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Moyen Orient et Monde - Décryptage

(Sur)vivre à l’ère Trump sans Mattis

Le chef du Pentagone Jim Mattis a rendu sa démission jeudi après la décision du président américain de retirer ses troupes de Syrie.

Le secrétaire américain à la défense Jim Mattis écoutant le président américain Donald Trump à la Maison-Blanche le 23 octobre 2018. Leah Millis/Reuters/File Photo

Dans les moments où l’on s’apprête à commettre les pires imprudences, où l’on se laisse dévorer par nos obsessions, il y a toujours cette petite voix qui nous invite à nous calmer et à peser le pour et le contre. Elle ne gagne pas forcément, mais elle permet souvent d’éviter le pire. Jim Mattis était cette petite voix dans la tête de Donald Trump. Le secrétaire d’État à la Défense était même le dernier homme à pouvoir se targuer de jouer ce rôle.

Le chef du Pentagone a rendu sa démission jeudi, après que le locataire de la Maison-Blanche a décidé de retirer les troupes américaines de Syrie et, dans une moindre mesure, d’Afghanistan. C’était, semble-t-il, la goutte de trop pour cet homme qui avait exprimé à plusieurs reprises sa conviction qu’il était nécessaire de ne pas partir précipitamment de ces zones de fronts. Le reste du monde va désormais devoir apprendre à vivre avec Donald Trump délaissé de son plus efficace garde-fou.

Le général quatre étoiles avait pour principales missions de modérer les ardeurs de son président, d’apporter de la consistance et de la stabilité à une politique extérieure assez imprévisible et illisible, et, surtout, de rassurer les alliés des Etats-Unis. « Sur les alliances des Etats-Unis – l’OTAN, la Corée du Sud... – et sur les opérations militaires au Moyen-Orient, tous les témoignages concordent pour dire que Jim Mattis a, depuis deux ans, systématiquement réussi à contrer les ardeurs et à modérer les instincts du président », résume pour L’Orient-Le Jour Bruno Tertrais, directeur adjoint de la Fondation pour la recherche stratégique (FRS).


(Lire aussi : Retrait US de Syrie : premières lectures libanaises..., le décryptage de Scarlett HADDAD)


« Dernier adulte dans la pièce »
Poussé à la retraite par Barack Obama en raison de ses positions jugées trop radicales par rapport à l’Iran, Jim Mattis avait été nommé par Donald Trump en raison de sa grande carrière militaire et de sa réputation d’homme dur. « Mad Dog » avait l’habitude de le surnommer dans un premier temps le président, avant de progressivement se rendre compte que l’homme était beaucoup plus éloigné de ses idées qu’il ne le pensait. « Je pense que c’est une sorte de démocrate si vous voulez connaître la vérité », était allé jusqu’à déclarer le président américain dans une interview accordée à CBS au mois d’octobre dernier. Suite au départ de Rex Tillerson et des généraux H.R. McMaster et John Kelly, la presse américaine avait pris l’habitude de présenter le chef du Pentagone comme « le dernier adulte dans la pièce ». « Il a été le gardien de la politique sécuritaire établie depuis 60 ans, comme le fait de travailler de concert avec les alliés européens ou se montrer ferme vis-à-vis de la Russie. Il représentait la continuité », note pour L’OLJ Michael Shurkin, analyste politique du centre de réflexion américain Rand Corporation, à Washington.

Malgré ses nombreux désaccords avec le président, Jim Mattis a évité autant que possible pendant presque deux ans de les manifester publiquement. Sa lettre de démission, bien que courtoise, ne manque toutefois pas de remettre les points sur les i. Les grandes divergences entre les deux hommes sont mentionnées : les questions des alliances, de la position à adopter vis-à-vis de la Russie et de la Chine, ou encore du rôle que doivent jouer les États-Unis sur la scène mondiale.

Le plus grand apport de Jim Mattis aura sans doute été de consolider les alliances américaines en Europe et en Asie, alors que le candidat Trump avait évoqué son souhait de sortir de l’OTAN et d’arrêter de « payer pour la sécurité des autres ».

« La force de notre nation est inextricablement liée à la force de notre système unique et complet d’alliances et de partenariats », écrit le chef du Pentagone dans sa lettre de démission, comme pour mieux souligner les limites de la logique de l’ « America First », qui guide pourtant la vision internationale du président américain. Ce dernier n’est pas un isolationniste comme il est trop souvent présenté, mais plutôt un homme aux idées simples et à la vision américano-centrée qui n’admet pas qu’il puisse être de l’intérêt des États-Unis d’assurer la sécurité de ses alliés. Tout le contraire de son chef du Pentagone qui quittera ses fonctions en février. « Nous devons faire tout notre possible pour favoriser un ordre international propice à notre sécurité, notre prospérité et nos valeurs, et nous sommes renforcés dans cet effort par la solidarité de nos alliances », écrit encore celui-ci dans sa missive, qui insiste sur l’importance de « traiter les alliés avec respect ».


