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Culture - Théâtre

Cette Irakienne déracinée par la guerre qui ne trouve plus sa place…

Pour le cru du Festival du théâtre européen au Liban, qui se tient au Théâtre al-Madina du 27 septembre au 12 octobre 2019, le coup d’envoi est donné avec « Place », un texte français émaillé d’arabe et sous la direction de Tamara al-Saadi. Un univers sombre sur fond de démantèlement et pulvérisation d’une société sous les bombes américaines où « l’enfance est un cri »… La pièce passe encore ce samedi 28 septembre.


« Place » défend le théâtre non seulement des pauvres (sans décor ni accessoires de scène- ou si peu !) mais aussi et surtout les malheureux de la terre qui fuient leur pays. Photo Baptiste Muzard

Sur un texte plus poétique et littéraire que dramaturgique, Place défend le théâtre non seulement des pauvres (sans décor ni accessoires de scène- ou si peu !) mais aussi et surtout les malheureux de la terre qui fuient leur pays, où les horreurs des situations belliqueuses n’ont pas fini de déployer leurs ruines et misères. Surtout dans un monde arabe embrasé et impitoyablement livré au feu et au sang.

Ici, il s’agit de l’Irak. Images violentes si proches de tous les pays avoisinants allant du Liban à la Syrie, en passant par la Palestine, la Libye, le Yémen… Et cette Irakienne - qui ne se retrouve plus à sa place, ni en son pays d’origine brusquement étranger à sa sensibilité et son parler, ni en terre d’immigration ou d’exode qui a du mal à l’accepter - peut très bien être par conséquent une Palestinienne, une Syrienne, une Libanaise, une Yéménite, une libyenne… Tel est le drame universel de tous ceux qui réchappent aux grands chambardements de certaines nations déchiquetées.

Sur une scène nue sous les spots, sauf quatre modestes chaises en plastique blanc, les acteurs investissent l’espace. Émerge alors la figure de Yasmina Jaber, une Irakienne qui se souvient de Bagdad sous les bombes. Jeune femme de 23 ans, elle évoque sa famille, un père taiseux féru de livres (la lecture n’est pas sa tasse de thé à elle !), un frère farfelu mais ancré dans sa culture arabe (curieuse parodie bouffonne derrière le micro !), une mère malade aux hurlements abominables. Mais elle est marquée aussi par les moments de douleur, de désarroi, de bombardements, de carnage.

Procès d'une guerre vaine mais aussi et surtout tentative de se retrouver en France, sa nouvelle patrie, où elle lutte pour être intégrée. Et acquérir ses papiers officiels de naturalisation, ce qui ne semble pas une mince affaire. Scéniquement, la dénonciation du système administratif est évidente, mais sans nerf ni nouveauté.

Dans une langue française aux diaprures orientales, à l’émotivité véhémente et passionnée, Yasmina vit sa schizophrénie culturelle entre abandon de son arabité et conquête de sa nouvelle identité de jeune française. Car c’est dans le pays d’Aragon qu’elle a vécu depuis ses quatre ans, elle qui chante son poème « il n’y a pas d’amour heureux ».

Malgré beaucoup de cris et de gesticulations, l’emploi de l’arabe (une des comédiennes campant la dualité de Yasmina l’écorche quand même dans sa diction, sans doute parce qu’elle ne le maîtrise pas !) les acteurs ont tous le ton juste pour défendre des mots qui prennent rarement le repos, tout en réprimant l’emphase.

De bons moments malgré une mise en scène aux trouvailles sans grande originalité (la scène des chaises qu’on range et place est longue et ennuyeuse, et le fait de jeter du sable sur le plancher en sautillant n’a aucune valeur scénique ajoutée), mais demeure la richesse d’un texte qui va quand même un peu dans tous les sens : souvenirs, acceptation d’un nouveau destin, l’assimilation à un nouveau pays, plaidoirie pour la paix, sérénité et difficulté de vivre en clarifiant sa véritable identité.

Dans un humour grinçant, petites phrases amusantes mais si blessantes : « Vous n’êtes donc pas Iranienne mais Irakienne ? », Combien de Français (ou d’autres étrangers) ont dit aux enfants du pays du cèdre : « Vous n’êtes donc pas Libyen mais Libanais ? », Comme si la différence comptait si peu…

En cela, Place crève l’abcès des (mé)connaissances, des ignorances et souligne entre mélodrame, pointe d’humour et poésie, par-delà tout ce qui est incorrect politiquement et culturellement, les problèmes universels de la quête, la sauvegarde et l’affirmation de l’identité. C’est déjà cela surtout pour un Orient confronté depuis belle lurette à cet épiphénomène !


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