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Moyen Orient et Monde - Diplomatie

Le rapprochement intercoréen sous la loupe américaine

Le réchauffement des relations entre Séoul et Pyongyang pourrait déplaire aux États-Unis, qui y voient un délaissement de la question du nucléaire nord-coréen.

Rencontre chaleureuse entre les deux dirigeants coréens pour faire avancer le processus de paix et la dénucléarisation de la péninsule. Pyongyang Press Corps/Pool via Reuters

Si le dernier sommet intercoréen de Pyongyang, le troisième depuis le mois d’avril, a de nouveau montré la volonté commune de rapprochement entre la Corée du Sud et son voisin du Nord, les États-Unis risquent de rester sur leur faim à propos de la question de la dénucléarisation de la péninsule coréenne. Pourtant, à l’heure où les négociations entre les Américains et les Nord-Coréens sur ce sujet sont au point mort, le président sud-coréen Moon Jae-in s’est mis dans la peau d’un négociateur pour tenter de les relancer. Avec un certain succès sur le papier. Séoul a en effet obtenu hier de Pyongyang un accord visant à fermer, avec la vérification d’inspecteurs internationaux, un site d’essai de missiles du Nord. Les deux dirigeants se sont également entendu pour faire de la péninsule coréenne une « terre de paix sans armes nucléaires et menaces nucléaires ». Kim Jong-un a toutefois précisé que cela serait effectif sous certaines conditions, notamment la reconnaissance américaine de la fin de la guerre de Corée (en 1953). Le président américain Donald Trump a néanmoins tenu à saluer le sommet et les mesures qui y ont été décidées. « Kim Jong-un a accepté d’autoriser les inspections nucléaires, sous réserve de négociations finales, et de démanteler un site d’essai et une aire de lancement en présence d’experts internationaux. En attendant, il n’y aura pas d’essais de missiles ou nucléaires », a écrit hier le locataire de la Maison-Blanche sur Twitter.

Mais ce dernier n’a néanmoins pas abandonné l’idée que son administration s’était faite du sommet historique entre lui et son homologue nord-coréen le 12 juin dernier, à savoir que la paix avec les Américains ne serait possible qu’après la dénucléarisation complète de la péninsule. Pourtant, après avoir suivi le film des derniers jours, les deux Corées semblent privilégier le réchauffement de leurs relations, quitte à mettre indirectement de côté la question épineuse de la dénucléarisation.


(Lire aussi : La Corée du Nord tient son défilé militaire sans ICBM)


Rapprochement prononcé

Les gestes visant à enterrer la hache de guerre ont en effet été particulièrement nombreux ces derniers mois entre les deux parties. L’un des plus chaleureux d’entre eux fut la réunion dans une localité nord-coréenne de dizaines de familles séparées pendant la guerre de Corée, et qui se sont retrouvées, 65 ans plus tard, dans la plus grande émotion. Kim Jong-un avait également procédé à la livraison de dépouilles mortelles de soldats américains morts pendant la guerre. Un geste qui avait particulièrement touché Donald Trump qui s’est empressé de le remercier via Twitter. Le 14 septembre, le réchauffement des relations intercoréennes a pris une autre tournure avec l’inauguration d’un bureau de liaison dans la ville de Kaesong, côté nord-coréen. Celui-ci « assurera une plate-forme de communication 24 heures sur 24 visant à faciliter les échanges frontaliers et à atténuer les tensions », selon des propos alors rapportés par l’agence de presse sud-coréenne Yonhap. « À partir d’aujourd’hui, la Corée du Sud et la Corée du Nord peuvent établir des consultations directes 24 heures sur 24 et 365 jours par an sur les questions relatives aux relations intercoréennes, à la paix et à la prospérité dans la péninsule coréenne », avait alors déclaré le ministre sud-coréen de l’Unification, Cho Myoung-gyon, cité par Yonhap. Signe que les deux Corées veulent aller de l’avant, les deux dirigeants ont fait savoir lors de leur sommet d’hier leur envie mutuelle de faire acte d’une candidature commune à l’organisation des Jeux olympiques de 2032. Une nouvelle dont Donald Trump s’est réjouit hier sur Twitter, la qualifiant de « très excitante ».

Ainsi, même s’il n’y a pas encore de traité de paix entre les deux pays, qui sont officiellement toujours en guerre, il y a une volonté réciproque d’un rapprochement et d’un dialogue très régulier. Celle-ci est d’autant plus évidente que Kim Jong-un a annoncé hier vouloir se rendre au Sud « dans un futur proche ». Cette visite, si elle a lieu, serait la première d’un chef d’État nord-coréen chez son voisin du Sud depuis la fin de la guerre de Corée. Mais si l’avancée dans le réchauffement des relations intercoréennes semble de plus en plus se prononcer, celle concernant l’évolution du dossier du nucléaire semble prendre du retard.


Surveillance américaine

Car même si Kim Jong-un s’est engagé à procéder à la dénucléarisation de la région lors de sa rencontre avec Donald Trump, celle-ci semble patiner, les mesures demandées par Washington se heurtant aux revendications nord-coréennes. « Parmi les revendications de Pyongyang figurent une déclaration de paix de la part des Américains et des assurances de sécurité. Je pense qu’il est irréaliste de s’attendre à ce que les Nord-Coréens abandonnent leurs armes nucléaires à moins que les Américains ne fassent de même en Asie de l’Est », affirme à L’Orient-Le Jour John Nilsson-Wright, spécialiste de la Corée du Nord au think tank Chatham House, à Londres.

Pourtant Kim Jong-un n’a pas lésiné sur les gestes de bonne volonté pour montrer à Washington qu’il respectait ses engagements en matière de dénucléarisation et de démantèlement des sites de production de missiles. Le leader nord-coréen avait notamment invité des journalistes à assister à la destruction d’un de ces sites, mais sans experts pour y assister. Il s’était également abstenu d’exposer des missiles nucléaires et balistiques lors du dernier défilé militaire organisé à Pyongyang pour le 70e anniversaire de l’indépendance du pays le 9 septembre, rompant ainsi avec la tradition nord-coréenne d’exposer ce type d’arsenal. Un geste que le président américain n’a pas manqué. « Merci au président Kim. Nous allons tous deux prouver que le monde entier a tort ! Il n’y a rien de mieux qu’un bon dialogue entre deux personnes qui s’aiment ! Bien mieux qu’avant ma prise de fonctions », avait déclaré M. Trump sur Twitter.

Mais cela ne semble pas suffire pour les Américains qui restent focalisés sur leur idée principale : la dénucléarisation complète de la péninsule. Ainsi, en voyant son allié, la Corée du Sud, privilégier ses rapprochements diplomatiques avec son voisin du Nord, quitte à mettre de côté les engagements de dénucléarisation, Washington pourrait perdre patience. « Je ne pense pas que les Américains puissent laisser les deux Corées continuer sur cette voie de délaissement du dossier nucléaire au profit de leurs relations de paix, car il y a des limites (...) Les sanctions internationales infligées au régime nord-coréen signifient que certains des points discutés dans la déclaration de Pyongyang, tels que les contacts économiques, sont bloqués. Par ailleurs les États-Unis exercent toujours une pression sur la Corée du Nord », insiste John Nilsson-Wright. « Nous sommes plutôt prudents quant aux décisions qui ont été prises et très sceptiques quant aux progrès à long terme », conclut-il.


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