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Culture - Disparition

Les sculptures de Zaven pleurent en silence

Il s’est envolé au soir de jeudi dernier, à quatre-vingt-six ans, après une longue lutte avec la maladie. Zaven Hadichian, maître du burin et des ciseaux à pierre, a laissé derrière lui une œuvre monumentale et prolifique.

Photo D.R.

La chevelure drue et blanche jusqu’au bout, la voix tonitruante comme une basse d’opéra, le geste sec, la stature ronde et trapue, Zaven Hadichian était aussi un personnage truculent, au verbe arménien savoureux. Ses apartés avec Paul Guiragossian étaient uniques de drôlerie et de finesse dans leurs inflexions et modulations, en plus d’un esprit d’une ravageuse causticité, mais sans méchanceté gratuite.

Ses études, il les entame à Beyrouth, à l’Académie libanaise des beaux arts (Alba), où il deviendra par la suite le premier professeur au Liban à introduire la sculpture à l’université. Passage obligé à Paris, qui sera le tremplin pour une formation académique avec Hubert Yensses, Alfred Janniot et Marcel Gimond.

Dès ses premières expositions en 1954 au Petit Palais à Paris, sa touche et sa griffe retiennent l’attention du public et des critiques, qui reconnaissent en lui un talent remarquable. Suivront de nombreuses expositions, privées et collectives, d’Alexandrie (Égypte) à Paris, en passant par Beyrouth et de nombreux pays arabes.

Avec une pluie de distinctions et de prix locaux et internationaux. Il sera sans conteste celui qui animera avec le plus d’éclat les places publiques en mémoire des martyrs et des personnages historiques et littéraires, tel Gebran Khalil Gebran qui trône au centre-ville. Ses sculptures en bronze, en pierre ou en marbre, superbes abstractions à caractère figuratif, immenses, ramassées, vibrantes de sensibilité humaine et historique (le thème du génocide arménien sera sa constante hantise), seront et sont toujours au cœur de Bickfaya, Anjar, Bourj Hammoud, Boston, Alep et le musée Sursock…

Langage à creuser

Luisantes, lisses, tourmentées, élancées, repliées en fœtus ou crachant du feu avec des pics hérissés, lovées comme un reptile ou un cocon de libellule qui va s’évader, les sculptures de Zaven Hadichian restent au sommet de la précision, de la minutie du détail bien fignolé, d’un savant équilibre entre harmonie et fantaisie délirante...

L’artiste laisse derrière lui une œuvre prolifique. Un cortège d’ombres pétrifiées, qui défient le soleil en toute élégance et souplesse et attestent de la douleur, de la grandeur et de l’élan de vivre. En bronze, en marbre, en bois, en terre cuite, en pierre rugueuse ou domptée comme un cheval rebelle (d’ailleurs, pour lui, la beauté, c’était surtout la fougue du cheval et le corps athlétique de l’homme), la sculpture, au burin et scalpel vigoureux, pour cet artiste soucieux et obsédé et habité par son art, était un langage singulier. Un langage à creuser, à inventer, à traduire en termes de volume, de mouvement, de densité, de légèreté, de cavité, de protubérances, de murmures et de cris. Preuve vivante de tout cela : son grand atelier dans sa villa à Bellevue qui voisinait avec la demeure de Dikran Tamirian, son grand ami, le fourreur qui a introduit Christian Dior au Moyen-Orient en habillant les plus belles femmes du monde, dont May Arida…

Ce qu’on ignore peut-être de ce brillant sculpteur – qui a formé plus d’une génération d’artistes (avec un cours pour le modelage), car il a enseigné non seulement à l’Alba (1960-1982), mais aussi à l’INBA (1966-1987) et à l’USEK (1980-1982) –, c’est sa face de comédien comique hilarant.

Zaven avait en effet le don de la parole et de l’imitation. Son spectacle, à l’époque où il se portait encore bien, au théâtre Der Melkonian à Bourj Hammoud, restera gravé dans les mémoires de ceux qui l’ont applaudi. Époustouflant et à crouler de rire, dit-on.

La chevelure drue et blanche jusqu’au bout, la voix tonitruante comme une basse d’opéra, le geste sec, la stature ronde et trapue, Zaven Hadichian était aussi un personnage truculent, au verbe arménien savoureux. Ses apartés avec Paul Guiragossian étaient uniques de drôlerie et de finesse dans leurs inflexions et modulations, en plus d’un esprit d’une ravageuse causticité, mais...

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