Frac/Shion hiver 2019. Photos DR
Elles ont 14 ans à peine quand, admirant les talents de styliste de son amie Carla Mahseredjian, Jasmine Busson lui promet : « Un jour, tu créeras ta marque de mode et je t’y aiderai. » Quatorze ans plus tard, elles y sont. Le père de Carla, qui a fondé « Cigarette », l’une des adresses les plus iconiques de Bourj Hammoud, possède une fabrique de vêtements que les filles décident d’optimiser à leur manière. La styliste formée à Esmod Beyrouth après une licence en marketing fait des allers-retours à Guangzhou. En ses saisons chinoises, elle fait le plein d’inspiration et de tissus décalés pour dessiner au retour des collections obéissant à trois impératifs : être portables de jour comme en soirée, être abordables, être confortables. Si ses affinités l’attirent vers des créateurs pointus tels qu’Alexander McQueen, Rodarte, Iro ou même Rick Owens, elle cultive dans ses propres créations une originalité discrète ; juste assez pour se démarquer sans sortir du cadre rassurant qu’elle a établi à destination d’une clientèle à laquelle elle offre exactement ce qu’elle recherche, s’inspirant des désirs des unes et tenant compte des remarques des autres. Au fond, rien d’autre ne compte pour la jeune femme qui affirme que le succès de son jeune label Frac/Shion n’est pas dû à autre chose qu’à cette formule magique où se mêlent écoute et compréhension.
Un entrepreneuriat féminin réussi
Frac/Shion, comme frac, ou queue-de-pie, et le suffixe shion pour faire « fashion ». La mode signalée par cette étiquette est élégante et contemporaine, mais l’ensemble, « fraction », signifie que les prix sont minimes. La prouesse de ces prix modérés est due à une minutieuse sélection de fournisseurs et à une réduction des interventions couture. Aidée de ses amies Sophie Makzoume, qui dirige le marketing de l’entreprise avec autant de diligence que de bonne humeur, et Jasmine Busson, consultante et ange gardien dont les avis pertinents sont de précieux repères, Carla Mahseredjian ouvre sa première boutique en décembre 2017. L’emplacement a été choisi comme tout le reste, après étude, en mettant toutes les chances du côté du succès. L’espace est généreux sans être grand, et il y a un parking en face, ce qui est un avantage dans cette rue d’Achrafieh où il est difficile de garer sa voiture. Le soir de l’ouverture, près de 35 % de la collection est vendue, soit 1 400 pièces sur les 3 800 disponibles, et l’enthousiasme est maintenu tout au long de l’année. À tel point que « les filles » ouvrent un pop-up à Faqra en été et poursuivent leur expansion avec une deuxième boutique à l’ABC Verdun inaugurée en novembre, terminant même la première année avec un résultat légèrement supérieur à leurs prévisions.
Pour les éternelles trentenaires
Proposée comme une alternative à la fast-fashion, créneau où pourtant elle se positionne, la marque Frac/Shion offre l’avantage de dépendre d’une manufacture située au Liban, ce qui autorise toutes sortes de personnalisations et commandes privées réservées au domaine du luxe, presque sans différence de prix. Avec une image valorisée par un entrepreneuriat féminin réussi, ainsi qu’une esthétique simple, inspirée des activités quotidiennes et du sport, proposant le genre de vêtements souples, pratiques et seyants dont tout le monde a besoin, la jeune marque séduit toutes les générations, avec un pic auprès des 25-30 ans, mais on dit bien que la femme d’aujourd’hui est une éternelle trentenaire.
C’est dire si le premier anniversaire de Frac/Shion, célébré le jeudi 13 décembre sur le trottoir de la boutique entre vin chaud et marrons grillés, était marqué par la satisfaction que procure le travail bien accompli. Coupes fluides, jupes cloches, caftans modernisés, épaules raglan et cols droits, chemises déstructurées, pulls courts ou surdimensionnés en maille signature, velours et lamés festifs, tout a été raflé… comme la première fois.
Pour mémoire
Fracshion, success story et girl power à la libanaise
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