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Culture - Foire

Art Dubai 2019 : le bel appel du Sud global...

La XIIIe édition d’Art Dubai, qui s’est tenue du 20 au 23 mars dans la cité émiratie, a fait découvrir à ses visiteurs des œuvres et des inspirations venues de tous les continents. Avec, toutefois, un focus amplifié sur les scènes artistiques du Moyen-Orient, d’Asie du Sud, d’Amérique latine et d’Afrique.


Une vue du stand Sfeir-Semler à Art Dubai 2019. De gauche à droite, des œuvres de Rayyan Tabet, Marwan et Walid Raad.

C’est à une véritable tour de Babel de langues, d’accents et… d’œuvres que ressemblait Madinat Jumeirah la semaine dernière. Le complexe hôtelier de la cité émiratie qui hébergeait du 20 au 23 mars la XIIIe édition d’Art Dubai grouillait, en effet, d’amateurs d’art de toutes nationalités, venus des quatre coins du globe à la recherche du coup de cœur ou de la pièce manquante à leur collection. Une affluence d’autant plus dense que la foire d’art de Dubaï a bénéficié cette année du public de la Biennale de Charjah, qui se déroule dans la cité éponyme voisine. Sans doute est-ce aussi la raison pour laquelle on y croisait autant de conservateurs, de directeurs de musée et d’institutions internationales.

« Plus d’une centaine d’importants curateurs et représentants des plus grandes institutions et biennales artistiques ont fait le déplacement à Dubaï pour visiter la foire », signalait fièrement aux journalistes Chloé Vaitsou, directrice internationale d’Art Dubai. Et d’ajouter : « C’est un évènement qui continue de se développer, prenant à chaque édition plus d’ampleur, pour se positionner parmi les grands rendez-vous internationaux de l’art. » Du moins, est-ce là son ambition déclarée. Et atteignable, au regard des importants moyens financiers dont dispose – toujours, malgré la crise – la plus dynamique des cités-États des Émirats arabes unis. Car si on parle beaucoup des nouveaux musées dans les pays du Golfe, on oublie qu’Art Dubai a été l’un des principaux catalyseurs de cette effervescence des arts visuels dans la région. Une plateforme commerciale, certes, mais qui n’en a pas moins contribué, depuis son instauration en 2007, à booster – outre les prix des œuvres – l’intérêt pour l’art dans cette partie du monde traditionnellement plus portée sur les montres et les voitures que sur la peinture et la sculpture.

Un évènement annuel devenu, depuis, « la foire de référence pour les galeries et les collectionneurs du Moyen-Orient, des pays arabes, de l’Iran, du Pakistan, de l’Inde et de l’Asie centrale », assurent ses responsables. « En fait, Art Dubai possède l’ADN d’un hub multiculturel, affirme Chloé Vaitsou. C’est pourquoi nous œuvrons pour la rendre encore plus inclusive, avec l’objectif de renforcer son rôle dans le dialogue culturel de la région. » Et Pablo del Val, directeur artistique de l’édition 2019, de renchérir : « Art Dubai est désormais le lieu où convergent et se connectent les énergies et les géographies différentes. »


De Quinn à Mesfin

Et de fait, cette 13e édition, qui réunissait durant 4 jours à Madinat Jumeirah 92 galeries en provenance de 42 pays, offrait une plateforme commune à l’art venu d’Occident et à celui issu des pays du Sud global. Une désignation qui regroupe le Moyen-Orient, l’Afrique, l’Asie du Sud ainsi que les pays d’Amérique latine.

C’est ainsi qu’en arpentant ses allées et ses sections, l’on pouvait y découvrir tout aussi bien des peintures et sculptures signées du Britannique Marc Quinn que des pièces conceptuelles de l’artiste émirati Hassan Sharif ; les Light Box de la jeune Saoudienne Reem al-Nasser ; quelques-uns des fameux tableaux miroirs de Michelangelo Pistoletto ; des photos du génie controversé Robert Mapplethorpe ; des sculptures de l’artiste grecque Sofia Vari ; des toiles du grand peintre éthiopien Tadesse Mesfin ; le fol univers pointilliste et pop art de l’artiste japonaise Yayoi Kusama ; les rayures sur papier de Daniel Buren ; les toiles en serviettes éponge du Brésilien Alexander Da Cuna ; celles de Samia Halabi chez Ayyam Gallery ; les œuvres en textile ou néon de la Libanaise Aya Haïdar (installée à Londres et représentée par la galerie saoudienne Athr), ou encore, dans la sélection de la galerie In Situ-Fabienne Leclerc, des pièces des Libanais Joana Hadjithomas, Khalil Joreige et Danièle Genadry.


