Aux couleurs du bonheur
Ce regard positif, Amine el-Bacha l'a porté aussi bien sur les êtres que les paysages, les situations ou encore les objets, tout au long de ses 60 et quelques années d’« enchantements artistiques ». C’est ainsi qu’il définissait sa carrière, lui qui depuis la fin des années 50 mettait les couleurs du bonheur sur tout ce qui l'entourait : toiles, papiers, mais aussi bouts de bois, cadres de tableau, paravents…
Du rythme et de l’optimisme
Né en 1932 à Beyrouth, il montre très jeune une prédisposition à l’art pictural mais aussi un goût pour la musique, à laquelle il s’initie auprès de son oncle musicien. Au bout d’un temps d’oscillation, son choix est fait. Alors que son frère, Toufic (père du fameux pianiste Abdel-Rahman el-Bacha) se consacre à la musique, lui va emprunter résolument la voie de la peinture et de l’illustration en s’inscrivant en 1954 à l’Académie Libanaise des Beaux-Arts. En 1957, son diplôme en poche, le jeune artiste s’envole pour Paris compléter sa formation à l’Ecole nationale des Beaux-Arts et à l’académie de la grande Chaumière, auprès d’Henri Goetz. De retour à Beyrouth, il entame, dès lors, une œuvre intimement liée à sa ville. Mais aussi très joyeusement rythmée. Avec des toiles tantôt construites comme des partitions, couvertes de signes, de mots et de symboles à l'encre, tantôt représentant des séquences de vie scandées par l’alternance du jour et de la nuit…
Au début de la guerre libanaise, il obtient une bourse de la Fondation Centro à Macerata en Italie. Il y restera quatre ans d’affilé, puis ira s’installer en France, d’où il fera de constants déplacements vers l’Italie, l’Espagne, d’où est originaire sa femme, et son Liban tant aimé.
Incurablement optimiste, même au plus fort de la guerre, Amine el-Bacha n’aura cessé de peindre fleurs, cœurs, palmiers, fruits, nuages blancs sur horizons bleus éclairés de mille soleils et traversés par l’oiseau libre…Un oiseau que l’on retrouve dans presque toutes ses toiles. « Il vient s’y greffer spontanément. Je ne saurais toutefois pas dire ce qu’il représente. Je sens juste qu’il faut qu’il soit là », avouait-il sans chercher à philosopher son geste pictural.
Pacifiste
Artiste résolument tourné vers la paix et la joie, il aimait retracer dans ses toiles la poésie ludique des petits détails du quotidien. Il excellait aussi à transmettre, en particulier dans ses aquarelles, le charme (passé) d’une Méditerranée sans frontières.
Le paysage, la musique, la foi et le fantastique étaient les quatre grands thèmes qui irriguaient son art. Il avait notamment revisité à sa manière, dans de nombreuses huiles et aquarelles, La Cène, au cours de ses années italiennes entre 1976 et 1985. « Il y a dans la foi chrétienne quelque chose de plus pictural que dans les autres religions », affirmait-il pour expliquer sa fascination pour cette thématique. Toujours traitées d’un pinceau vif, à la spontanéité quasi-enfantine, ses œuvres d’une enchanteresse vitalité, sont aussi souvent enrobées d’une subtile dérision. Lui qui adorait peindre des fruits, « symboles des plaisirs gourmands de la vie », leur refusait catégoriquement l’appellation de « natures mortes ».
Créativité tous azimut
S’il est resté fidèle, tout au long des années, à une expression artistique éminemment personnelle, cet artiste ne se laissait limiter par aucune frontière. Pas plus, celle du canevas traditionnel – auquel il préférait le support en bois – que du cadre - dont ses compositions débordaient– ou encore d’une seule discipline. La preuve : sa créativité s’exprimait aussi à travers la céramique, la tapisserie, les bijoux, la peinture improvisée sur clichés photographiques (en collaboration avec le photographe libanais Ghassan Kitmitto) ainsi que l’écriture (il avait notamment publié en 2009, un texte dramaturgique « Le Suicidé » aux éditions Dar Nelson dans lequel il brossait, à petits traits vifs, la réalité de la vie de ses contemporains…
En toute simplicité, sans jamais jouer les écorchés, les torturés, les prétentieux, Amine el-Bacha était un artiste complet.
Récipiendaire de nombreux Prix, dont celui du ministère libanais de l’Education nationale en 1959 et la médaille d’or du Prix de la Cité éternelle à Rome en 1976, il a été également récompensé du ‘Il premium Internazionale d’Arte, Ottrano d’Argento’ en 1976 ainsi que de la Médaille de l’Ordre du Mérite Espagnol en 2012. Ses œuvres font partie des collections de musées d’art moderne en Espagne, en Italie, en France et dans les pays arabes, ainsi que des collections privées.
Pour mémoire
Amine el-Bacha, l’oiseau (tellement) libre de la peinture libanaise...
commentaires (5)
Adieu Monsieur, J'ai la chance d'avoir une de votre toile que mon regretté père m'a légué. Je tiens aussi a dire que l'une de vos plus belles toiles se trouve au musée Hannouch de Chtaura. une merveille d'enfants heureux
Lebinlon
17 h 21, le 05 février 2019