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Liban - Coopération

Vingt-deux ans de succès pour la collaboration scientifique franco-libanaise

Une vingtaine de projets de recherche financés par le Programme Hubert Curien-Cèdre ont été présentés jeudi à l’Institut français.

Le directeur du programme PHC-Cèdre, Jean-Pierre Gesson, remettant le prix du meilleur pitch. Photo Alexis Da Silva

Certains n’ont pas encore 30 ans et pourraient être les chercheurs de demain qui feront rayonner le Liban sur la scène intellectuelle internationale. Vingt-quatre équipes franco-libanaises ont tour à tour présenté des solutions innovantes pour répondre aux différents problèmes que connaît le Liban, notamment dans les domaines écologique et sanitaire, au cours de l’événement « Parlez-moi recherche », organisé jeudi à l’Institut français du Liban, en présence de l’ambassadeur de France Bruno Foucher et du ministre de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, Akram Chehayeb. La célébration ponctuait les 22 ans du Programme Hubert Curien-Cèdre (PHC-Cèdre) en soutien à la recherche franco-libanaise.

Cette journée de promotion de la coopération scientifique franco-libanaise a rassemblé près d’une centaine d’universitaires français et libanais. Leur point commun ? Un financement de deux ans par le programme franco-libanais PHC-Cèdre, qui assure la mobilité des chercheurs du Liban et de France, une fois les équipes sélectionnées par un comité scientifique paritaire.

Lancé il y a 22 ans, le programme fait aujourd’hui preuve d’une « grande vitalité » si l’on en croit son directeur Jean-Pierre Gesson, pour qui la recherche au Liban s’est considérablement développée, en même temps que les échanges universitaires entre les deux pays. Il a surtout réaffirmé l’importance de développer des projets de recherche touchant aux sciences humaines et sociales, « qui ne représentent toujours que 12 % de ceux qui sont portés par le programme ». La majorité des travaux relevant en effet de la recherche fondamentale ou appliquée en sciences médicales, en géologie ou encore biologie, il est pour lui nécessaire de soutenir et d’encourager les spécialistes de ces sciences dites « souples », qui sont également minoritaires parmi les demandes présentées au programme.


Questions environnementales

La question environnementale, d’autant plus préoccupante au vu des taux de pollution particulièrement élevés au Liban, a été au cœur des différents travaux présentés durant les sessions de pitchs. Le projet « Îlot de chaleur urbain à Beyrouth », porté par Youssef Diab et Abboud Hajjar, établit ainsi une corrélation entre la morphologie urbaine de la ville et la hausse des températures. En simulant une densification de la végétation dans le jardin des Jésuites, ces derniers ont pu démontrer une baisse notable des températures, et ce en intérieur comme en extérieur.Le projet Waste-2-Energy, mené par les laboratoires de l’Université libanaise et Sciences Po Paris, vise quant à lui à « transformer en ressources énergétiques » les déchets des citadins, qui dénaturent le paysage urbain et rural. Quatre ans après la crise des déchets de 2015, les chercheurs ont mis en évidence l’importance de la décentralisation dans la gestion des ordures ménagères ainsi que le rôle que les autorités municipales peuvent jouer sur ce plan.

Plus atypique, le projet mené par la faculté d’agronomie et AgroParisTEch a, lui, pour but de préserver le savoir-faire traditionnel du fromage libanais, menacé par l’industrie agroalimentaire, en travaillant sur les flores microbiennes à l’œuvre dans sa fermentation.


Les sciences sociales, une discipline en constante évolution

Les présentations ont été ponctuées de tables rondes auxquelles ont participé différents experts qui ont mis en exergue les évolutions de la recherche au XXIe siècle ainsi que les différents obstacles auxquels les équipes scientifiques se trouvent confrontées. La première table ronde a porté sur les effets de la numérisation sur la recherche, thème qui a été abordé dans divers projets et qui se matérialise notamment dans le domaine de la prévention médicale. Parmi les problèmes soulevés, la « surreprésentation des études quantitatives plutôt que qualitatives et interprétatives », qui, selon Thérèse el-Hachem Tarabay, doyenne de l’Université de pédagogie libanaise, ne permettent pas nécessairement de soutenir efficacement la mise en œuvre de politiques publiques. L’ensemble des intervenants ont plaidé pour une modification du système éducatif lui-même afin que la recherche soit au cœur de la relation étudiant-professeur et ne soit pas limitée aux cercles doctorants. Ils ont enfin insisté sur « l’importance des échanges internationaux de connaissances dans le cadre de la recherche », valorisant le partage interuniversitaire.


