Une parade du Parti syrien national social (PSNS) vendredi soir en plein cœur de Hamra, quelques jours après une autre du Hezbollah dans le village de Kayfoun dans la Montagne, ont soulevé beaucoup de questions. Quelle signification donner au timing de ces parades, à l’heure où le parti chiite et ses alliés souffrent du bras de fer entre l’Iran et l’Oncle Sam ainsi que des sanctions économiques qui leur sont imposées par les États-Unis ?
Vendredi soir, les passants de la rue Hamra ont été surpris par un défilé de dizaines de membres du PSNS, allié du Hezbollah et du régime Assad en Syrie, en treillis mais sans armes, dans ce quartier commerçant de Beyrouth. Le PSNS commémorait le 37e anniversaire de l’« opération du Wimpy », menée le 24 septembre 1982 par un militant de ce parti, Khaled Alouane, contre des militaires israéliens attablés au célèbre café, lors de l’invasion israélienne à Beyrouth. Alouane, considéré comme un héros par son parti pour avoir tué un militaire israélien, a ensuite trouvé la mort en 1984, lors d’un des épisodes de la guerre civile.
Une semaine plus tôt, le 21 septembre, le Hezbollah avait pour sa part organisé un défilé militaire dans les rues du village chiite de Kayfoun, dans le cadre de la Achoura, selon des sources de ce parti, dix jours après la date de la commémoration. Les combattants du Hezbollah avaient alors mené des manœuvres militaires et paradé avec des armes, ce qui avait déplu au Parti socialiste progressiste (PSP), la région de Aley étant l’un de ses fiefs.
« Je pense qu’on assiste à une résurgence du phénomène des milices. Le régime syrien et le camp du 8 Mars sont en train de montrer les dents face aux sanctions américaines, explique à L’Orient-Le Jour Marwan Hamadé, député proche de Walid Joumblatt. Nous sommes à un tournant majeur où le Liban est appelé à faire des choix politiques et économiques qui ne plaisent pas au Hezbollah. Les mesures prises par la Banque du Liban (BDL) pour protéger la livre libanaise ont coupé l’herbe sous les pieds des Syriens et des Iraniens qui essayaient de pomper des dollars en nous inondant de livres syriennes et de marchandises », estime M. Hamadé. « Nous assistons à une nouvelle forme de guerre dont le Liban est la scène. Le Hezbollah et ses alliés disent aux États-Unis : “Vous nous étranglez économiquement, alors nous allons étrangler le Liban” », analyse le député.
Lors de sa parade, le Hezbollah avait fermé les routes du village de Kayfoun. Cité par le quotidien panarabe al-Chark al-Awsat, le chef de la branche de sécurité du Hezbollah, Wafic Safa, avait indiqué que l’organisation de la parade en question n’était pas une décision « centrale » du parti et rejeté la responsabilité de sa tenue sur le bureau du Hezbollah dans le Mont-Liban.
« Ceux qui ont résisté à Israël ne sont pas des miliciens »
Du côté du PSNS, Maan Hamiyé, responsable des relations avec la presse au sein du parti, se dit pour sa part étonné du fait que certains aient vu dans le défilé de Hamra une parade « milicienne ». « L’importance de cette commémoration, loin des appellations des uns et des autres, réside dans l’événement célébré. L’“opération du Wimpy” a permis d’enclencher le processus de libération de Beyrouth de l’occupation israélienne », affirme-t-il à L’OLJ. « Nos détracteurs évoquent une parade milicienne, mais ceux qui ont résisté face à Israël ne sont pas des miliciens », martèle-t-il.
Concernant le treillis militaire porté par certains des participants à la parade, M. Hamiyé explique qu’il s’agit de l’uniforme adopté par les membres du parti et assure qu’il n’y avait pas de port d’armes. Le responsable critique par ailleurs « ceux qui, assis derrière leur bureau, passent leur temps à critiquer ». Il souligne que son parti « n’est pas une milice mais un parti laïc et non confessionnel ».
Pour le général à la retraite Khalil Hélou, le timing de ces deux parades, organisées à une semaine d’intervalle, « n’est pas anodin ». M. Hélou évoque un message que le Hezbollah et ses alliés tentent de faire passer aux niveaux local et régional. « Aux acteurs de la scène locale, le Hezbollah dit qu’il ne faudra pas qu’ils tardent à choisir leur camp. Au niveau régional, le parti chiite veut rappeler que c’est lui qui tient la stabilité du pays entre ses mains. », estime l’ancien général. « Je ne suis plus sûr que la stabilité du Liban importe encore aux Américains, malgré la dernière livraison d’armes américaines à l’armée libanaise et l’accostage à Beyrouth (à la mi-septembre, soit une semaine avant le défilé du Hezbollah) du navire de guerre USS Ramage et du message politique qu’il portait. Il me semble que si Israël veut franchir les lignes rouges au Liban, les États-Unis laisseront faire », souligne le général Hélou.
Pour mémoire
Le PSNS à Hamra : « message de résistance » ou « gifle au prestige de l’État » ?
commentaires (19)
Pour une première réaction je dirais: c’est une honte! Des organizations qui se sont tellement éloignées du Liban. Sauf que le message est inquiétant sand être une coïncidence: on est aux abords d’un 8 Mai
Zovighian Michel
00 h 43, le 01 octobre 2019