Rechercher
Rechercher

Lifestyle - Rencontre

Stéphane Bern : Europe était une Phénicienne de Tyr ; c’est bien qu’on s’en souvienne...

Avec un planning de visites aussi chargé que celui d’un ministre plénipotentiaire, l’animateur vedette et « Monsieur Patrimoine » de la télévision française est de passage à Beyrouth. « L’Orient-Le Jour » l’a rencontré quelques heures après son arrivée au palais Cochrane, l’une des premières étapes de sa tournée des hauts lieux du patrimoine libanais.


Stéphane Bern dans le magnifique cadre du palais Cochrane. Photo Michel Sayegh

Sa popularité dépasse le cadre de l’Hexagone. Pour preuve, l’amphithéâtre Abou Khater plus que bondé où Stéphane Bern a donné hier soir, à l’invitation des départements de lettres françaises et d’histoire-relations internationales de l’USJ, une conférence sur Les liaisons dangereuses entre histoire, littérature et patrimoine.

La veille, à peine descendu d’avion, il avait déjà enchaîné les visites de personnalités et de sites en lien avec l’histoire et le patrimoine libanais, dont le Musée national de Beyrouth et le magnifique palais Cochrane, à la rue Sursock, où L’Orient-Le Jour l’a rejoint le temps d’une brève conversation à bâtons rompus.

Dans ce cadre de prestige au charme suranné qui lui correspond comme un gant, l’homme de télé confortablement installé devant une tasse de thé offerte par l’hôte des lieux présente d’emblée ce même mélange d’affabilité et d’enthousiasme qui font sa popularité à l’écran. Pas de décalage physique, non plus. C’est ce même visage ouvert, au regard clair et au sourire généreux sous les bouclettes maîtrisées, que l’on se retrouve en face à face.

Stéphane Bern, est-ce votre première visite au Liban ? Et quelle est la raison de votre venue en ce moment très particulier que vit le pays ?

C’est, en effet, ma première visite au Liban. Mais j’ai plein d’amis libanais qui ont attisé mon envie de découvrir leur pays. Alors quand Christian Taoutel et Karl Akiki des départements de lettres françaises et d’histoire-relations internationales de l’Université Saint-Joseph de Beyrouth m’ont invité à venir y donner une conférence, je ne me suis pas dit que le moment n’était pas propice. J’ai totalement fait abstraction du contexte géopolitique.

Ne s’agit-il que de cela ? N’y aurait-il pas d’autres projets ?

« Il ne s’agit que de cela pour le moment. Mais, vous savez, j’ai toujours mille projets en tête. Et là, je suis émerveillé par ce que je commence à voir du Liban. Du coup, cela peut faire naître des envies d’émissions... », se contente-t-il de dire sur un ton sibyllin

Aviez-vous déjà une idée de votre popularité auprès des Libanais ?

Je n’en avais aucune idée. Ça a commencé à l’aéroport de Beyrouth où, à peine débarqué, des gens m’ont abordé en me disant « on vous aime, on vous adore ». Donc je découvre cette popularité. J’espère m’en montrer digne. Vous savez, j’arrive ici sans prétention, sans idées préconçues, le cœur sur la main et les yeux grands ouverts.

Les Libanais ont un amour de la France qui me touche beaucoup. Et je crois que cela rejaillit sur ma personne. Je vais d’ailleurs vous faire une confidence : lorsqu’on m’a invité, j’ai demandé au président Macron s’il pensait que je devrais me rendre au Liban, il m’a assuré qu’il fallait y aller. « La France a un tel lien avec le Liban que tous les signes positifs qu’on envoie aux Libanais sont importants », m’a-t-il dit. Je suis très heureux d’affirmer que le président français aime votre pays et moi aussi d’ailleurs. Il y a un tel sortilège ici. On en tombe immédiatement amoureux. Et puis, comme je l’ai constaté au Musée national de Beyrouth, Europe était une Phénicienne de Tyr. C’est bien qu’on s’en souvienne de temps en temps.