Etel, Walid, Katanani et les autres…

Du coté des Libanais justement, trois galeries beyrouthines étaient présentes en habituées. À commencer par celle d’Andrée Sfeir-Semler (elle-même membre du comité de sélection d’Art Dubai), qui présentait ses artistes maison, dont Akram Zaatari, Timo Nasseri, Marwan Kassab Bachi, Rayyan Tabet, Wael Shawky… Ainsi que ses deux stars : Etel Adnan et Walid Raad. Deux artistes Libanais parmi les plus cotés actuellement dans le milieu de l’art international et dont les peintures lumineuses de l’une et la nouvelle série de l’autre remportaient les suffrages des critiques internationaux présents.

Agial, l’une des rares galeries de cette foire à avoir articulé son exposition autour d’une thématique commune aux artistes contemporains du Moyen-Orient, à savoir « la danse de la terreur et de la grâce », avait emmené une sélection éclectique d’œuvres aussi différentes que celles d’Ayman Baalbaki, de Serwan Baran (qui représente officiellement l’Irak cette année à la Biennale de Venise), de Afaf Zurayk ou encore d’Abdulrahman Katanani. Les personnages en tôle de cet autodidacte palestinien ont été pris d’assaut par les acheteurs… « Aussi bien locaux, qu’australiens, Chinois de Hong Kong ou encore expatriés », signale le galeriste Saleh Barakat. Plutôt satisfait de ses ventes, il se dit surtout réjoui des contacts qu’il a pu établir avec des représentants de très grands musées, « comme le Centre Pompidou, le British Museum ou encore le Guggenheim... »

Même son de cloche à la galerie Mark Hachem, logée dans la section moderne et dont le galeriste avait pris le parti de consacrer la quasi-totalité de ses cimaises à Hamed Abdalla, un artiste égyptien moderniste créateur du mot forme, abstraction faite de quelques pans de murs dédiés à Hussein Madi et Helen el-Khal.


Gros prix pour Botero

Plus de 500 œuvres importantes (sans compter le florilège de pièces accessibles) étaient ainsi présentées dans les différentes sections de la foire, dont les espaces consacrés à l’art contemporain et à l’art moderne ont été réunis côte à côte cette fois.

Signalons que deux nouvelles sections ont été inaugurées à cours de cette édition : Bawwaba, qui, à travers 10 expositions solo proposées par dix galeries du Sud global, offrait une mise en lumière des développements de l’art dans cette région du monde. Et UAE Now, une audacieuse plateforme dédiée à la scène artistique indépendante et underground qui émerge dans les pays du Golfe. Sans compter le focus sur l’art d’Amérique latine, avec notamment l’exposition des œuvres produites sur place par 12 artistes émergents de ce continent invités en résidence dans l’émirat, présentées dans la section Résidents. Des sections moins commerciales et plus prospectives, initiées par ce Salon où se brassent des chiffres de vente parfois mirobolants (à l’instar de ces natures mortes signées Botero frôlant le million de dollars pièce), mais dont les prix des œuvres restent majoritairement accessibles comparés à ceux des pièces de maîtres internationaux qui s’échangent à Art Basel ou à la FIAC.


Beyrouth par Catherine David

Évidemment, et à l’instar de toutes les autres foires, Art Dubai fédère plusieurs manifestations à travers la ville durant la semaine où elle se tient. Placés sous l’égide de la Dubai Culture and Arts Authority, ces événements instaurent un dynamisme artistique et augmentent de manière tangible la fréquentation des galeries d’art, pour la plupart concentrées sur Alserkal Avenue, dans un ancien secteur industriel de la ville. Du coup, celles-ci organisent au cours de cette période leurs expositions les plus marquantes. Cette année, la galerie The Third Line consacrait une exposition individuelle à Rana Begum, dont les toiles et sculptures entièrement réalisées à partir de réflecteurs de roues de vélo sont dans la veine d’une expérimentation du rôle de l’objet et de la lumière dans l’art. La galerie Concrete, qui accueille des expositions institutionnelles, avait choisi de mettre son très vaste espace à la disposition d’œuvres variées d’artistes en provenance du Bangladesh et des pays alentour. Tandis que la galerie Custot réunissait un florilège éclectique de ses artistes haut de gamme : de Miro à Marc Quinn, en passant par Bernard Venet, Fernando Botero ou encore Etel Adnan.

