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Culture - Collectionneur

Mazen Soueid, passionné de Hussein Madi...

En une vingtaine d’années, ce banquier et économiste quadragénaire a monté une large collection d’art arabe, moderne et contemporain, où trônent en majesté les peintures et sculptures de Hussein Madi.

Le collectionneur devant son « Feday’i » d’Ayman Baalbacki. Photos Michel Sayegh

« Collectionner de l’art est, pour moi, une façon de mieux me connaître. D’ailleurs, au fil des ans, mon ensemble d’œuvres a fini par refléter mon évolution personnelle. Et cela à travers les pièces que je n’apprécie plus et celles que je (re)découvre avec un œil nouveau », soutient ce banquier quadragénaire qui entretient avec l’art une relation passionnée et vivante… partagée avec son épouse Loulia, elle-même artiste.

Chez ce jeune couple moderne, pas de décorum muséal ni de tableaux figés dans leurs cadres et leurs emplacements sur les murs. Mais plutôt des accrochages variables leur permettant de profiter, tour à tour, de chacune des pièces de leur vaste collection. Exception faite de deux tableaux absolument inamovibles. Le premier : une scène de genre aux accents surréalistes signée Mohammad el-Rawass. Une toile dans laquelle l’artiste – qui est l’un des quatre préférés de Mazen Soueid – a malicieusement glissé les figures de… Mazen et de sa femme Loulia. Normal donc que le couple n’ait pas envie de le décrocher. Tandis que le second, une nature morte représentant une assiette vide et une autre pleine de poissons, œuvre de l’artiste (et opposant) syrien Youssef Abdelke, « a une charge symbolique très forte pour l’économiste que je suis », assure le financier et esthète.

Noir c’est noir

C’est en Inde que Mazen Soueid a acheté sa toute première œuvre d’art aux début des années quatre-vingt-dix. Fraîchement diplômé en macroéconomie, le jeune homme venait d’intégrer le Fonds monétaire international à Washington. Au cours d’un des nombreux déplacements qu’il faisait à l’époque pour son travail, il tombe en arrêt devant une gravure à motif de coquillages d’un artiste indien. « Elle était assez sombre, se remémore-t-il. Et comme, à l’époque, j’adorais tout ce qui était ténébreux, au point de ne m’habiller qu’en noir, j’avais eu un gros coup de cœur pour cette pièce. »

De Van Dongen au Picasso libanais

Au bout de quelques années, ses goûts vestimentaires et artistiques ayant évolué, il laisse tomber les tenues de Man in Black et se débarrasse également de la gravure, mais garde néanmoins l’intérêt qu’elle a enclenché en lui pour l’art. Un intérêt encouragé par son père qui, dit-il, lui conseillait de toujours rapporter de ses voyages des peintures. « En quelques années passées à Washington, j’avais ainsi constitué une petite collection de toiles d’artistes internationaux – dont une pièce du Suédois Lindström du mouvement Cobra ainsi que des dessins de Cocteau et Van Dongen », signale-t-il. « Mais je n’avais aucune œuvre de Libanais, comme me l’a fait remarquer, à bon escient, ma mère », poursuit ce « bon fils ». Lequel profite dès lors de ses séjours au pays pour découvrir la scène artistique locale. À commencer par Mohammad el-Rawass, un parent éloigné à sa génitrice… Et Hussein Madi, que lui fera connaître son amie de Washington, l’ambassadrice du Liban auprès de l’ONU, Amal Moudallali. « Du coup, mes deux premières toiles libanaises sont celles de ces deux artistes qui, vingt ans plus tard, restent mes préférés », affirme Mazen Soueid.

D’ailleurs, le vaste appartement du couple, à l’ameublement très design et épuré, compose l’écrin idéal d’une collection d’art moderne et contemporain arabe, qui révèle clairement le culte que voue Mazen Soueid à Hussein Madi.

Déclinant l’ensemble de sa thématique (femmes, feuilles, oiseaux et tout son bestiaire annexe), les peintures et sculptures de celui qui a été surnommé « le Picasso du monde arabe » semblent occuper en maîtres des lieux l’espace des salles de réception. Et leur présence, en nombre, va même jusqu’à phagocyter les œuvres des autres artistes, tout aussi légitimes, que le couple collectionne. À l’instar de Mohammad el-Rawass, de Fateh Moudaress, de Chafic Abboud, d’Helen el-Khal, d’Amine el-Bacha, de Youssef Abdelke, de Abed al-Kadiri, d’Oussama Baalbaki, de Rima Amyouni…

Défendre les artistes

Bref, chez Mazen et Loulia Soueid, l’art de Madi est roi. Au point de reléguer au second plan un somptueux portrait au keffieh d’Ayman Baalbacki ou encore la remarquable sculpture placée sous plexiglas signée Arman. En fait une maquette du monument en compression de chars dans le béton que le sculpteur français a érigé au sortir de la guerre dans l’enceinte du ministère de la Défense à Yarzé.

« J’aime tout chez Hussein Madi, affirme Mazen Soueid. Il est, selon moi, l’un des meilleurs artistes du monde arabe. Il s’est attaqué avec un égal talent à tous les médiums : huile et acrylique sur toile ou sur papier, pastel, dessin à l’encre ou au fusain, gravures, sculptures sur bois, en bronze, en métal... Son atelier est d’une richesse inouïe. Mais surtout, il est – avec Salwa Raouda Schoucair – l’un des rares peintres et sculpteurs arabes à avoir développé une authentique structure personnelle dans son travail, en tirant son inspiration du trait oriental ainsi que de la culture islamique, égyptienne et mésopotamienne. »

Dans la collection des Soueid qui compterait, selon leurs dires, près de 300 œuvres entre peintures, sculptures, gravures, lithos, dessins et, depuis peu, photos, Fateh Moudaress occupe également une place de choix. Le couple qui, au hasard d’une enchère à Milan, est tombé sur les héritiers du galeriste italien de l’artiste syrien a récupéré une douzaine de peintures réalisées durant sa période romaine (entre 1957 et 1963). « Elles témoignent magnifiquement de l’avant-gardisme de ce grand peintre, également très imprégné de culture mésopotamienne », s’enthousiasme Mazen Soueid, qui envisage d’ailleurs de les présenter au public dans une exposition. Car, au-delà de la simple quête du collectionneur, il rêve désormais de défendre les artistes qu’il aime. En devenant une sorte de mécène qui s’occuperait de leur organiser des expositions, de leur consacrer des ouvrages ou encore des documentaires… À commencer évidemment par Hussein Madi. Sans oublier toutefois Abed al-Kadiri ou Oussama Baalbaki qu’il apprécie également particulièrement et sur l’avenir desquels il mise beaucoup.

« Collectionner de l’art est, pour moi, une façon de mieux me connaître. D’ailleurs, au fil des ans, mon ensemble d’œuvres a fini par refléter mon évolution personnelle. Et cela à travers les pièces que je n’apprécie plus et celles que je (re)découvre avec un œil nouveau », soutient ce banquier quadragénaire qui entretient avec l’art une relation passionnée et...

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