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Économie - Dette publique

Eurobonds cédés par les banques libanaises à des créanciers étrangers : le gouvernement demande des clarifications

La ministre de la Justice, Marie-Claude Najm. Photo AFP

La ministre de la Justice, Marie-Claude Najm, a demandé au procureur général près la Cour de cassation, Ghassan Oueidate, d’adresser une note à la Commission spéciale d’investigation (CSI) relevant de la Banque du Liban afin que cette dernière lui fournisse tous les éléments en sa disposition concernant des opérations menées au cours des derniers jours et portant sur les eurobonds. La ministre Najm a également demandé au procureur Oueidate de prendre contact avec l’instance de régulation du secteur financier britannique (Financial Conduct Authority, FCA) afin de « clarifier la question de la multiplication par dix du volume d’échanges d’eurobonds arrivant à échéance à court terme sur le marché londonien. Ces échanges ont été menés par le fonds Ashmore et cela soulève des interrogations », peut-on lire dans son communiqué publié mardi soir. « Il s’agit de faire la lumière sur les informations relayées par les médias et indiquant que les banques libanaises ont enregistré les eurobonds en leur possession au nom de banques et fonds à l’étranger, afin que ces derniers exercent une pression sur l’État lors des négociations pour (le pousser au) remboursement des eurobonds », a poursuivi la ministre Najm.

Hier, le Premier ministre Hassane Diab a reçu le juge Oueidate avec qui il a discuté du dossier des eurobonds.

Tout cela intervient au moment où les cercles économiques et politiques au Liban débattent de l’opportunité, dans un contexte de crise économique et financière aiguë, de rembourser en mars des eurobonds qui s’élèvent à 1,2 milliard de dollars. Certains milieux prônent de négocier dès à présent avec les créanciers de l’État une restructuration de la dette. Le gouvernement Diab, qui s’est donné jusqu’à fin février pour trancher, a déjà entamé selon plusieurs sources concordantes les préparatifs en vue de conduire des négociations préliminaires avec les créanciers.

Les banques locales, qui avaient entamé il y a plusieurs semaines la vente à moitié prix de leurs eurobonds arrivant à maturité en 2020 sur le marché secondaire londonien, auraient également il y a quelques jours conclu des accords avec le fonds Ashmore, une société de gestion londonienne active sur les marchés émergents. « Ashmore possède un milliard de dollars d’obligations du Liban, dont près de 300 millions en obligations de mars 2020 », apprend-on dans un article publié mardi dans le quotidien économique français Les Échos. Estimant que les négociations avec les créanciers internationaux seront plus rudes, l’objectif des banques libanaises serait, selon des informations émanant des cercles bancaires et financiers, de faire pression sur le gouvernement en vue d’un remboursement de l’échéance du 9 mars. En effet, le fonds Ashmore « est sur une ligne dure. Il exige d’être payé rubis sur l’ongle le mois prochain. Quitte à retarder un défaut inévitable et, à terme, aggraver la situation, selon le représentant de Pimco (un géant de la gestion obligataire), qui aurait accusé son homologue de faire payer son pari audacieux sur la dette libanaise aux autres investisseurs. Les créanciers risquent donc d’avancer désunis », expliquent Les Échos.

Le fait que les banques se soient précipitées sur le marché secondaire pour brader leurs eurobonds et empocher quelques liquidités a été motivé par leur réticence à accepter le swap qui leur avait été proposé fin décembre par le gouverneur de la BDL, Riad Salamé. Ce swap devait être une sorte de troc dans le cadre duquel les banques locales donnent à la BDL les eurobonds qu’elles détiennent arrivant à échéance en 2020 en contrepartie d’autres eurobonds, détenus par la BDL mais arrivant à échéance beaucoup plus tard. L’objectif était de permettre à la BDL de prendre possession de la majorité des eurobonds de 2020. Ainsi, quand la BDL serait amenée à couvrir (pour le compte de l’État) les échéances de 2020, elle puiserait dans ses réserves en dollars, se remboursant elle-même. La BDL ne perdrait ainsi qu’une partie minime des réserves utilisées à cet effet car la majeure partie lui reviendra. Via ce swap, Riad Salamé espérait ainsi décaler d’au moins un an la possibilité que l’État fasse défaut.

Plusieurs observateurs condamnent donc aujourd’hui ces derniers agissements des banques « qui vont à l’encontre de l’intérêt national ». « Cela signifie que si l’on rembourse l’échéance de mars, une partie plus importante des réserves utilisées à cet effet sortira du pays. Ce comportement des banques nous a empêchés de gagner du temps et nous serons donc contraints d’aller vers une restructuration de la dette dans des conditions moins avantageuses que prévu », a confié l’un d’entre eux à L’OLJ.

La polémique a atteint plus précisément hier le président de l’Association des banques du Liban (ABL) et PDG de la Bank of Beirut (BoB). Des informations relayées principalement par la radio Voix du Liban faisaient état hier de la vente par BoB de plus 240 millions d’eurobonds à des créanciers internationaux. Le bureau de presse de Salim Sfeir a réagi en soirée, sans démentir ces informations, mais en rappelant que l’échange de titres sur les marchés est une activité courante entreprise par l’ensemble des banques afin de gérer au mieux leurs portefeuilles et leurs liquidités.

La ministre de la Justice, Marie-Claude Najm, a demandé au procureur général près la Cour de cassation, Ghassan Oueidate, d’adresser une note à la Commission spéciale d’investigation (CSI) relevant de la Banque du Liban afin que cette dernière lui fournisse tous les éléments en sa disposition concernant des opérations menées au cours des derniers jours et portant sur les eurobonds....

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