Auriez-vous imaginé un jour, vous qui avez fait des études de commerce, devenir le « Monsieur Histoire et Patrimoine » de la télé française. Qui plus est missionné par Emmanuel Macron pour la sauvegarde des monuments en péril ?

Si on me l’avait dit, je ne l’aurais pas cru ! Et, en même temps, tout ce que je vis, je l’ai rêvé. La seule chose que je n’ai pas rêvé, c’est de faire l’École supérieure de commerce de Lyon ! Mais c’était la seule concession faite à mes parents. Il fallait les rassurer avec un diplôme monnayable. Alors que moi je voulais devenir journaliste, quitte à manger des pommes de terre et des pâtes tous les jours (sourire). D’ailleurs, j’ai commencé ma carrière dans la presse écrite. Le Figaro notamment. Et comme les sujets que je racontais intéressaient la radio, on m’y a invité. Puis ça a été la télé. Et c’est ainsi que cela fait 14 ans que le magazine télévisé Secrets d’histoire dure et continue d’enregistrer des records d’audiences, comme cela a été le cas lundi dernier sur France 3 avec l’émission sur Philip d’Édimbourg.

Pourquoi la royauté et les têtes couronnées vous fascinent-elles autant ?

« Elles me fascinent moins qu’elles ne fascinent le public français », botte-t-il en touche. Il est vrai qu’elles m’intéressent, et que je leur porte une certaine tendresse. Mais, en réalité, en 15 ans et 150 émissions de Secrets d’histoire, chaque fois qu’on traite de la monarchie, on enregistre des records d’audience, alors que lorsque je parle des femmes dans la Révolution, de Danton, de Clemenceau ou encore de Picasso, on se prend des bides. Donc ce qui marche c’est encore les rois, les reines et les fées…

Citez-moi 3 personnages historiques que vous auriez adoré rencontrer…

Le cardinal de Richelieu. Son bréviaire sur l’art de faire de la politique est quelque chose qui m’a toujours fasciné. Diviser, jouer les uns contre les autres, puis au dernier moment rassembler… Voilà un homme de l’ombre que je n’aime pas mais que j’aurais aimé rencontrer pour percer son secret. J’aurais aussi adoré connaître Olympe de Gouges, la révolutionnaire de 1789 qui a eu ces mots : « Puisque la femme a le droit de monter à l’échafaud, elle a également le droit à monter à la tribune. » Et puis Rosa Parks qui s’est soulevée contre la ségrégation raciale. Vous allez trouver cela étrange, mais j’ai une passion pour les pasionarias, parce que, voyez-vous, l’histoire est toujours écrite par des femmes. Et celles-ci n’ont pas besoin qu’on leur construise des monuments et qu’on mette leurs noms au fronton des temples. Elles sont dans la réalité, elles veulent du concret, elles veulent changer la société…

Quel personnage historique auriez-vous aimé être ?

Là, je ne sais pas vraiment, car je suis un être pétri de contradictions. Je suis à la fois ce garçon qui raconte l’histoire et qui d’une certaine manière a un caractère plutôt conservateur et, en même temps, je me sens révolutionnaire dans l’âme. Je remets toujours en doute toute vérité établie. Au fond, je suis un homme de la Renaissance. Voilà. J’aurais aimé vivre cette époque, en homme ou en femme, peu importe. Parce que c’est au cours de cette période que pour la première fois, on commence à casser les codes établis.

De quelle émission ou réalisation êtes-vous le plus fier ?

Je suis content d’avoir réussi à populariser le goût de l’histoire. Quand vous avez toutes les semaines entre 2 et 3 millions de personnes qui vous suivent religieusement et que votre émission est diffusée à l’international, à travers TV5 monde, vous vous dites que oui, vous êtes peut-être d’une certaine utilité publique. Mais la chose dont je suis le plus fier est d’avoir sauvé 150 monuments (NDRL : grâce à la loterie du patrimoine qu’il a instaurée en 2017 après avoir été chargé par Emmanuel Macron de la préservation du patrimoine), dont le Collège Royal que j’ai acheté, que j’ai restauré et que je laisserai à la France.

