Présents sur le terrain depuis le début du mouvement citoyen du 17 octobre, les médias traditionnels ont montré des signes d’essoufflement dans leur couverture récemment, avant de revenir en force avec le regain de vitalité des manifestations la semaine dernière. Certains reprochent aux chaînes de télévision locales d’être désormais moins présentes sur le terrain, et les accusent parfois d’avoir tourné le dos à la révolution, notamment en accordant de plus en plus de temps d’antenne aux figures politiques décriées. Des reproches qui semblent profiter à des sites et plates-formes proposant un contenu alternatif et qui, eux, investissent de plus en plus le terrain pour proposer d’autres formes de contenu.
Répondant aux accusations de « black out » médiatique, Georges Eid, directeur des opérations à la MTV, affirme que « la chaîne a couvert le mouvement pendant plus de 90 jours à chaque fois qu’il fallait le faire ». « Ce n’est pas si on a peut-être raté un événement que nous sommes des traîtres. L’exception ne confirme pas la règle. On assiste toutefois à une décentralisation des manifestations, ce qui rend les choses difficiles pour nous, en termes de ressources à allouer, mais nous n’avons pas arrêté la couverture depuis le 17 octobre », assure M. Eid.
Il confie par ailleurs que la chaîne a reçu dernièrement plusieurs fausses alertes, ce qui l’a poussée à prendre ses précautions par rapport à certains événements. « On nous a envoyé des invitations à des événements liés au mouvement de manifestation. Nous avons envoyé des équipes mais ces dernières, une fois sur place, n’ont trouvé personne. Depuis, nous nous assurons que l’événement aura bien lieu et nos couvertures dépendent de son ampleur », indique M. Eid qui confie par ailleurs que « les équipes sont épuisées », après avoir passé plus de trois mois à assurer une couverture continue.
Contactée par L’OLJ, Fadia Bazzi, productrice au sein du journal télévisé d’al-Jadeed, s’est défendue pour sa part des accusations portées par certains militants antipouvoir qui considèrent que la chaîne a changé de cap, notamment après avoir donné la parole, lors d’une longue interview, au ministre sortant des Affaires étrangères, Gebran Bassil, largement conspué depuis le début du mouvement. « Beaucoup ont arrêté de regarder la chaîne car ils considèrent que nous sommes au cœur de la révolution, notre diffusion a été coupée dans certaines régions », indique-t-elle, en référence à la banlieue sud notamment. « Nous entendons tout le temps des accusations, quel que soit l’événement couvert. Et puis, chacun voit les choses d’une perspective particulière. Les gens ne se rendent pas compte des difficultés que nous rencontrons pour nous déplacer parfois vers les manifestations. Nos équipes ont été agressées à plusieurs reprises mais nous avons continué à couvrir malgré tout », affirme Mme Bazzi.
Jean Féghali, rédacteur en chef à la LBCI, affirme pour sa part que « ce n’est pas la première fois » qu’il entend des reproches par rapport à la couverture des manifestations. « Lorsque nous sommes face à un événement important, nous couvrons en direct. Quand c’est de moindre importance, nous en parlons au journal télévisé. Au final, nous ne sommes pas une chaîne d’information en continu. Chaque personne va trouver quelque chose à redire », souligne-t-il.
Il dément les accusations selon lesquelles les télévisions auraient réduit leur couverture en raison de pressions politiques. « On nous accuse d’avoir reçu des appels de telle ou telle personne pour arrêter les directs, c’est totalement faux », assure-t-il.
Huit mille abonnés en deux jours...
Dans ce contexte, certains médias dits alternatifs ont le vent en poupe. Parmi ces derniers, Thawra TV, une chaîne hébergée par YouTube et née avec le début des contestations, a su profiter des baisses de couverture par les chaînes de télévision traditionnelles pour se faire une place. Lorsque l’intensité des manifestations a baissé, peu avant les fêtes de fin d’année, et que les télévisions ont arrêté les diffusions continues en direct, Thawra TV a connu une hausse considérable du nombre de ses abonnés. « Nous avons enregistré 8 000 nouveaux abonnés sur notre chaîne YouTube en deux jours, et ce sans aucune publicité », explique Tarek Hmaydane, ancien journaliste et fondateur de la chaîne, à L’Orient-Le Jour. « Nous avons décidé de creuser la niche de la “real TV”. Nous sommes au cœur de l’action tout le temps. Nous voulons y être quand les médias traditionnels n’y sont pas », explique M. Hmaydane.
