notamment dans la sphère socio-économique. « La très, très bonne nouvelle, c’est que l’argent n’est plus un problème : on a besoin de 300 milliards ? On les trouve. On aura besoin de 500 milliards ? On les trouvera », constate aussi Jean-Marc Jancovici.

La question qui se pose alors, c’est évidemment : pour quoi ? Pour quel « après » ? « Il faut que le plan de relance soit le plus décarbonant possible, ou que le plus vite possible on passe à quelque chose qui le soit », insiste Jean-Marc Jancovici. Il redoute pourtant que « le seul plan qui vienne à l’esprit de tout le monde quand il s’agit de sauver de l’emploi (soit) de faire repartir la situation comme avant ».

Stéphane ORJOLLET

Ils sont ingénieur, sociologue, universitaire ou ancien ministre. Penseurs d’un effondrement possible de nos sociétés menacées notamment par le changement climatique, souvent rangés sous l’appellation – que certains réfutent – de « collapsologues », ils scrutent la profonde crise dans laquelle le coronavirus plonge nos sociétés. Constat de départ : la...

commentaires (1)

Il est certain que nous libanais sommes aussi responsables d'avoir trop basé l'éducation de nos enfants sur le sens du lucre et de la productivité, plutôt que sur l'approfondissement des valeurs culturelles et écologiques . Notre environnement est désastreux . Notre belle nature est catastrophiée .

Chucri Abboud

14 h 48, le 22 avril 2020

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Commentaires (1)

  • Il est certain que nous libanais sommes aussi responsables d'avoir trop basé l'éducation de nos enfants sur le sens du lucre et de la productivité, plutôt que sur l'approfondissement des valeurs culturelles et écologiques . Notre environnement est désastreux . Notre belle nature est catastrophiée .

    Chucri Abboud

    14 h 48, le 22 avril 2020

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