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Culture - En librairie

Les dérisoires secrets de dictateurs mis sur la sellette...

Un caustique recueil de nouvelles, avec une bonne dose d’ironie, en langue arabe, intitulé « al-Taabi’a » (« L’enrôlement », 174 pages, Naufal-Hachette-Antoine) de Wajdi al-Ahdal, sulfureux et révolté écrivain yéménite.


Ce sont des dérives du pouvoir et de ceux qui les représentent que parlent les nouvelles de Wajdi al-Ahdal, rassemblées dans al-Taabi’a (L’enrôlement, 174 pages, Naufal-Hachette-Antoine). À travers une brochette de personnages qui ont marqué l’histoire de leurs actes sanguinaires et destructeurs, l’écrivain yéménite présente le revers de ces légendes glaçantes, comme des coulisses ouvertes sur un théâtre inattendu car au secret jalousement gardé…De l’Europe à l’Afrique, en passant par l’Asie, l’on se rafraîchit la mémoire au fil des pages, entre gravité et dérision, au sujet de ces gouverneurs sans foi ni loi qui se croyaient éternels et au-dessus de tout… En la matière, les pays arabes ne manquent pas de dictateurs et de tyrans. Lâcheurs de bombes sur les villes qu’ils gouvernent, vieillards en chaise roulante refusant de céder devant la grogne générale, dirigeants sourds aux cris du peuple dans un pays failli, généraux et maréchaux prompts à faire tirer sur tout ce qui lève la tête et élève la voix... La galerie est riche.

Wajdi al-Ahdal, l’enfant terrible de la littérature yéménite, né à Hodaïda en 1973 et formé à l’Université de Sanaa, n’en est pas à sa première incartade. L’auteur qui a été traduit en plusieurs langues, dont le français, en donne l’illustration à travers ce recueil de nouvelles survolant, à saute-mouton, l’histoire moderne et ancienne de ces personnages hors normes qui ont défrayé la chronique en foulant aux pieds la démocratie, les droits de l’homme, etc.

Quatorze nouvelles, plus ou moins brèves, sont rassemblées dans al-Taabi’a. Sont notamment épinglés, à travers de cocasses portraits, Adolf Hitler, Joseph Staline, Francesco Franco, Bokassa, Augusto Pinochet, Ceaucescu, Suharto, Ferdinand Marcos, Jorge Videla, Omar Bongo, Idi Amin, Pol-Pot, Robert Mugabe, Napoléon...


Schizophréniques ou bipolaires
Pour ces personnages, les histoires tournent autour de leurs vies pour cacher un détail, de toute évidence commun à bien des mortels, qu’ils jugent incompatible avec leur stature sacrée ! Sont abordés les maladies, les métiers pratiqués avant d’atteindre le sommet de leur ascension politique, les tendances schizophréniques ou bipolaires, les plats gastronomiques favoris ou détestés, la vie sexuelle au moment de passer à l’alcôve…

L’auteur, lauréat du Prix Kantara du roman arabe, a effectué trois années de recherche pour la rédaction de cet opus qui ne manque ni de piquant ni de culot. Avec pour point commun, pour cette altière et auguste assemblée : le silence sur l’enfance, l’oreille attentive aux diseuses de bonne aventure, aux oracles et aux prédictions, la hantise et la peur des retombées de leur karma car ils n’ignorent guère que leurs actes sont en dehors de tout ce qui est acceptable… Avec l’interdiction absolue que les autres sachent les maladies qui les habitent et dont ils souffrent. Bien entendu, celui qui vend la mèche est passible de mort…Pourquoi avoir choisi justement ces dictateurs, tyrans et autres autocrates quand il y en a bien d’autres de par le monde ? « J’ai mis plusieurs conditions pour rédiger cet ouvrage. D’abord, il fallait que le dictateur soit mort. Et cela s’applique à tous, sauf Mohammad dit le Picard, qui est toujours en vie et exilé en France. Une autre condition aussi : que le dictateur soit étranger car j’ai voulu éviter une discussion byzantine autour des dictateurs arabes pour ne pas heurter les sensibilités. Ici, tous les dictateurs ont des actes communs, et peu importe leur nationalité. De toute façon, les lecteurs ont assez de finesse pour comprendre à quelle catégorie de dictateur leur sort est lié. Le nom n’est qu’un masque… » répond l’auteur.

Un lien secret lie ces épisodes les uns aux autres pour retracer un pan de vie gardé à l’ombre. C’est pour cela que Wajdi al-Ahdal préfère parler d’un livre d’histoire plutôt que d’un recueil d’histoires. Et il n’en est pas à sa première expérience littéraire dans ce genre où son style narratif s’affirme de plus en plus. Aujourd’hui, on le considère volontiers comme le maître des nouvelles en langue arabe. Ces nouvelles qui s’emboîtent telles des poupées russes pour former un livre à part. Avec la beauté d’un style en langue arabe remarquable et ciselé où brillent humour noir, ironie féroce, subtilité dans l’emploi des mots et élégance des phrases.

Pour cet universitaire de Sanaa de 47 ans, le théâtre et le cinéma sont venus enrichir son parcours littéraire depuis son fracassant premier roman Kawareb jabaliya paru en 2002. Roman qui lui valut la fuite (en Syrie et au Liban) et l’exil car il s’y élevait contre les tabous et critiquait sans ménagement le pouvoir. Ce n’est que grâce à feu Günter Grass, qui intervint auprès du président yéménite d’alors, Abdallah Saleh, que l’écrivain a pu revenir sur sa terre natale.

Mais bon sang ne saurait mentir. Son dernier écrit est sans conteste un nouveau perturbant jet de pierre dans la mare. Sans nommer Sadddam Hussein, Kadhafi ou tout autre « karagueuz » des excès du pouvoir dans le monde arabe, sa plume incisive reste un cri vengeur et libérateur !

« Al-Taabi’a » de Wajdi al-Ahdal (174 pages, Naufal-Hachette Antoine), disponible en librairie.


Pour mémoire
Chaos, obscurantisme, sexualité et révolte au menu de deux romans en langue arabe


Ce sont des dérives du pouvoir et de ceux qui les représentent que parlent les nouvelles de Wajdi al-Ahdal, rassemblées dans al-Taabi’a (L’enrôlement, 174 pages, Naufal-Hachette-Antoine). À travers une brochette de personnages qui ont marqué l’histoire de leurs actes sanguinaires et destructeurs, l’écrivain yéménite présente le revers de ces légendes glaçantes, comme des...

commentaires (1)

bonjour, existe il en français merci

Élie Aoun

01 h 53, le 09 mars 2020

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Commentaires (1)

  • bonjour, existe il en français merci

    Élie Aoun

    01 h 53, le 09 mars 2020

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