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Liban - Décryptage

La formation du cabinet entre les obstacles internes et les influences régionales

Si la plupart des forces politiques continuent d’affirmer que le retard dans la formation du gouvernement est dû à des considérations internes relatives au fait que la plupart des forces influentes ont des approches et des conditions différentes voire inconciliables, certains milieux diplomatiques attribuent ce retard aux influences externes et le placent dans le cadre de la lutte d’influence entre l’Iran et l’Arabie saoudite.

Pour justifier cette thèse, les mêmes milieux diplomatiques se basent sur ce qu’ils appellent « la nonchalance » du Premier ministre désigné Saad Hariri et son manque d’empressement à essayer de trouver des solutions et à établir des contacts avec les parties concernées pour accélérer le processus de formation du cabinet. Pour ces mêmes milieux, le gouvernement libanais serait donc victime des tiraillements entre l’Iran et l’Arabie saoudite pour le contrôle de la région. L’Iran souhaiterait ainsi conserver cette carte pour empêcher l’Arabie saoudite de renforcer son influence au Liban, à travers un gouvernement dans lequel le camp prosaoudien aurait une part importante, tout en estimant que les développements régionaux vont dans le sens de sa politique. Par conséquent, il serait inutile de faire des concessions dans les circonstances actuelles. De son côté, Riyad voudrait empêcher la naissance d’un gouvernement où le Hezbollah et ses alliés auraient la majorité des portefeuilles, avec des postes importants pour le Hezbollah, et, en même temps, il voudrait mettre en difficulté le président de la République et son camp qui seraient à ses yeux plus proches de « l’axe de la résistance » que des pays du Golfe.

Les sources proches des deux camps rejettent toutefois cette approche. Les sources proches de l’Iran considèrent ainsi que la République islamique a marqué de nombreux points dans la plupart des dossiers régionaux contre l’Arabie, que ce soit en Syrie, où les groupes financés par Riyad ont été totalement vaincus (comme Jaych al-Islam dans la Ghouta orientale de Damas) alors que le pari saoudien sur le départ de Bachar el-Assad a échoué ; en Irak, où les hommes de l’Arabie ont été écartés des centres importants du pouvoir ; ou même au Yémen où les Ansarallah (houthis) font désormais partie de l’équation politique du pays. Par conséquent, toujours selon les mêmes sources, Téhéran n’a pas besoin d’une nouvelle victoire contre l’Arabie qui, selon lui, a multiplié les échecs ces derniers temps. De plus, toujours selon les mêmes sources, l’Iran considère que son conflit avec les États-Unis est bien plus important qu’un ministre (sans portefeuille de surcroît) de plus ou de moins dans le gouvernement du Liban.

Il faut aussi ajouter à ces considérations le fait que le Liban est important pour la France qui a perdu de l’influence en Syrie et pousse vers la formation rapide du gouvernement. Or Téhéran n’a pas intérêt à mécontenter la France au sujet d’un ministre de plus ou de moins au sein du gouvernement libanais, au moment où Paris cherche à maintenir en vie l’accord sur le nucléaire signé avec l’Iran, même après le retrait des États-Unis de cet accord. À ce sujet, les sources proches de l’Iran précisent que nul n’a parlé avec les autorités iraniennes du dossier de la formation du gouvernement au Liban, alors que lors de la vacance présidentielle dans ce pays, un émissaire français avait soulevé cette question avec Téhéran qui avait répondu qu’il n’intervient pas dans les décisions du Hezbollah. De plus, l’Iran considère que la stabilité du Liban fait partie de celle de la région. Elle est même primordiale, sachant que son influence a commencé à partir du Liban et que c’est à partir de là qu’il a pu s’étendre vers d’autres pays, comme la Syrie, l’Irak et même la Palestine. L’Iran ne prendrait donc pas le risque de remettre en cause la stabilité du Liban pour un ministre de plus ou de moins.