Pensez-vous que vos larmes lors de l’incendie de Notre-Dame de Paris ont contribué à l’immense mobilisation qui s’est faite pour sa restauration ?

Notre-Dame, c’est le livre d’histoire de la France. Oui j’ai pleuré ce jour-là. Ça me soulagerait de penser que mes larmes ont pu contribuer à la sauver.

Quel est le « Secret d’histoire » qui vous a le plus marqué ?

C’est l’émission sur Charlotte de Luxembourg, qui était ma grande duchesse. Car je suis Franco-Luxembourgeois et que, quand j’étais petit, mon grand-père m’en parlait. C’était une grande résistante. Elle s’est battu courageusement contre les nazis...

Enfin quels conseils donneriez-vous aux Libanais pour une meilleure préservation de leur patrimoine historique ?

Je me garderais bien de leur donner des conseils. Je peux simplement partager mon expérience. Le patrimoine est un lieu de rassemblement qui crée du lien. Il n’est pas un luxe mais une nécessité. Parce qu’il raconte notre histoire en commun, d’où que nous venions, quelles que soient nos traditions, les communautés auxquelles nous appartenons. Même et surtout si elles sont très marquées comme au Liban. (…) Pour moi c’est un indicateur de l’état d’une société ; une société qui sauve son patrimoine est saine parce qu’elle renforce ses amarres pour construire son avenir. Je dirais aux Libanais : rassemblez-vous autour du patrimoine. Ne laissez pas les promoteurs immobiliers se saisir des lieux qui racontent votre histoire. Quand on méconnaît l’histoire, on est condamné à revivre ses mauvaises périodes. La bonne histoire du Liban, c’est que cette terre est féconde et que tout le monde peut y vivre dans la prospérité. (…) Et puis, l’argent qui est mis pour sauvegarder le patrimoine n’est pas un coût, c’est un investissement pour l’avenir. Parce qu’il y a toute une économie qui se met en place. Souvent en France, on sauve une fontaine, un lavoir, un pont… Ça n’a l’air de rien. C’est quelques milliers de dollars, mais ça change tout dans un village. Il y a aujourd’hui un tourisme patrimonial qui draine chez nous 500 000 emplois. C’est autant que l’agriculture…

Au Liban, nous avons actuellement un même ministre en charge de la culture et de l’agriculture…

« Au fond, c’est symbolique : l’une nourrit notre ventre, l’autre notre cœur et notre esprit », réplique gentiment l’animateur, l’œil malicieux.

Le saviez-vous ?

– Le tout premier job de Stéphane Bern ? Hôte d’accueil, à l’adolescence, au château de Versailles.

– C’est en 1997, lorsqu’il intervient sur le plateau du journal télévisé de Claire Chazal pour commenter le décès de Lady Di que la notoriété de Stéphane Bern est lancée. Aujourd’hui son double en cire est installé au Musée Grévin près de celui de la reine Elizabeth II qu’il a eu la chance de rencontrer et de laquelle il a reçu une décoration.

– « Stéphane Bern, ma femme vous adore. Donnez-moi votre numéro il faut que vous veniez dîner à la maison », lui lance le ministre des Finances, un certain Emmanuel Macron, croisé dans la cour du Sénat. C’était il y a quelques années. Depuis l’animateur est l’un des proches du couple présidentiel français.