(Lire aussi : Jim Mattis, le dernier des généraux de Trump à quitter le navire)


« La dernière digue est tombée »
Les critiques à peine voilées du haut gradé donnent une idée de ce à quoi pourrait ressembler la politique extérieure de Washington une fois celui-ci parti. Alors que sa marge de manœuvre sur la scène intérieure est désormais réduite du fait de la majorité démocrate à la Chambre des représentants, Donald Trump pourrait être tenté d’aller au bout de ses idées en matière de politique internationale. Cela implique sa menace de sortir de l’OTAN, mais également une politique encore plus assumée en faveur des autocrates et au détriment des alliés traditionnels des États-Unis.

Qui pourrait en effet désormais convaincre le président de rester prudent dans le dossier coréen, de traiter les Européens avec plus de respect ou d’adopter un ton plus ferme vis-à-vis de la Russie ? « On trouve au sein de la Maison-Blanche certains conseillers qui peuvent, ponctuellement, jouer ce rôle. Et le vice-président Pence, d’ailleurs plus conservateur que Trump et plus radical sur certains sujets, est un homme pondéré qui conserve la confiance de Trump. Mais sur les dossiers militaire et stratégique, la dernière digue est tombée », analyse Bruno Tertrais.

Le chef du Pentagone conclut sa lettre de démission en estimant que « vous avez le droit d’avoir un ministre de la Défense dont les vues sont mieux alignées sur les vôtres ». Tout porte effectivement à croire que Donald Trump va nommer un homme qui partage sa vision du monde. C’est en quelque sorte la revanche du courant de l’ex-sulfureux conseiller Steve Bannon sur ce que l’on avait appelé le « clan des généraux ». « Je ne pense pas que le successeur de Mattis aura le même charisme, et sera capable et enclin à jouer un quelconque rôle de contrepoids », confirme Michael Shurkin.


(Lire aussi : Le retrait US de Syrie renforcera un corridor terrestre iranien)


Contradiction
La politique extérieure de Washington sera-t-elle encore plus imprévisible sans Jim Mattis ? Ou plus lisible au contraire car conforme en tout point à la vision du président ? Les deux, peut-être, si l’on considère que le président suit une certaine logique dans ses grandes obsessions tout en étant capable de surprendre le reste du monde, notamment par ses tweets impulsifs.

« L’absence de Mattis ne signifie pas que tout va changer en une nuit et que Trump pourra faire ce qu’il veut, cela n’arrivera pas. Cependant, tout devient plus incertain, et Trump imposera sa volonté de manière plus forte », estime Michael Shurkin. « Un président américain n’a jamais totalement les mains libres, notamment lorsque l’une des deux Chambres du Congrès, comme c’est le cas aujourd’hui, lui est hostile. Et il reste des contrepoids institutionnels : les services de renseignements, l’armée ne vont pas exécuter n’importe quel ordre absurde. Mais ce n’est pas rassurant », ajoute Bruno Tertrais.

Seuls restent les faucons anti-iraniens – le secrétaire d’État Mike Pompeo et le conseiller pour la Sécurité nationale John Bolton – parmi les hommes forts autour du président, mais même eux vont devoir gérer la contradiction entre une politique visant à endiguer l’Iran en coopération avec les alliés israélien et saoudien, et une conviction que l’Amérique n’a pas à jouer le rôle de gendarme au Moyen-Orient.



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Dans les moments où l’on s’apprête à commettre les pires imprudences, où l’on se laisse dévorer par nos obsessions, il y a toujours cette petite voix qui nous invite à nous calmer et à peser le pour et le contre. Elle ne gagne pas forcément, mais elle permet souvent d’éviter le pire. Jim Mattis était cette petite voix dans la tête de Donald Trump. Le secrétaire d’État à la...

commentaires (5)

Il y aun proverbe qui dit que quand les rats quitte le navire le navire coule

Eleni Caridopoulou

22 h 08, le 22 décembre 2018

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Commentaires (5)

  • Il y aun proverbe qui dit que quand les rats quitte le navire le navire coule

    Eleni Caridopoulou

    22 h 08, le 22 décembre 2018

  • Aucun fondement, analyse entierement fausse et sans vision... juste un ramassis de mot sans interet

    Bee S

    15 h 30, le 22 décembre 2018

  • Tout ce texte écrit par 2 journalistes maison ne trouve son importance que dans le dernier paragraphe qui commence par.... seuls restent les faucons anti iraniens....etc... bla bla bla.... Eh bien notez qu'ils resteront seuls et bien seuls. Écoutez les amis, avoir mis un clown comme trump-pète pour remplacer un larbin comme Obama n'était pas le fruit du hasard, les "faucons anti iraniens" tentent par tous les moyens stratégiques, politiques,militaires etc... de prendre le dessus sur l'axe de la Russie l'Iran NPR la Chine et la Corée du Nord , mais en vain. D'où tout ce branle bas de combat qui ne pourra JAMAIS AVOIR LIEUE, FAUTE DE COMBATTANTS COURAGEUX DU CÔTÉ DE L'USURPATION .

    FRIK-A-FRAK

    12 h 21, le 22 décembre 2018

  • LA SORTIE DE LA MAISON BLANCHE PROBABLEMENT SUIVRA CETTE MEGA GAFFE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 28, le 22 décembre 2018

  • Quelle bonne nouvelle la demissionnde Mattis...personne ne va arreter Trump qui va envoyer un comando afin d envoyer rejoindre son pere dans l enfer le boucher de Damas.

    HABIBI FRANCAIS

    04 h 53, le 22 décembre 2018

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