« La science doit être interconnectée »

La seconde table ronde a abordé l’innovation dans les sciences sociales, dont les méthodologies n’ont cessé d’évoluer au gré des progrès numériques. À tel point que Michel Mouton, archéologue et directeur de l’Institut français du Proche-Orient (IFPO), a fondé au sein de son institution un département d’humanités numériques, établissant ainsi un véritable dialogue entre les disciplines. « La science doit être interconnectée, et les disciplines ne peuvent pas évoluer sans cette interdisciplinarité », explique-t-il. Une idée que partage Jocelyne Gérard Adjizian, géographe à l’Université Saint-Joseph de Beyrouth, pour qui sa discipline se situe « à l’interface entre les sciences de la terre et les sciences sociales ». Spécialiste des questions environnementales, elle déplore l’inaction des pouvoirs publics, pour qui « les intérêts privés prédominent sur l’urgence climatique ». « Cela fait depuis 2003 que nous travaillons avec d’autres experts sur la pollution de l’air au Liban. Nous sommes en 2019, et rien n’a changé au niveau officiel », regrette-t-elle, avant de rappeler ce constat alarmant rapporté par un économiste de la Banque mondiale qu’elle n’a pas cité : « La dégradation de l’environnement ampute le PIB du Liban de 4,2 %. »

Les travaux de Kamel Doraï, également géographe et directeur du département études contemporaines de l’IFPO, ont porté quant à eux sur l’intégration des réfugiés palestiniens, dont « les camps font partie de la ville ». « Le but des sciences humaines n’est pas d’aborder la question migratoire sous l’angle juridique, mais de comprendre la complexité des interactions », a-t-il ajouté, expliquant travailler en collaboration avec des architectes.

Si l’interdisciplinarité est donc le nouveau maître mot des sciences sociales, les chercheurs sont aujourd’hui confrontés à une autre évolution, qualifiée par Michel Mouton de « libéralisme de la recherche ». « Avec l’internationalisation des travaux, il y une concurrence générale auprès des institutions de financement, ce qui rend le travail des scientifiques moins autonomes », concède-t-il. Qu’en est-il alors de l’indépendance des chercheurs ? « Il faut parfois cocher certaines cases pour obtenir de l’argent et donc faire quelques concessions. Mais tout bon chercheur se doit d’agir de manière désintéressée afin de faire avancer la science », conclut-t-il.

Certains n’ont pas encore 30 ans et pourraient être les chercheurs de demain qui feront rayonner le Liban sur la scène intellectuelle internationale. Vingt-quatre équipes franco-libanaises ont tour à tour présenté des solutions innovantes pour répondre aux différents problèmes que connaît le Liban, notamment dans les domaines écologique et sanitaire, au cours de l’événement « Parlez-moi recherche », organisé jeudi à l’Institut français du Liban, en présence de l’ambassadeur de France Bruno Foucher et du ministre de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, Akram Chehayeb. La célébration ponctuait les 22 ans du Programme Hubert Curien-Cèdre (PHC-Cèdre) en soutien à la recherche franco-libanaise. Cette journée de promotion de la coopération scientifique franco-libanaise a rassemblé près...
commentaires (1)

Sympa et encourageant. Mais quel est le budget que consacre le Liban à la recherche scientifique? Semble-t-il c'est < 0.1% du PIB. Il y a encore du bouleau en considérant que 1% est un seuil déclencheur et que 3% est le seuil propulseur. Quand on pense qu'Israel est à presque 5%; alors tout s'explique! Et pourtant, le Liban a la matière grise localement et à l'étranger. Alors qu'est-qu'on attends?

PPZZ58

20 h 26, le 06 juillet 2019

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Commentaires (1)

  • Sympa et encourageant. Mais quel est le budget que consacre le Liban à la recherche scientifique? Semble-t-il c'est < 0.1% du PIB. Il y a encore du bouleau en considérant que 1% est un seuil déclencheur et que 3% est le seuil propulseur. Quand on pense qu'Israel est à presque 5%; alors tout s'explique! Et pourtant, le Liban a la matière grise localement et à l'étranger. Alors qu'est-qu'on attends?

    PPZZ58

    20 h 26, le 06 juillet 2019

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