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Culture - L’artiste de la semaine

Benjamin Attahir et ses « notes qui s’aiment »…

Depuis la villa Médicis de Rome, où il se rend régulièrement depuis son séjour d’un an comme pensionnaire compositeur en 2017, ce jeune prodige idéaliste et multiculturel partage l’univers enchanté de son monde musical, avec ses instruments ressuscités et ses personnages d’opéra incarnés par les sons.


Benjamin Attahir : « La pierre angulaire de mon écriture musicale, c’est mon rapport à l’Orient. » Photo DR

Né à Toulouse en 1989, le Libanais Benjamin Attahir se tourne vers le monde des arts, encouragé par sa mère, ancienne élève des Beaux-Arts de Beyrouth, qui est peintre et qui s’est installée en France en 1976. À cinq ans, le jeune garçon fréquente le Conservatoire de Toulouse, en chant choral puis en violon. « J’ai eu la chance d’intégrer la maîtrise du Théâtre du Capitole de Toulouse, qui est un chœur d’enfants. J’ai été en contact très jeune avec le monde de la scène, de l’opéra, de l’orchestre, et ça m’a donné envie de composer, dès l’âge de treize ans. » Très vite, les premières créations du musicien tombent entre les mains d’un professeur d’écriture du Conservatoire, qui encourage Benjamin à s’inscrire en classe de composition. « J’avais quinze ans lorsque je suis entré en classe d’écriture et d’analyse, puis j’ai été accepté dans un conservatoire régional parisien, où j’ai suivi les cours de Jean-François Zygel et d’Édith Canat de Chizy. C’est une période où j’ai beaucoup progressé, tout en poursuivant mes cours de violon », ajoute l’auteur.

Tout en évoquant son parcours avec une certaine humilité, et une forme de gratitude par rapport à ses professeurs et ses compagnons de route, le jeune artiste passe sous silence les multiples distinctions qu’il reçoit, dont le concours général (2005 et 2006), l’USA IHC de Bloomington (2013), la Tribune internationale des compositeurs de l’Unesco (2010), le prix Salabert de la Sacem (2016) ou encore le prix de l’Académie des beaux-arts (2014 et 2016).

Alors qu’il poursuit son master au Conservatoire national supérieur de Paris, où il suit des cours de composition, d’analyse, d’orchestration, de direction d’orchestre et de composition électroacoustique, les commandes de compositions commencent à affluer. « Ma première commande provient de Radio France, en 2009. J’écris alors Nzah, une pièce en cinq mouvements pour orchestre, avec deux solistes, la flûte à bec et la guitare électrique, inspirée par Le Badinage de Marin Marais, que j’ai développé dans un style actuel. La tension temporelle entre les deux instruments m’intéressait. D’un point de vue esthétique, on y trouve déjà en germe tout ce qui est le cœur de mon langage : le côté mélodique, ornemental, au sein duquel les instruments chantent comme des voix, ce qui est issu de la monodie orientale. La musique a une certaine plasticité, et tout cela est intégré dans une recherche de timbre et d’orchestration, héritée d’une tradition française, dans la lignée de Debussy, Ravel ou Grivet », précise Benjamin Attahir.

Concerto pour serpent

La couleur orientale de l’écriture du compositeur prend forme dès sa première pièce. « De manière inconsciente, ma musique a renoué avec toutes les traditions de musique orientale – égyptienne, mais aussi iranienne. C’est une force de l’art de révéler toute l’histoire d’une personne, surtout celle qui nous dépasse, et qui réapparaît. Mon canal d’expression est la musique, mais j’aurais pu en utiliser un autre : il y avait une nécessité créatrice, et je crois que tout le monde a ce geste premier, il est intimement lié à l’humain. Je ressens depuis l’enfance la nécessité de créer une forme qui me ressemble. Mon rapport à l’Orient est devenu une pierre angulaire dans mon écriture, ce contact direct existe au-delà d’une vraie maîtrise de la musique orientale : on écrit les sons qui ont une résonance en nous, “des sons qui s’aiment”, selon la formule de Mozart. »

Après le succès de son œuvre Nzah, le violoniste entame, dans le cadre de l’académie du Festival de Lucerne, une collaboration de 2 ans avec Pierre Boulez, l’un des plus grands compositeurs et chefs d’orchestre du XXe siècle, et écrit une pièce d’orchestre pour plus de 90 instruments, Sawt el-Zaman.

