Qui a dit que les Libanais n’ont rien à cirer de l’environnement ? Qu’ils ne recyclaient pas ? Qu’ils ne respectaient pas leur pays ? Les Libanais recyclent, et cela bien avant le réveil écologique de la planète et la crise des poubelles.
Nous avons depuis toujours transformé la boîte en fer bleu des Butter Biscuits en boîte à couture. Décevant au passage des générations d’enfants. Nous lavons avec soin les boîtes de labné ou de haléwé pour en faire des tupperware : comme ça on ne nous piquera pas les nôtres. Idem pour la saniyyé en plastique des pâtisseries. Qui n’en a pas une chez soi ? Et bien avant la mode du bocal devenu verre ou tasse à thé, nous, nous le réutilisons pour du kabiss fait maison ou n’importe quelle épice. Le sucre, on le range dans une vieille boîte de Nido. Et pour ne pas utiliser de bouteilles en plastique, on reprend celles des jus Libby’s ou des Johnny Walker, et on les remplit d’eau. Pour les sauces qu’on prend au bureau, on garde précieusement ceux des nombreux deliveries que l’on commande à la maison. Quant aux assiettes en carton, elles sont de parfaits éventails pour le man2al pour nos machéwé de l’été. Nous sommes pleins de ressources.
Rien ne se perd, tout se transforme. Nous sommes les Lavoisier de la récup’. Une chemise déchirée, un tee-shirt troué terminent inlassablement en chiffon. Un vieux journal fera briller nos fenêtres après un coup de Easy. Spray de Easy que l’on remplira d’eau une fois vide pour le kawé. Ou les plantes. Plus encore : une vieille taie d’oreiller devient le sac dans lequel on égoutte le laban pour en faire une labné. Une vieille brosse à dents défraîchie servira à récurer. Un savon desséché deviendra un antimite que l’on placera entre les habits. Il se collera parfois sur un savon neuf, comme on verse de l’eau dans un fond de bouteille de shampoing. Radinerie ? Non, conscience écolo. Un sac Ziploc qui n’a pas été sali se lave et se réutilise. Une boîte d’Ariel devient le récipient des pinces à linge. Le couvercle d’une grande boîte de lait se place sous un pot de plante.
Tout se transforme. Les sacs en plastique du supermarché deviennent les sacs des petites poubelles de la salle de bains. Dans lesquels on met également les pots/tupperware pour nos copains. Et si on ne veut pas que la mloukhiyyé coule de partout, on ferme ledit sac avec ces petits fils de fer qu’on a collectés de nos paquets de pain. Pain que l’on grille quand il a un peu vieilli. Pain grillé que l’on met le jeudi dans la mloukhiyyé justement. Le jeudi parce que l’on se débarrasse des restes de poulet et de viande avant le 2ati3 et le poisson du vendredi. Le na2er du koussa me7ché est marié aux œufs pour une 3ejjé ou des œufs brouillés. La kebbé nayyé devient bil sanniyyé. Les fruits sont séchés ou en confiture. En charabe.
Nous sommes les champions du recyclage. On réutilise l’huile à frire que l’on verse méticuleusement dans une bouteille en plastique ou dans un bocal de boules de labnét me3zé en trop. On profite des wet wipes pour cirer nos chaussures ou nettoyer la table après s’être essuyé les mains. On se fait des chignons avec les chopsticks supplémentaires de notre plateau de sushis. On détourne les récipients de bouffe et on collectionne les couverts en plastique pour les ressortir lors des anniversaires de nos enfants.
Dans chaque foyer libanais, il y a une de ces récupérations. Une boîte à chaussures où l’on range de vieilles photos, de vieilles lettres, les menus des fast food, les factures du moteur. Mais on jette des Kleenex par la fenêtre, des conserves à la mer. On ne trie pas nos déchets (« à quoi bon, ils finiront tous au même endroit »). On se fout de la quantité de bouteilles d’eau que l’on consomme parce que l’eau potable n’est pas potable. Radinerie alors ? Peut-être.
Réutiliser lhuile a frire pr embraser la cheminée...c courant!
16 h 53, le 10 février 2019