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Lifestyle - Pendant ce temps, ailleurs...

Hong Kong offre au Pakistan une étoile au guide Michelin

Asim Hussain, 33 ans et une étoile Michelin dans l'édition Hong Kong-Macao du petit guide rouge, posant dans son restaurant primé, le New Punjab Club à Hong Kong. Isaac Lawrence/AFP

C’est en partie grâce aux vieux fours en terre cuite de son père qu’Asim Hussain, restaurateur à Hong Kong, a réalisé un rêve : obtenir pour son établissement la première étoile Michelin jamais décernée au monde à un restaurant pakistanais. Il espère que ce succès permettra de donner un coup de projecteur à une cuisine souvent ignorée.

Comme celle de bon nombre des 85 000 habitants de Hong Kong originaires de l’Asie du Sud, sa famille vit là depuis plusieurs générations. Son arrière-grand-père est arrivé dans ce qui était un poste avancé de l’Empire colonial britannique durant la Première Guerre mondiale (1914-1918), où il s’occupait des mess des soldats de la couronne. Son père, entrepreneur aux casquettes multiples et diplomate à ses heures, avait aussi dans les années 1980 et 1990 un restaurant de curry.

Asim Hussain (33 ans) codirigeait un groupe qui comptait déjà une vingtaine de restaurants à Hong Kong dans son portefeuille quand il a décidé de se lancer dans son aventure la plus personnelle et la plus risquée : un établissement servant les plats du Punjab, berceau de sa famille au Pakistan où il fut envoyé en internat à six ans. C’est son père qui lui a suggéré de récupérer les deux tandoor, fours servant à la préparation de plats tandoori, qui prenaient la poussière dans son restaurant aujourd’hui fermé. « Il est d’une génération qui ne jette rien », dit Asim Hussain. « En fait, on a de meilleurs résultats qu’avec des fours neufs, car ce genre de choses se bonifient avec l’âge », ajoute-t-il, dans son restaurant décoré de tableaux de peintres pakistanais.

Source de fierté

Ces fours, de fréquents allers-retours à Lahore pour perfectionner les recettes et l’embauche du chef Palash Mitra, ont valu au New Punjab Club une étoile dans l’édition Hong Kong-Macao du guide Michelin, à peine 18 mois après son ouverture. Cette réussite a fait les gros titres au Pakistan, où il est peu probable qu’un restaurant obtienne une telle distinction dans un avenir proche et où les chefs se sentent de longue date ignorés, dans l’ombre des cuisines reconnues de l’Inde voisine. « On est très fiers, on est très heureux », dit Waqar Chattha, à la tête de l’un des restaurants les plus connus d’Islamabad. « Dans la fraternité de la restauration, c’est une grande réussite. Cela crée aussi en quelque sorte un nouveau standard pour les autres », ajoute-t-il.

Asim Hussain est prompt à souligner que son établissement ne sert qu’un seul type de cuisine parmi les nombreuses spécialités régionales de son pays, les plats épicés et souvent bien lestés en viande du Punjab. La facture n’est pas non plus aérienne, y dîner peut coûter jusqu’à une centaine d’euros par tête. « Je ne suis pas arrogant ni ignare au point de prétendre que c’est le meilleur restaurant pakistanais au monde. Il y a de meilleurs restaurants pakistanais que celui-ci au Pakistan », ajoute-t-il. Malgré tout, cette étoile est une « grande source de fierté » pour les 18 000 Pakistanais de Hong Kong, selon lui. « C’est une histoire personnelle très confidentielle qui prend vie. Cette culture, cette cuisine sont méconnues en dehors du Pakistan, en dehors du Punjab, et à notre modeste niveau, nous avons mis un coup de projecteur sur ce travail, sur qui nous sommes et d’où nous venons », dit-il encore.

L’arrivée du Michelin et d’autres guides gastronomiques occidentaux en Asie n’a pas été sans controverse. Les esprits chagrins reprochent souvent aux critiques de faire la part belle aux normes culinaires, goûts et style de service occidentaux. Daisann McLane est l’une de ces détractrices. Le débarquement du Michelin à Bangkok l’année dernière a « complètement changé la scène gastronomique là-bas, et pas en bien », accuse-t-elle. Elle organise des tournées culinaires dans les établissements moins sélects de Hong Kong, comme les dai pai dong – stands installés en pleine rue –, les cantines d’Afrique et d’Asie du Sud cachées dans le labyrinthe du complexe résidentiel de Chungking Mansion, ou encore les cha chan teng, connus pour leurs thés sucrés. Elle est « ravie » que le New Punjab Club ait été récompensé, mais elle a ses réserves : « Beaucoup de cuisines du monde sont sous les radars à Hong Kong et elles ne sont pas remarquées par le Michelin ou les grands guides. »

Le plus dur est à venir

En attendant, certains pensent que toute récompense est bonne à prendre pour la gastronomie pakistanaise. Sumayya Usmani, chef à la double nationalité britannique et pakistanaise, a essayé pendant des années d’attirer l’attention sur les saveurs typiques de la cuisine pakistanaise. Quand elle avait contacté des éditeurs au sujet de son livre de recettes, beaucoup avaient hésité. Mais ces dernières années, les choses ont changé, estime-t-elle. En Occident, les restaurants gérés par des Pakistanais, qui pouvaient jadis se présenter comme indiens, proclament plus fièrement leur vrai héritage culinaire, dit-elle. « C’est bien que les gens n’aient plus peur de se qualifier de Pakistanais », déclare-t-elle.

De son côté, Asim Hussain explique que le plus dur commence : « Je plaisante avec les gars et je dis : “On est le premier restaurant punjabi pakistanais à obtenir une étoile, ne soyons pas le premier à en perdre une”. »

Jerome TAYLOR/AFP

C’est en partie grâce aux vieux fours en terre cuite de son père qu’Asim Hussain, restaurateur à Hong Kong, a réalisé un rêve : obtenir pour son établissement la première étoile Michelin jamais décernée au monde à un restaurant pakistanais. Il espère que ce succès permettra de donner un coup de projecteur à une cuisine souvent ignorée.Comme celle de bon nombre des...

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