Au cours de cette semaine de mars, l’art aura investi même le quartier historique de la ville, Sikka, dont les anciennes habitations restaurées hébergeaient des expositions et activités parallèles à la foire dans le but de promouvoir les œuvres des artistes locaux émergents et l’intérêt pour l’art de la population...

D’ailleurs, toujours dans cette ambition pédagogique affichée par Art Dubai, qui veut diffuser sur la scène artistique qui l’entoure ses idées et ses découvertes, une section baptisée Global Art Forum (GAF) programmait des débats et discussions autour du thème School Is A Factory ?, ou comment repenser l’enseignement à l’orée d’une époque de transmutation de l’information et des technicités professionnelles. Mais aussi un symposium axé sur les « Cultural Hubs of Modernism » traitant des tendances engagées par la modernité dans quatre villes du Sud global : Bagdad, Dakar, Lahore et Beyrouth. Le développement artistique de la capitale libanaise a été retracé par la célèbre curatrice française et directrice adjointe du Musée national d’art moderne - Centre Georges Pompidou, Catherine David.


Art Dubai ou Biennale de Charjah : ce qu’il ne fallait pas rater

– Solaroca, du collectif brésilien Opavivara, à Madinat Jumeirah. Une structure de 15 mètres de diamètre réalisée à partir de 150 parapluies multicolores sous laquelle étaient placés des fauteuils de plage très style Rio. Une commission spéciale pour Art Dubai, censée réunir sous la même ombrelle les amateurs d’art de tous horizons… Une pièce joyeuse et inclusive, qui a surtout fait le bonheur des Instagrameurs.

– L’exposition Fabric(ated) Fractures, à la galerie Concrete (Alserkal Avenue), organisée par la curatrice Diana Campbell Betancourt, présentait des œuvres d’artistes indiens et bangladais traitant des pertes, ruptures et anéantissements provoqués par les déplacements de communautés. On retiendra une pièce aussi monumentale que forte de Kamruzzaman Shadhin. Baptisée Heaven Is Elsewhere. Cette fresque murale, composée d’un patchwork de vêtements usagés, est une sorte de monument aux migrants devant lequel personne ne peut rester indifférent.

– Une tournée au Jammeel Arts Center, la fondation nouvellement inscrite dans le paysage artistique dubaïote pour y découvrir avant fin avril l’exposition collective Crude, sur le thème du pétrole et de son impact sur les développements politico-socio-géographiques du Moyen-Orient. Et parmi lesquels se distinguent (en toute objectivité...) les œuvres de deux Libanais : Rayyan Tabet et Alessandro Balteo-Yazbeck.

– Et pousser plus loin jusqu’à Charjah, pour ne pas rater la XIVe Biennale, qui, jusqu’au 10 juin, met en vedette près de 90 artistes du monde entier présentant des œuvres spéciales sur le thème Leaving the Echo, qui interroge la possibilité d’une production artistique à l’ère d’une information monopolisée par quelques mêmes sources. Dans cet antre de l’art d’avant-garde, il est important de découvrir les œuvres provocatrices qui génèrent une réflexion puissante d’artistes internationalement établis, tels Astrid Klein, Stan Douglas ou Alfredo Jaar… Le magnifique travail autour des images, photographiques, sculpturales et vidéo du Syro-Arménien Hrair Sarkissian, ainsi que les univers d’artistes conceptuels libanais à la renommée internationale grandissante, tels Akram Zaatari, Caline Aoun ou Myrène Arsanios. Et surtout ne pas rater l’exposition au musée de Charjah des peintures et abayas peintes de Huguette Caland, la première des artistes avant-gardistes de la région.


Pour mémoire

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