Des bénéficiaires du centre participent à une séance de formation portant sur « la communication non-violente ».
Le siège de Ruwwad al-Tanmiya, une ONG régionale présidée au Liban par Hala Fadel qui vient en aide aux populations vulnérables et marginalisées par le biais de programmes de développement économique et d’éducation, se situe au cœur de la rue de Syrie à Tripoli. Un emplacement qui en dit beaucoup sur sa mission, étant donné que cette rue a constitué pendant des années une ligne de démarcation entre deux quartiers en conflit : Jabal Mohsen et Bab el-Tebbané.
Entre 2011 et 2014, une vingtaine de rounds d’affrontements fratricides y ont fait rage, sur fond de conflit syrien. Pour Sarah el-Chérif, directrice de la section Liban de Ruwwad al-Tanmiya, l’idée de lancer une initiative dans cette région de Tripoli en 2012, à l’heure où la zone était un théâtre d’affrontements sanglants entre quartiers sunnite et alaouite, relevait de la « folie pure ». « Il fallait aménager deux entrées au centre, l’une du côté de Jabal Mohsen et l’autre de Bab el-Tebbané, pour que les habitants des deux quartiers ne mettent pas en péril leurs vies en passant de chacun des deux côtés vers le centre », raconte Mme Chérif.
Sur le toit du centre surplombant les deux quartiers où les balafres laissées par les balles et les obus sont toujours visibles, Mme Chérif se place au milieu et lance : « Cette moitié de l’immeuble se situe dans le quartier de Jabal Mohsen et celle-ci dans Bab el-Tebbané. » Et de poursuivre : « C’est parce que nous nous sommes installés ici au moment où la région connaissait ses pires jours que nous avons gagné la confiance de la population. »
Soutenir le tissu économique local
À l’heure où le Liban fait face à d’importants défis pour assurer l’insertion professionnelle et le renforcement du lien social au sein des quartiers les plus vulnérables, une subvention de 750 000 euros a été octroyée par l’Agence française de développement (AFD) à Ruwwad al-Tanmiya pour lancer un projet visant à améliorer les conditions socio-économiques des populations de ces deux quartiers voisins.
Mis en œuvre par Ruwwad al-Tanmeya, il soutiendra le tissu économique local par la création d’un fonds d’amorçage et d’accélération investissant dans les très petites entreprises (TPE), et petites et moyennes entreprises (PME). Le projet prévoit également d’accompagner les entreprises locales dans leur trajectoire de croissance par une formation professionnelle aux métiers de l’entrepreneuriat ainsi que la mise en place de services de conseil adaptés. « Le projet, qui s’étale sur 21 mois, consiste à aider à la création de vingt start-up et au développement de quinze entreprises existantes », précise Mme Chérif.
Selon la directrice Liban de Ruwwad, les associations qui aident les personnes à monter leurs propres entreprises ont tendance à les abandonner dès que le projet est clos sans en suivre le développement et la croissance. « Or, l’importance et la particularité de ce projet résident dans l’accompagnement des start-up pendant plusieurs mois après leur création pour assurer leur continuité », ajoute-t-elle. L’aide apportée aux 35 entreprises sera financière et technique à la fois, via des formations continues et intensives pour ce second point.
Un cycle de bonne action
Mme Chérif souligne une autre particularité de ce projet : « Les jeunes bénéficiaires des bourses d’études de Ruwwad censés assurer des heures de bénévolat au sein du centre seront eux aussi acteurs du projet. » Comment ? « Les étudiants en gestion des affaires et ceux intéressés par ce domaine suivront des formations mises en place par l’ONG et seront intégrés aux équipes de conseil qui suivront les entreprises afin de bénéficier d’une expérience professionnelle valorisante », explique-t-elle avant de poursuivre : « De cette manière, les étudiants approfondiront leurs connaissances et les transmettront aux responsables de ces entreprises à travers une unité de gestion qui sera créée à cette fin. »
Ces entreprises devraient, si tout se passe bien, rembourser les prêts qui leur ont été versés par l’ONG. Suivant un accord avec l’AFD, ces montants iront aux fonds consacrés aux bourses d’études. « Les responsables des entreprises se sentiront ainsi impliqués dans le développement de leur région », enchaîne Mme Chérif. Pour Ruwwad el-Tanmeya, le concept de la durabilité et la transmission de l’expertise est fondamental. « Notre activité n’est en réalité qu’une chaîne de bonnes actions : Ruwwad el-Tanmeya aide les étudiants à poursuivre leur parcours académique, ceux-là assurent des heures de bénévolat au sein du centre. Sur un autre plan, ils acquièrent des compétences pour aider les responsables des entreprises à améliorer leurs recettes, et finalement, ce sont ces responsables qui contribueront à l’éducation d’autres jeunes », se félicite Mme Chérif avant de conclure : « Le cycle vertueux n’est donc jamais brisé ! »
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