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Moyen Orient et Monde - Présidentielle tunisienne

Pourquoi Kaïs Saïed reste le grand favori

Le magnat des médias Nabil Karoui aura du mal à combler l’écart avec son adversaire.

Le candidat à la présidentielle tunisienne Kaïs Saïed embrasse le drapeau tunisien à Tunis, le 15 septembre 2019. Zoubeir Souissi/File Photo/Reuters

« Enfin... le débat ! » titrait hier le quotidien tunisien al-Chourouk. À un jour du scrutin décisif, après une course à la présidence digne d’un « feuilleton de mauvais goût », la confrontation entre les deux prétendants au palais de Carthage, Kaïs Saïed et Nabil Karoui, a enfin eu lieu hier soir. C’est l’aboutissement d’une longue campagne électorale marquée par les scandales judiciaires et les surprises électorales.

À l’heure de mettre sous presse, le débat n’avait pas encore débuté. Mais il s’annonçait comme la dernière chance pour le magnat des médias Nabil Karoui – qui est sorti de prison jeudi – de combler l’écart avec son adversaire, présenté comme le grand favori du scrutin. Au premier tour, il y a tout de même un mois, Kaïs Saïed avait créé la surprise en arrivant en tête et en réunissant 18,6 % des suffrages. Nabil Karoui, qui se présente également comme un candidat indépendant, avait pour sa part obtenu 15,58 % des voix. Le potentiel report des voix du premier tour en faveur de Saïed rend l’écart difficile à rattraper pour Karoui.

L’antagonisme des deux candidats semble avoir profondément clivé l’électorat tunisien. « Les différences entre les deux candidats sont tellement importantes qu’il ne peut pas y avoir d’indécision au sein de l’électorat. Ils ont déjà fait leur choix », explique à L’OLJ Mohammad Sahbi Khalfaoui, politologue, professeur universitaire et membre de l’observatoire démocratique tunisien. À défaut de programme politique clair, ce sont surtout les personnalités des deux candidats qui s’opposent. D’un côté, Nabil Karoui qui semble être le produit d’un système qu’il dénonce. Ce magnat des médias au programme progressiste émerge et représente la bourgeoisie entrepreneuriale tunisienne. Pourtant, sa visibilité médiatique et ses engagements caritatifs font de lui le candidat des classes modestes. Poursuivi par ses récentes affaires judiciaires – parmi lesquelles l’accusation de fraude fiscale et l’étrange soutien d’un lobbyiste israélien –, le candidat peut compter sur sa rhétorique populiste pour tenter de convaincre les abstentionnistes. Face à l’homme d’affaires supposé corrompu, la rigueur et l’intégrité de Kaïs Saïed détonnent. Le professeur de droit constitutionnel a préféré orienter sa campagne sur des valeurs morales : son intégrité et son intransigeance face à la corruption qui gangrène le pays. Ce dernier a d’ailleurs pour des considérations morales choisi d’arrêter de faire campagne tant que son adversaire serait en prison. Ayant réussi à séduire les jeunes avides de continuer la « révolution inachevée », sa performance durant le débat ne sera donc pas déterminante.


(Lire aussi : Un débat télévisé salué clôt la campagne de la présidentielle en Tunisie)


Un report des voix favorable à Kaïs Saïed

L’abstention pourrait toutefois changer la donne. Sur 7 millions d’électeurs, seulement trois sont attendus aux urnes ce dimanche. Ce taux de participation faible s’inscrit dans la continuité des élections législatives de la semaine dernière qui affichaient déjà un taux de participation de 45 %. Pour Hasni Abidi, politologue spécialiste du monde arabe, ce phénomène exprime, au-delà d’une lassitude, une véritable arme politique. Les électeurs, déçus par l’immobilisme de la politique et la corruption endémique présente au sein des partis, « ne voteront pas pour ceux qui les ont trahis ».

« Abstention ou non, l’issue de ce second tour est clair, Kaïs Saïed devrait l’emporter sans trop de difficultés », affirme pour sa part Mohammad Sahbi Khalfaoui. Le candidat bénéficie de nombreux soutiens. Le Mouvement démocrate, arrivé troisième aux élections législatives et plusieurs personnalités publiques ont notamment déjà pris parti pour le professeur de droit. Nabil Karoui, quant à lui, compte sur le soutien de son ancienne famille politique, Nidaa Tounès, qui ne s’est toujours pas prononcée. « Un raisonnement théorique et mathématique donne une victoire facile à Kaïs Saïed. La position ambiguë d’Ennahdha n’aura pas d’influence sur ses électeurs qui choisiront massivement la figure droite de Kaïs Saïed face aux écueils juridiques de son adversaire », ajoute Mohammad Sahbi Khalfaoui.


(Lire aussi : Présidentielle : fin de campagne débridée après la libération de Karoui)


Le parti islamiste, qui est arrivé en tête des élections législatives, n’a pas donné de consigne de vote, mais avait exprimé sa préférence pour Kaïs Saïed. Son score aux élections législatives en fait cependant la clef de voûte de l’appareil politique tunisien. En effet, si Ennahdha arrive à créer une coalition au sein du Parlement, le parti sera alors en capacité de nommer le gouvernement. Confirmant ainsi leur position d’acteur politique de premier plan avec lequel le futur président devra composer.

L’électorat tunisien semble pencher en faveur d’un président capable de transcender les clivages présents au sein de la société tunisienne. « Les Tunisiens recherchent avant tout un homme capable d’incarner le père de la nation », explique Hasni Abidi. Mohammad Sahbi Khalfaoui le confirme : « Kaïs Saïed n’a presque présenté aucun programme, il est élu pour sa personnalité qu’il présente aux Tunisiens. Son projet de révision de la Constitution est difficilement applicable. » Le futur candidat sera alors désigné selon sa capacité à rassembler les Tunisiens, plutôt que sur la faisabilité de son programme. Le pouvoir exécutif est principalement exercé par le gouvernement, nommé par la coalition parlementaire en vertu de l’article 89 de la Constitution.



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commentaires (2)

Je n'ai pas vu le débat hier soir mais je me demande donc comment cela se passe entre quelqu'un de diction arabe litéraire et un autre de diction dialect tunésien. Je suppose que les deux candidats répondent aux journalistes, sans se parler entre eux, car difficile un dialogue entre deux gens qui ne parlent pas la même langue ...

Stes David

09 h 20, le 12 octobre 2019

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Commentaires (2)

  • Je n'ai pas vu le débat hier soir mais je me demande donc comment cela se passe entre quelqu'un de diction arabe litéraire et un autre de diction dialect tunésien. Je suppose que les deux candidats répondent aux journalistes, sans se parler entre eux, car difficile un dialogue entre deux gens qui ne parlent pas la même langue ...

    Stes David

    09 h 20, le 12 octobre 2019

  • Si Nabil Karoui n'est pas élu, la Tunisie ne sortira pas facilement de l'auberge , car un candidat sans programme , soutenu par les islamistes , aura rendu le pays difficilement gouvernable . Avec Kaoui par contre , un joli programme est annoncé, la Tunisie sera modernisée .Mais il faudrait que le peuple en prenne conscience lors du vote , et malheureusement le peuple ne sait jamais penser !

    Chucri Abboud

    08 h 50, le 12 octobre 2019

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