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Les familles syriennes de victimes de l'EI interpellent la coalition

Plusieurs familles de Syriens portés disparus après être tombés aux mains de l'organisation Etat islamique (EI) se sont constituées en association pour réclamer à la coalition internationale ayant vaincu le groupe jihadiste en Syrie des informations sur le sort de leurs proches. Photo d'illustration. Archives. Sebastian Backhaus / NurPhoto / AFP

"Abandonne l'affaire, on l'a liquidé". Naoufal Ghadir, dont le mari a été enlevé par le groupe Etat islamique (EI), en 2013 à Raqqa, se souvient des mots glaçants des jihadistes. Mais, faute de preuves, elle poursuit sa quête et porte aujourd'hui son combat sur la scène internationale.


Ils ont perdu un frère, un père, un mari, disparus aux mains de l'EI, ou Daech, qui a régné sur de larges pans du territoire syrien (et irakien) entre 2013 et 2019, avant la disparition de son "califat", défait par la coalition internationale et ses alliés kurdes.

Réunies mardi à Paris, plusieurs de ces familles syriennes ont annoncé la création d'une association pour obtenir des informations sur le sort de leurs proches, et ont interpellé les forces "victorieuses" de l'EI.

"Après avoir perdu pendant des années tout espoir d'obtenir des informations, nous demandons aux pays de la coalition de faire des recherches et de nous informer sur le sort des disparus, car l'effondrement territorial de l'EI offre une opportunité historique", a expliqué le président de cette association, Khalil Al Haj Saleh.

Activistes, journalistes, citoyens militants, "voix influentes" de la révolution syrienne, opposants à Daech (acronyme arabe de l'EI) : jusqu'à 8.000 personnes ont été enlevées ou arrêtées par l'organisation jihadiste, selon les estimations des ONG.

"Daech a commencé à prendre nos enfants dès 2013. Toutes ces années, j'ai tout essayé pour obtenir une information, une toute petite information, une lueur d'espoir", a raconté Faten Ajjan, à la recherche de son fils Abdelkader, un jeune journaliste qui collaborait avec des medias internationaux.

"Tant que je n'ai pas de preuve de sa mort, je n'abandonne pas", renchérit à ses côtés Naoufal Ghadir, qui veut pouvoir dire à son fils aujourd'hui âgé de 8 ans "la vérité" sur ce qui est arrivé à son père après son enlèvement à Raqqa.


"Crimes sans victimes"
Pour ces familles et leurs soutiens, l'urgence est de profiter de l'effondrement territorial de l'EI pour obtenir des informations, récupérer des documents, sauver des preuves afin d'obtenir un jour, peut-être, justice.

"Maintenant que la bataille territoriale contre l'EI est finie, la coalition doit s'attaquer au terrible héritage du groupe. C'est une responsabilité morale et juridique", déclare Nadim Houry, de Human Rights Watch (HRW).

Les familles syriennes ont été reçues lundi au ministère français des Affaires étrangères pour réclamer la mise en place d'un mécanisme permettant d'établir une base de données, de servir de liaison et de fournir aux autorités locales du nord-est de la Syrie les moyens de traiter ces informations.

"Tous les locaux, toutes les prisons, tous les documents que Daech a laissés sont entre les mains des services de renseignement des forces de la coalition. Ils doivent nous aider", a insisté M. Al Haj Saleh.

Evoquant les charniers découverts dans les régions de Raqa et de Deir ez-Zor, l'avocat et militant des droits de l'homme syrien Anouar al Bouni a exhorté les pays de la coalition à fournir des moyens - médecins légistes, experts - nécessaires à l'identification des corps et à la prévention de la destruction de preuves.

Selon Amer Matar, un autre membre de l'association, "on parle de milliers de corps, qui sont parfois réenterrés dans d'autres endroits, sans que l'on sache qui ils sont; ça fait partie des plus grandes catastrophes, parce qu'on va perdre les traces de milliers de disparus".

Des milliers de documents - la bureaucratie de la mort de l'EI - ont été perdus ou volés, des lieux de détention sur les murs desquels les détenus avaient laissé des témoignages ont été détruits ou livrés aux ferrailleurs, raconte le jeune homme.

"Aujourd'hui, c'est comme si Daech avait commis des crimes sans victimes", résume Nadim Houry, de HRW.

La guerre en Syrie a fait plus de 370.000 morts en plus de huit ans. Parti d'un soulèvement populaire violemment réprimé par le régime de Bachar el-Assad, le conflit s'est internationalisé et "jihadisé" avec le règne de l'EI. Les ONG estiment que le régime est responsable d'au moins 100.000 disparitions.

"Abandonne l'affaire, on l'a liquidé". Naoufal Ghadir, dont le mari a été enlevé par le groupe Etat islamique (EI), en 2013 à Raqqa, se souvient des mots glaçants des jihadistes. Mais, faute de preuves, elle poursuit sa quête et porte aujourd'hui son combat sur la scène internationale.Ils ont perdu un frère, un père, un mari, disparus aux mains de l'EI, ou Daech, qui a régné sur de...