Sa popularité dépasse le cadre de l’Hexagone. Pour preuve, l’amphithéâtre Abou Khater plus que bondé où Stéphane Bern a donné hier soir, à l’invitation des départements de lettres françaises et d’histoire-relations internationales de l’USJ, une conférence sur Les liaisons dangereuses entre histoire, littérature et patrimoine. La veille, à peine descendu d’avion, il avait...

commentaires (9)

Je souhaiterais que l'on montre à Stéphane Bern le palais Tufenkdjian, frère jumeau du ministère des Affaires étrangères. Malheureusement, ce palais a été amputé de sa façade arrière en 1960 par un mauvais tracé d'une nouvelle route Place Dabbas-Achrafieh, tracé élaboré par le ministre des Travaux publics. En dépit des interventions de Me Anis Saleh et du député de Beyrouth Khalil Hibri, le ministre des Travaux publics s'était entêté à poursuivre les travaux de démolition et M. Tufenkdjian a dû combler le vide par un mur blanc muet, sans aucune ouverture. Voici comment on a abîmé un bâtiment classé monument historique. Depuis 1975, je n'ai plus eu l'occasion de revenir sur les lieux pour voir ce qu'est devenu ce Palais après la disparition de son propriétaire.

Un Libanais

17 h 26, le 15 février 2020

Tous les commentaires

Commentaires (9)

  • Je souhaiterais que l'on montre à Stéphane Bern le palais Tufenkdjian, frère jumeau du ministère des Affaires étrangères. Malheureusement, ce palais a été amputé de sa façade arrière en 1960 par un mauvais tracé d'une nouvelle route Place Dabbas-Achrafieh, tracé élaboré par le ministre des Travaux publics. En dépit des interventions de Me Anis Saleh et du député de Beyrouth Khalil Hibri, le ministre des Travaux publics s'était entêté à poursuivre les travaux de démolition et M. Tufenkdjian a dû combler le vide par un mur blanc muet, sans aucune ouverture. Voici comment on a abîmé un bâtiment classé monument historique. Depuis 1975, je n'ai plus eu l'occasion de revenir sur les lieux pour voir ce qu'est devenu ce Palais après la disparition de son propriétaire.

    Un Libanais

    17 h 26, le 15 février 2020

  • MERCI DE VOTRE GENTILLESSE CHER STÉPHANE.

    Gebran Eid

    21 h 23, le 14 février 2020

  • Je connais l'histoire d'Europe enlevée par Zeus, l'Europe a des racines Phéniciennes, quelle belle histoire . Libanais réveillez vous ne laissez pas un Bashar el Assad et les ayatollahs Iraniens vous volent votre histoire

    Eleni Caridopoulou

    17 h 36, le 14 février 2020

  • Pour Stéphane Bern, Un article sur ce sujet que j'ai écrit à l'Orient le Jour en 2013: Les vestiges de Byblos et d’Europe https://www.lorientlejour.com/article/822018/les-vestiges-de-byblos-et-deurope.html Europe était bien la fille d'Agénor roi de Tyr et soeur de Cadmos qui a enseigné au Grecs l'alphabet phénicien, qui est l'ancètre, des alphabets modernes. Cher Stéphane, ce sujet mérite bien une émission de télé.

    Joseph Zoghbi

    14 h 50, le 14 février 2020

  • Bienvenue au Liban Monsieur Bern. Puisse votre présence éclairer nos irresponsables qui détruisent sans vergogne le peu de patrimoine architectural qui nous reste

    Lecteur excédé par la censure

    12 h 13, le 14 février 2020

  • FILLE D,AGENOR ENLEVEE PAR ZEUS.

    LA LIBRE EXPRESSION

    11 h 57, le 14 février 2020

  • C'est beau.

    Eddy

    09 h 40, le 14 février 2020

  • cher Stephane, parlez du Liban en France!oui ,c'est un pays terriblement attachant;J.P

    Petmezakis Jacqueline

    09 h 28, le 14 février 2020

  • "Vous allez trouver cela étrange, mais j’ai une passion pour les pasionarias, parce que, voyez-vous, l’histoire est toujours écrite par des femmes. Et celles-ci n’ont pas besoin qu’on leur construise des monuments et qu’on mette leurs noms au fronton des temples. Elles sont dans la réalité, elles veulent du concret, elles veulent changer la société…" Merci de dire la réalité et d'estimer la femme.

    Georges Zehil Daniele

    08 h 28, le 14 février 2020

Retour en haut