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Culture - Planches

Comment Fanny Ardant questionne les (5) sens de « Hiroshima mon amour »

Écrit pour un film puis pour un livre et adapté et réadapté au théâtre, le texte de Marguerite Duras, puissant par ses mots, a été porté sur les planches du théâtre al-Bustan, à l’initiative de l’Institut français du Liban, par la voix chaude et foudroyante de Fanny Ardant.


Fanny Ardant donne corps et voix au texte de Marguerite Duras. Photo Milad Ayoub

Comment peut-on sur scène et frontalement qualifier l’inqualifiable ?

Donner forme à l’impalpable ? Et faire ressurgir les blessures de l’amour, de la guerre, de la douleur et de l’horreur ? L’écriture de Marguerite Duras – si actuelle, au passage – aime à farfouiller dans la mémoire, à en sélectionner, à en filtrer certains souvenirs et traumatismes, jusqu’à en sublimer parfois l’oubli. Hiroshima mon amour était donc une gageure pour le metteur en scène Bertrand Marcos qui signe cette belle adaptation. Car quoi de plus difficile que de donner forme à ce qui a été écrit pour être à la fois révélé et dissimulé ? « Il s’agissait, dit Marcos, d’adapter le texte en gardant l’essentiel du scénario écrit par Marguerite Duras pour le film d’Alain Resnais, afin d’arriver à une version qui pourrait avoir tout son sens au théâtre. » Chez Resnais, il y avait donc les gros plans qui permettaient au spectateur d’être proche de la peau. Au théâtre, cette astuce n’existe pas. De plus, Fanny Ardant est seule sur scène. Elle n’est plus face à un autre corps avec lequel elle dialogue. Pour tout interlocuteur, elle a la voix off de Gérard Depardieu qui la questionne et ramène des tréfonds tous les souvenirs douloureux.


(Lire aussi : Fanny Ardant, les masques, la politique...)


Magnificence du texte
À ce même propos, Bertrand Marcos dit également : « J’aimerais faire entendre cette histoire, simplement, sans artifice et sans l’intervention subjective du cinéma. Faire entendre le texte pour ce qu’il est, pour les images qu’il crée, et laisser libre cours à l’imaginaire de chacun. »

Cette histoire, c’est celle d’une actrice française, invitée à tourner à Hiroshima, douze ans après la catastrophe, un film sur la paix, et qui s’éprend d’un Japonais. Cette femme qui va redécouvrir l’amour a pourtant un passé douloureux qu’elle ne parvient pas à oublier. Seul son nouvel amant pourra la libérer en l’interrogeant. « Tu n’as rien vu à Hiroshima », dit la voix de Depardieu. «J’ai tout vu. Tout », dit Ardant. Mais par tout vu, l’actrice veut dire tout entendu, tout senti, tout touché et même tout goûté. Car toutes les guerres se ressemblent. Le personnage qui a vécu la mort de son amant bavarois, qui s’est vu tondre les cheveux pour collaboration, ne peut qu’être une caisse de résonance à toutes les autres figures de la guerre. À travers une lecture en deux temps : du passé multiple et du présent, l’histoire se fragmente et se morcelle, se perd parfois dans les méandres de l’oubli, dans une longue quête de la mémoire. La voix alto, maculée de sang de Fanny Ardant, devenue le temps d’un rôle tragédienne et mémoire du temps, martèle l’espace de sa diction hachurée, comme si elle voulait être l’écho de tous les conflits des hommes. Elle réussit à faire entendre les bombes au public, à lui faire sentir le goût du soufre et l’odeur fétide des cadavres. Mais également à lui faire caresser les corps des amoureux, humer les effluves de l’amour, loin de la haine qu’engendre la guerre.

La pièce est aussi comme un long chant polyphonique, une partition à deux voix, à mille voix. Celle de l’humanité mêlée à chaque individu. Quelques notes de hautbois, traversées par d’autres au piano, une mise en scène sobre, où Fanny Ardant se tient debout, s’incline, se love, se couche comme une liane. Elle parle. Elle témoigne. Son rapport avec le texte est physique, organique, sensuel. Et sous les circonvolutions que dessine sa voix, le texte, soudain, prend corps, enveloppant l’audience d’une douce et puissante chaleur.


Pour mémoire

Fanny Ardant : Le théatre ou le cinéma ? Comment choisir entre un mari et un amant ?


Comment peut-on sur scène et frontalement qualifier l’inqualifiable ?Donner forme à l’impalpable ? Et faire ressurgir les blessures de l’amour, de la guerre, de la douleur et de l’horreur ? L’écriture de Marguerite Duras – si actuelle, au passage – aime à farfouiller dans la mémoire, à en sélectionner, à en filtrer certains souvenirs et traumatismes, jusqu’à en sublimer...

commentaires (1)

Fanny Ardant : Sa voix, sa présence seule enveloppe totalement le public dans une salle. Une magie artistique !?

Sarkis Serge Tateossian

12 h 04, le 01 mars 2019

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Commentaires (1)

  • Fanny Ardant : Sa voix, sa présence seule enveloppe totalement le public dans une salle. Une magie artistique !?

    Sarkis Serge Tateossian

    12 h 04, le 01 mars 2019

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