Enfin, et c’est le dernier argument avancé par les sources proches de Téhéran pour affirmer que la République islamique n’a aucun rôle dans le retard dans la formation du gouvernement au Liban : l’Iran ne considère pas le Hezbollah au Liban comme un instrument ou comme une pure création iranienne. Cette formation a été aidée par la République islamique, mais elle possède sa propre dynamique et c’est elle qui prend les décisions concernant le dossier libanais et même d’autres dossiers régionaux. Son avis est très écouté et très respecté en Iran. Si le Hezbollah décide donc de réclamer un ministre sunnite pour les députés de la « Rencontre consultative », il s’agit de sa décision propre, non celle de Téhéran. Pour toutes ces raisons, les sources proches de l’Iran considèrent que ce pays n’a aucun rôle dans le retard pris dans la mise en place du gouvernement libanais. Même son de cloche du côté des sources proches de Riyad, qui affirment que le royaume saoudien a aujourd’hui trop de problèmes à régler pour se soucier d’un ministre de plus ou de moins ou pour se consacrer au projet d’affaiblir le président et son camp. De plus, toujours selon les mêmes sources, si l’Arabie voulait intervenir dans le dossier du gouvernement libanais, elle n’aurait pas conseillé aux Forces libanaises d’accepter ce qui leur était proposé, même si cela signifiait faire des concessions par rapport à leurs premières revendications.

Selon cette double argumentation, les obstacles à la formation du gouvernement seraient donc purement internes. Cette thèse serait crédible si toutes les parties concernées étaient réellement indépendantes de toute influence étrangère...

Si la plupart des forces politiques continuent d’affirmer que le retard dans la formation du gouvernement est dû à des considérations internes relatives au fait que la plupart des forces influentes ont des approches et des conditions différentes voire inconciliables, certains milieux diplomatiques attribuent ce retard aux influences externes et le placent dans le cadre de la lutte...

commentaires (5)

Le Liban est convoité par tout le monde

Eleni Caridopoulou

17 h 06, le 12 janvier 2019

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Commentaires (5)

  • Le Liban est convoité par tout le monde

    Eleni Caridopoulou

    17 h 06, le 12 janvier 2019

  • EVIDEMENT PAS UN MOT SUR LA SYRIE SOEUR QUI VEUT TENIR LE PAYS PAR UNE LAISSE A NOUVEAU IRAN ARABIE SEOUDITE HB FRANCE et meme Mr HARIRI Vous nommez tout le monde sauf celui qui dirige derriere les coulisses a travers des Libanais (?) ce qui se passe en ce moment au Liban qu'on veut mettre pied a terre pour devoir apres le supplier de revenir gouverner ce pays vu le desaccord permanent des elites qui ne savent pas prendre des decisions courageuses une fois pour toute

    LA VERITE

    17 h 24, le 10 janvier 2019

  • On constate que les pays étrangers sont super bien représentés chez nous. Y-a-t-il des politiques (le terme politicien est péjoratif en français) qui représentent uniquement le Liban et le peuple libanais sans aucunes autres considérations?

    Shou fi

    13 h 07, le 10 janvier 2019

  • COMME QUOI, TRES CHERE MADAME SCARLETT HADDAD, ET IL FALLAIT LE DIRE, PERSONNE NE NOUS EXPORTE DES CRISES ... NOUS EN FABRIQUONS NOUS MEMES ET IMPORTONS LES PROBLEMES DES AUTRES CHEZ NOUS ET LES FAISONS NOTRES ! PLUS D,ABRUTISSEMENT SUICIDAIRE ?

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 26, le 10 janvier 2019

  • C'est comme dans un combat de coq, les coach regardent leurs coqs s'etriper sous leur regard amusé mais pas du tout désintéressé. Dans cette petite arène chaque coq veut faire voir à l'autre de quel ergo ou ego il se chauffe. Pendant ce temps c'est l'herbe qui souffre.

    FRIK-A-FRAK

    08 h 05, le 10 janvier 2019

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