Rechercher
Rechercher

Culture - Exposition

Comme un(e) air(e) de révolution

À la galerie Jacques Ouaiss, ils sont trente à s’être mobilisés ! Publicitaires, architectes, tatoueurs, photographes, graphistes, artistes-peintres, femmes au foyer, architectes d’intérieur, sculpteurs, créateurs de bijoux, et même étudiants, ont brandi leurs pinceaux, leurs appareils photo, leurs crayons et leur talent pour servir l’ONG Beit el-Baraka... et la révolution.

La galette libanaise traditionnelle réalisée à l’aquarelle par Caroline Kettané.

Propriétaires de l’espace 20/21, Jacques et Lorraine Ouaiss ne se contentent pas de meubler les cimaises de leur galerie par de jolies toiles, photographies encadrées ou sculptures ludiques. Dénicheurs de talents qui cassent les codes, ils travaillent à deux et à l’instinct pour octroyer une première chance à des artistes qui se cherchent, qui tâtonnent et qui se construisent. Parce qu’on leur a donné une plate-forme comme un tremplin, ils sont de plus en plus nombreux à prendre leur envol ou à se réaliser pleinement. Grâce à des événements qui opèrent comme des relais dans le temps, que la galerie met en place plusieurs fois l’année, cette pépinière, vivier de jeunes talents, s’agrandit pour accueillir des artistes confirmés. Et comment ne pas vouloir marquer la révolution d’octobre avec cette belle initiative, faire partager une partie des profits avec Beit el-Baraka.

Autour de mon drapeau

Il est l’acteur principal de la révolution, le lauréat de tous les scénarios, le bouclier contre la discorde, contre le confessionnalisme, contre les partis qui séparent. Il est la ligne rouge à ne pas transgresser. Il est celui qui se tient face à tous les autres étendards usurpateurs. Ils l’ont brandi, l’ont porté sur la tête, sur les épaules et dans le cœur. Il est... le drapeau libanais ! Celui que tous les artistes honorent et revendiquent. L’objectif de Joe Ingea nous renvoie à l’année 1969 quand l’homme avait foulé le sol de la Lune, et le drapeau libanais semble planté dans un de ses cratères meurtris par de multiples guerres. Armé du drapeau, au volant de sa voiture, le Tintin de Hiba Jaroudi traverse Beyrouth sans craintes, et les derviches de Samya Baroudi le font tourner sans arrêt. Samir Tamari a laissé les feuilles de son cèdre partir dans un envol de colombes et les petits personnages de Nayla Kai Saroufim lui soufflent des rêves. Enroulé autour du cou du petit prince brun de Annh ou décliné à l’infini par Nada Rizk, il bat la chamade au cœur des illustrations d’Ivan Debs.

À l’ombre de mon arbre

S’il est parti en cendres la veille de la révolution, consumé par les flammes de la corruption, dénigré et bafoué par ceux qui le portent en écusson, en médailles ou en blasons, l’arbre reste le symbole de la résilience et de la résistance. Paré de ses plus beaux verts pour Patricia Medawar, ou en fleurs pour Nada Hourié, Kamel Cabbabé le fait renaître et bourgeonner. Nayla Tabet l’agrémente de blanc et de rouge printaniers, et Sherine Chaya joue la diversité, celle qui sépare, mais qui unit aussi, et rend plus fort. Pour Alexandra Hélou et Yasmina Salamé, il est l’arbre de l’espoir, celui-là même qui a drainé des millions de Libanais sur la place.

Sur la place de ma liberté

D’aucuns ont crié au scandale, qu’à cela ne tienne ! Les jeunes de Hadi Beydoun affichent leur désir amoureux et s’embrassent sur la place envahie par les milliers de drapeaux de Nada Rizk et de Layal Khawly. Cette place qui laisse Monique Chebli éclater sa colère dans le regard de cette jeune femme déterminée à aller jusqu’au bout, cette place qui pour Selim Attié ne se limite pas à deux ou trois régions. Elle est le Liban entier ! Et si la liberté devait commencer par les droits les plus élémentaires. Pour Vicky Mokbel, l’édifice d’Électricité du Liban reste le symbole le plus probant de la corruption. Il renvoie l’image de sa problématique : délabré monochrome et statique. Pour Carole Ingea, la liberté est dans le mouvement, celui qui a déplacé les foules. Quant à Soha Ghandour, Yasmina Salamé, Nathalie Semaan, Carla Barchini, Lama Nasrallah et Danielle Rizkallah, elles ont par leurs photographies, leur graphisme, leurs sculptures ou leurs céramiques illustré le regard qu’elles portent sur la révolution. Sans oublier la petite touche ludique et nostalgique de Lorraine Ouaiss qui a ramassé les vestiges de son enfance pour les disposer sur une table, afin de ne jamais oublier comme disait Victor Hugo : « Qu’un grand artiste, c’est un grand homme dans un grand enfant. »


Jacques Ouaiss Gallery

30 artistes inspirés par la Thaoura

250, rue Sélim Bustros Jusqu’au 31 décembre


Les coups de cœur de la rédaction

1) Elle a juste 19 ans ! Et elle n’a choisi ni le drapeau, ni le cèdre, ni les masques blancs, ni le fameux poing, ni l’Œuf. Bref rien de toutes les images prises reprises et déclinées par les artistes. Pour Caroline Kettané, la reine de tous c’est la galette libanaise traditionnelle. Elle l’a réalisée à l’aquarelle, parsemée de ses graines de sésame, avec une grande maîtrise et une délicatesse troublante. Et le mot Thaoura qui s’y inscrit en lettres arabes noircies, comme une brûlure au sceau.

2) Pour Nayla Romanos Iliya, architecte et artiste qu’on ne présente plus, la thawra est là pour répondre à la tharoua (richesse), deux mots découpés au laser dans un cèdre revisité en acier, les ombres de ses quatre faces viennent caresser une plate-forme en métal oxydé.

3) Quant au cèdre de la créatrice de bijoux Nada Zeiné, ses branches et son feuillage se déploient dans une dynamique protectrice pour protéger un peuple qui se réfugie sous sa bienveillance. Un mariage d’aluminium et de cuivre redonne toute sa lumière à ce symbole.

Propriétaires de l’espace 20/21, Jacques et Lorraine Ouaiss ne se contentent pas de meubler les cimaises de leur galerie par de jolies toiles, photographies encadrées ou sculptures ludiques. Dénicheurs de talents qui cassent les codes, ils travaillent à deux et à l’instinct pour octroyer une première chance à des artistes qui se cherchent, qui tâtonnent et qui se construisent. Parce...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut