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Lifestyle - Initiative

Hamacs, livres et cellograffiti au cœur de Beyrouth

Jusqu’au début du mois de septembre, une installation urbaine gratuite, interactive, visuelle et sonore attend les passants au centre-ville, dans les allées de Beirut Souks, et présente des œuvres inédites réalisées sur du film plastique.

Séance de « cellograffiti » en direct, ou « l’art éphémère de peindre sur du plastique transparent ».

Pour la première fois, sous l’égide de Solidere, Beirut Souks invitait samedi dernier dix artistes graffeurs* à peindre en direct un projet artistique qui s’inscrit dans le cadre d’une série d’installations provisoires. Chaque semaine a apporté son lot de nouveautés à Beirut Souks : des dizaines de hamacs la semaine du 14 juin, auxquels se sont ajoutées des tables suspendues et des balançoires la suivante, puis des bibliothèques publiques et enfin des panneaux de film plastique comme support de graffitis.

Le nom de l’installation, Urbhang, fait référence au mélange entre l’urbain, le fait de suspendre les œuvres (« hang up ») et l’invitation à la rencontre (« hang out »). Son objectif est d’inviter les promeneurs à occuper et à animer l’espace public à travers ces dispositifs. L’occasion, par exemple, pour la librairie Antoine de déplacer son Story Telling à l’extérieur. Ou encore d’inviter dix artistes graffeurs à « sprayer » l’installation, c’est-à-dire la peindre à l’aérosol. Pour cet événement, leur travail est bénévole. Ils affirment avoir ramené leur propre matériel.

Très actif sur Instagram, le projet Urbhang explique la démarche sur le réseau social : « cellograffiti » est « l’art éphémère de peindre sur du plastique transparent. Cela permet aux artistes de sprayer sans abîmer les murs de la ville ».

L’invitation du street art, en l’occurrence du graffiti, dans les allées de Beirut Souks sort de l’ordinaire. Le graffeur Ali Aboud confirme : « L’idée est d’encourager les gens à venir dans des espaces publics. Avec ces structures enveloppées de cellophane, on peut peindre dessus puis les enlever. On ne fait rien qui pourrait nuire à la structure, ni aux plantes. »

Le street art serait-il donc salissant, nuisible ? Sur la valeur de l’art de rue, le débat n’est pas nouveau. EpS, graffeur reconnaissable à ses graffitis représentant des têtes de singe aux allures hip-hop, n’est pas habitué à la surface plastique : « Peindre sur du cellophane, ça fait bizarre. » La plupart des artistes présents ont l’habitude de choisir les murs qu’ils graffent. Pour des questions d’autorisation parfois, mais aussi de format, de visibilité et d’esthétique. EpS explique : « Je préfère choisir des murs qui ont toute une histoire, des murs un peu vieux qui ont des traces de la guerre que les gens ne remarquent plus. J’ai envie de les réhabiliter pour que les gens les regardent. »

Il les compare au centre commercial : « Ici, ça manque un peu d’âme. » En plissant les yeux, on peut imaginer les œuvres projetées depuis le film plastique sur les murs brillants de brique beige. Les graffeurs rejettent la qualification de « politique » pour décrire leur street art, tout en développant des critiques et revendications qui peuvent faire basculer une partie de leur activité dans une qualification d’art « engagé ». Pas de critique de l’État durant cet événement, ni des inégalités sociales et économiques, sujets de dénonciation pourtant prisés dans les rues de Beyrouth, comme les pochoirs de Ali Rafei contre la corruption militaire.

Même s’il graffe dans « un centre commercial aseptisé », EpS estime que du moment qu’il arrive à « toucher des gens par son art, ça compte ». Les passants s’arrêtent, sourient, commentent. Des curieux se contentent d’observer avec intérêt, d’autres en profitent pour aller jouer dans un hamac qui se libère, les plus concentrés vont lire un livre en se balançant. Certains font part de leurs graffitis préférés : le mot « Salam » en arabe (Moe Calligraffiti), la tête de mort (Ben74), le singe (EpS)... Pour les graffeurs, c’est surtout l’occasion de se retrouver ensemble. La scène du graffiti au Liban est petite : tous les graffeurs se connaissent, partagent leur matériel, leurs impressions et leurs bières...

*@rileupthewalls @wyterex @ebrahimtellayh @bdebbane @apocaleps_ @ali.aboud3 @barok961 @moecalligraffiti @meuh_rbk @ivan.debs


Pour mémoire

Qui sont ces Graffiti Men qui dessinent sur les murs de Beyrouth ?

Pour la première fois, sous l’égide de Solidere, Beirut Souks invitait samedi dernier dix artistes graffeurs* à peindre en direct un projet artistique qui s’inscrit dans le cadre d’une série d’installations provisoires. Chaque semaine a apporté son lot de nouveautés à Beirut Souks : des dizaines de hamacs la semaine du 14 juin, auxquels se sont ajoutées des tables suspendues...

commentaires (2)

Belle pollution sur plastique. On aura tout essayé pour animer ce coeur de la ville mort, mais sans succès. Au 21ème siècle, les villes se pensent autrement. On y parle de mixité d'usage et de classes sociales pour animer les quartiers (habitations avec commerces et niveaux économiques diversifiés). On est loin, très loin de la mixité dans ce coeur solitaire (je veux dire Solidère) de Beyrouth. C'est un mall à ciel ouvert et comme le monde entier le démontre, les malls sont out.

Michael

16 h 53, le 10 juillet 2019

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Commentaires (2)

  • Belle pollution sur plastique. On aura tout essayé pour animer ce coeur de la ville mort, mais sans succès. Au 21ème siècle, les villes se pensent autrement. On y parle de mixité d'usage et de classes sociales pour animer les quartiers (habitations avec commerces et niveaux économiques diversifiés). On est loin, très loin de la mixité dans ce coeur solitaire (je veux dire Solidère) de Beyrouth. C'est un mall à ciel ouvert et comme le monde entier le démontre, les malls sont out.

    Michael

    16 h 53, le 10 juillet 2019

  • Avec toutes ces singeries Beirut Souks est une place qui restera morte sans ame.

    Antoine Sabbagha

    16 h 34, le 10 juillet 2019

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