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Agenda - Disparition

En Joseph Abou Khalil, les Kataëb perdent un partisan de la première heure

Le premier vice-président du parti est resté fidèle aux héritiers politiques de Pierre Gemayel tout au long de huit décennies.

L’ancien chef de l’État Amine Gemayel en compagnie de Joseph Abou Khalil. Photo ANI

Il a accompagné l’action et l’histoire des Kataëb pendant près de 80 ans. Militant de la première heure (dès 1939) dans les rangs du parti fondé par Pierre Gemayel, Joseph Abou Khalil est mort dans la nuit de vendredi à samedi à l’âge de 94 ans, alors qu’il occupait toujours le poste de premier vice-président du parti. Au-delà des relations de confiance le liant à Pierre Gemayel, qui lui avaient valu d’être décrit comme « son fils spirituel », il était resté fidèle à cette famille, entourant de ses conseils les membres des deux générations suivantes, en l’occurrence Bachir et Amine, anciens présidents de la République, et plus tard chacun des deux fils d’Amine, Pierre (assassiné en 2006) et Samy, actuel président des Kataëb. Considéré comme un penseur du parti, il a encadré dès 1968 son action politique à travers ses écrits dans l’ancien quotidien al-Amal, dont il présidait la rédaction, puis dans Nida’ el-Watan. Avec Salim Sader, un autre partisan Kataëb, il avait fondé lors de la révolution de 1958 la station de radio Voix du Liban qui émettait de manière occulte à partir de son domicile. Il a ensuite occupé divers postes au sein de son parti, notamment ceux de membre du bureau politique et de secrétaire général, avant d’accéder à la première vice-présidence.

L’ancien président de la République Amine Gemayel a décrit ce militant engagé comme « le compagnon du chemin de lutte long et ardu de Pierre Gemayel, qui était attaché aux valeurs d’amitié, de fidélité, de grandeur d’âme et d’honneur ». « Il a voué tout au long de sa vie une adoration à la parole libre », a en outre déclaré M. Gemayel dans un communiqué publié samedi, soulignant que « le Liban perd en lui un homme à la solidité et à la transparence rares ».

« C’était l’homme de toutes les décisions », indique à L’Orient-Le Jour l’ancien ministre Ibrahim Najjar, soulignant qu’à « chacun des tournants pris par le parti, il plaidait avec transparence pour ses décisions, même les plus controversées ». Dans un éditorial du quotidien al-Amal, Joseph Abou Khalil avait endossé sans ambages la responsabilité de son parti concernant le massacre d’Ehden (juin 1978), dont Tony Frangié, père du chef des Marada, avait été victime. Le militant « se tenait aux côtés de Bachir Gemayel, même lorsque celui-ci prenait des options les plus hasardeuses », ajoute M. Najjar. On note à cet égard que M. Abou Khalil avait accompagné en Israël l’ancien président de la République assassiné, aussitôt après son élection en août 1982.

L’ancien ministre rend ainsi hommage à Joseph Abou Khalil pour son courage, évoquant son parcours qui en a fait « une des colonnes du temple », alors que, précise-t-il par ailleurs, « il n’avait pas acquis de formation universitaire ».

Au sujet de la coopération avec Samy Gemayel, M. Najjar estime qu’il était « vraisemblablement très satisfait que le président du parti se soit placé dans les rangs de l’opposition ».


Éternel révolutionnaire

Dans le même ordre d’idées, le président de l’association Nawraj, Fouad Abou Nader, petit-fils du fondateur des Kataëb et ancien commandant en chef des Forces libanaises (FL), affirme à L’OLJ que le disparu était « un éternel révolutionnaire, réfléchissant toujours de manière non conventionnelle ». « Il avait adopté les idées révolutionnaires de Bachir Gemayel », indique-t-il, évoquant également ses compétences de médiateur. « Il avait œuvré à prôner ces idées auprès de Pierre Gemayel qui, réticent au départ, avait fini par les approuver. »

Fouad Abou Nader met lui aussi l’accent sur le caractère « courageux » du disparu, se rappelant à cet égard sa position lors de l’intifada du chef des services de renseignements des FL Élie Hobeika contre Samir Geagea (mai 1985), à la suite de laquelle le premier avait pris la tête du conseil exécutif des FL. « Le nouveau commandant avait alors placé Joseph Abou Khalil en résidence surveillée à son domicile de Ajaltoun parce qu’il avait refusé de le suivre. Je me souviens que je m’étais rendu auprès de M. Abou Khalil dans l’esprit de lui remonter le moral, mais ce fut au contraire lui qui m’a réconforté, refusant de composer avec M. Hobeika et de flancher, en dépit de la forte pression que ce dernier exerçait sur lui à travers les éléments armés dépêchés autour de sa maison. »

Cet attachement aux valeurs du parti, l’ancien ministre Ramzi Jreige le relève de manière claire. « Joseph Abou Khalil a œuvré à la préservation du patrimoine des Kataëb tel qu’il avait été conçu par son fondateur Pierre Gemayel », indique-t-il, notant qu’il était une figure si familière et indissociable de l’image des Kataëb que les militants le surnommaient affectueusement « ammo Joseph ».


Pour mémoire

Joseph Abou Khalil, mémoire vivante du Liban, du mandat à nos jours

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