Autre plate-forme qui fait parler d’elle depuis le début des manifestations, Megaphone, qui dispose d’un site web et d’une présence sur les réseaux sociaux lui permettant de diffuser ses productions audiovisuelles. Lancée en 2017, Megaphone « est indépendante de l’argent politique », assure à L’OLJ Jean Kassir, un des fondateurs de la plate-forme. « Nos formats obéissent à la logique des réseaux sociaux. Nos contenus sont en opposition avec le système politique et économique dans le pays », explique-t-il.
M. Kassir considère par ailleurs que les médias traditionnels ont effectué un black-out à un moment donné. « On ne peut plus se suffire des médias traditionnels, même si certains ont assuré une couverture respectable. Il y a parfois une manipulation de l’information ou une tentative de moralisation des manifestants par certains journalistes. De toute manière, quand la caméra s’éteint, les abus sont facilités », souligne-t-il.
D’autres médias alternatifs ont vu le jour, comme Daleel Thawra, qui annonce sur Instagram et les autres réseaux sociaux les événements prévus durant la journée et diffuse les communiqués, ou encore Akhbar al-Saha qui rapporte, sur Twitter et Facebook, les mouvements de contestation dans toutes les régions. Daraj, un site web en arabe et en anglais lancé fin 2017, propose pour sa part un « journalisme alternatif, loin de l’influence et du financement politique ». Diana Moukalled, secrétaire de rédaction de Daraj Media, explique que le site « n’est pas en compétition avec les télévisions ». « Nous ne pouvons couvrir les événements en direct comme les télévisions le font. Ce que nous offrons, c’est un regard sur des aspects qui n’ont pas été abordés à cause de la ligne éditoriale liée au financement des médias », indique-t-elle à L’Orient-Le Jour.
« Certains sont frustrés par la couverture des médias traditionnels, comment ils peuvent faire la promotion de certaines figures politiques », lance Mme Moukalled qui critique le fait que « les personnes invitées à prendre la parole à la télévision sont toujours les mêmes, ce qui ne permet pas d’avoir une vue d’ensemble ».
« Ce n’est pas acceptable de donner l’antenne au gouverneur de la Banque du Liban, Riad Salamé, par exemple », lance-t-elle. M. Salamé, figure décriée par les manifestants, avait été interviewé il y a quelques jours par la MTV.
Le rôle des médias ne s'arrête pas à interviewer des personnes impliquées dans le désastre que vit le Liban pour entendre leurs déclamations sans contradicteurs en face pour mettre les points sur les i et les confronter à leurs erreurs commises, sinon cela ressemblerait plutôt a une promotion de leurs actes innommables et les conforterait dans leurs mensonges et leurs corruptions. Les contradicteurs sont plus locaces lorsqu'il s'agit de témoignages anonymes dans la presse écrite. Comme quoi cette chape de plomb et cette peur qui dominent les esprits ne sont pas prêts de tomber tant que les libanais ne s'élèvent pas ensemble, c'est à dire tous réunis pour dénoncer ouvertement les corrompus et les traîtres en les nommant et avec des preuves irréfutables qui les conduiraient à la porte de la sortie sans écoulement de sang et sans pleures ni guerres. C'est ça que nous attendons des médias une union sacrée pour sauver notre pays. Un seul titre dans tous les journaux et pour un seul scandale et nous verrons qui l'emportera. Cela peut aussi venir des politiques qui savent beaucoup de choses et qui n'osent pas dénoncer par peur et parce qu'ils se retrouveront seuls face à la mafia dominante. Il serait temps qu'ils s'unissent pour que tous ensemble fassent éclater la vérité pour nous débarrasser de ces pourris qui honteusement continuent à bloquer le pays en se faisant passer pour des bienfaiteurs. Ceci s'appelle une révolution.
11 h 56, le 21 janvier 2020