Plus tard, Benjamin Attahir rencontre le chef d’orchestre de renommée mondiale Daniel Barenboim, qui lui demande d’écrire une pièce pour l’ouverture de la salle Boulez à Berlin. « J’ai alors composé al-Fajr, interprété par l’orchestre créé par Barenboim, qui rassemble des jeunes musiciens issus de tout le Moyen-Orient. » Al-Fajr inaugure un vaste projet dont les racines sont au Liban. « Lorsque j’allais dans ma famille maternelle, installée à Furn el-Chebback, près de la route de Damas, mes journées étaient scandées par les appels à la prière des muezzins qui se répondent, et j’ai eu envie de créer une œuvre autour de cette rythmique, tout en y insérant un motif yiddish et une ligne mélodique de chant grégorien. » Dans cette optique, Benjamin écrit la deuxième partie, al-Daou, un concerto pour serpent. « Je l’ai écrit pour un ami qui a réhabilité cet instrument de la Renaissance, utilisé jusqu’au XIXe siècle dans les églises pour soutenir les voix des fidèles. Le serpent est très vocal et fait penser à la musique orientale, par sa souplesse et sa plasticité », précise le musicien, qui écrit ensuite al-Aasr, troisième volet du projet, qui fait écho à une sourate du Coran sur le temps. Reste à composer, d’ici à 2020, l’appel du crépuscule, sous la forme d’un concerto pour violon, et la prière de la nuit, une pièce d’orchestre.

Pour celui dont l’œuvre est jouée dans les salles les plus prestigieuses du monde, les projets d’écriture semblent infinis, et sont portés par une appétence pluridisciplinaire. « Je travaille en ce moment sur Le Silence des ombres, un opéra construit sur trois textes de Maeterlinck, que nous allons présenter en septembre 2019 au théâtre de la Monnaie à Bruxelles. Parallèlement, nous montons un vaste projet avec mon ami et dramaturge Lancelot Hamelin, qui traite de la Syrie de manière transversale, en évoquant la poésie syrienne, des récits de guerre contemporains et, en contrepoint, le Bimaristan d’Alep, un des premiers hôpitaux psychiatriques du Moyen Âge. » Un premier volet de ce travail sur la Syrie a été joué par l’Orchestre de Lille en mars 2019, il sera repris et approfondi à Berlin, sous la direction de Daniel Barenboim.

Benjamin Attahir rêve d’élargir son cheminement musical. « Je veux continuer à écrire pour mes amis et à évoluer avec des artistes qui me sont chers, comme la cantatrice Raquel Camarinha, le violoniste Renaud Capuçon, ou encore le Trio Zadig, constitué de mes amis d’enfance, et bien d’autres encore. Je voudrais que nos liens à la fois personnels et musicaux, qui inspirent mon écriture, débouchent sur la création d’un ensemble. J’aimerais aussi envisager une collaboration avec l’Orchestre philharmonique du Liban, et pourquoi pas, un jour jouer à Beiteddine ou à Baalbeck », conclut-il, enthousiaste.

1989

Naissance à Toulouse

1994

Premiers cours de musique au Conservatoire de Toulouse

2002

Premières compositions musicales

2005 et 2006

Lauréat du concours général

2008

Entrée au Conservatoire nationale supérieur de Paris

2010

Première commande de Radio France, jouée par l’Orchestre national de France, intitulée « Nzah »

2011

Composition de « Sawt el-Zaman », dans le cadre de l’académie du Festival de Luzerne

2015 et 2016

Prix de l’Académie des beaux-arts

2016-2018

Compositions d’« al-Fajr » (concerto pour piano), « al-Daou » (concerto pour serpent) et « al-Aasr » (quatuor à cordes).



Né à Toulouse en 1989, le Libanais Benjamin Attahir se tourne vers le monde des arts, encouragé par sa mère, ancienne élève des Beaux-Arts de Beyrouth, qui est peintre et qui s’est installée en France en 1976. À cinq ans, le jeune garçon fréquente le Conservatoire de Toulouse, en chant choral puis en violon. « J’ai eu la chance d’intégrer la maîtrise du Théâtre du...

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