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Lifestyle - Un peu plus

Les petites boules de kaak chez téta

Photo DR

Il y a quelque chose de très attendrissant dans les visites que l’on fait à ses grands-parents, ses vieilles tantes ou au patriarche du quartier. On y retrouve, l’espace d’un instant, un autre monde fait de bonbonnières et de caramels Mackintosh. Un monde qui semble parfois s’être figé dans le temps. Ces visites sont à elles seules des madeleines de Proust. Elles réveillent l’enfance, l’adolescence. Des parties de cache-cache dans le jardin aux kaak bi halib que l’on prenait au goûter.

Aujourd’hui quand on reçoit, on n’offre plus de cigarettes trônant aux côtés de toutes les autres marques sur le plateau en argent bien installé sur le napperon en crochet de la table style, au milieu de 2oudet el-chété. Aujourd’hui, on invite les gens à aller sur le balcon vitré pour en griller une, en leur ventant les mérites des cigarettes électroniques et des iQos aux senteurs fétides. Le crochet a d’ailleurs déserté nos maisons. On ne l’utilise plus et quand ladite vieille tante offre une petite nappe en crochet à sa nièce le jour de ses noces, elle finit rangée dans les toilettes d’invités qui faisaient office auparavant de la mouné de l’hiver. Pas de petit capuchon en crochet pour protéger le bri2 d’une abeille. Pas de bri2 non plus. Pas de petite robe en crochet sur le verre de charab wared, pourtant bien plus utile qu’un coaster. De moins en moins de charab offerts lors des après-midi de canicule. Ni tout ni jellab. Sauf chez ceux qui entretiennent les traditions et les remettent au goût du jour. Sauf peut-être chez quelques bobos et nouveaux hipsters qui reçoivent leurs amis sur une table en Formica payée rubis sur ongle chez un vieil antiquaire de Basta.

On ne retrouve quasiment plus d’Eau de Cologne 777 que dans la salle de bains au carrelage composé de fleurs sur fond orange. Des échantillons de Joy de Patou. Et quelque part, dans un petit panier recouvert d’un tissu imprimé, on déniche un gel douche Amatoury 114 parfum océan… un gel douche d’époque. Dans nos salles de bains, pas de protège-lunette des WC impression moquette. Un accessoire dont on n’a jamais vraiment compris l’utilité. Qui pourrait s’asseoir les fesses mouillées après une douche à même le sol, sur des toilettes en polyester poilu ?

Pas de bonbonnières remplies de Sugus et de nougats de chez Attieh. Ni de cupidons huileux ou de caramels emballés de papier doré et qui collaient aux dents. Quelques petites graines de café enrobées de chocolat noir ou de mini-pépites à la menthe. « Chilé tante, taybin ». Et si on refuse de se goinfrer de sucreries en plein régime, ladite tante nous les glisse dans la poche « pour après ». Après, quand nous rentrerons chez nous et qu’elle sortira son vieux paquet de cartes Fournier (777 elles aussi) pour jouer au solitaire sur la table de la salle à manger où est posé un vase de fleurs artificielles. Elle fera des vœux en grignotant des biscuits Ghandour 555 (sans loukoum pour ne pas abîmer son dentier) ou des petites boules de kaak trempées dans de la limonade qu’elle sirote.

Il y a quelque chose d’attendrissant dans ces maisons de pierre. Quelque chose de rassurant surtout. Rassurant de savoir que certaines choses ne mourront jamais. Qu’elles resteront aux côtés des bijoux en falamenk emmêlés dans la petite boîte à musique posée sur la coiffeuse. Aux côtés des figurines en cristal de la vitrine du couloir. Elles ne mourront jamais parce qu’un jour on en emportera avec nous. On mettra dans sa bibliothèque les pipes de jeddo où sont sculptés les visages de De Gaulle et de Kennedy. On suspendra son chapeau près de cette photo en noir et blanc de cette téta qu’on aimait tant. Photo ornée d’un cadre en bronze mzakhraf. Taillé comme les fauteuils inconfortables « style » Louis XVI ou Napoléon selon le goût. Un fauteuil retapissé en rayé pour faire plus moderne.

Il y a quelque chose de rassurant dans ces visites des dimanches d’été où l’on mange une mloukhiyé qui nous fait transpirer. Quelque chose de nécessaire avant tout. Nécessaire pour se rappeler d’où on vient…

Il y a quelque chose de très attendrissant dans les visites que l’on fait à ses grands-parents, ses vieilles tantes ou au patriarche du quartier. On y retrouve, l’espace d’un instant, un autre monde fait de bonbonnières et de caramels Mackintosh. Un monde qui semble parfois s’être figé dans le temps. Ces visites sont à elles seules des madeleines de Proust. Elles réveillent...

commentaires (4)

Merci Médéa pour ce super article /relai qui nous ramène des souvenirs qu'on n'avait plus et qui ne se retrouveront plus que dans votre article. Le bon, mais vraiment bon, temps! Merci à nouveau!

Wlek Sanferlou

17 h 58, le 25 août 2018

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Commentaires (4)

  • Merci Médéa pour ce super article /relai qui nous ramène des souvenirs qu'on n'avait plus et qui ne se retrouveront plus que dans votre article. Le bon, mais vraiment bon, temps! Merci à nouveau!

    Wlek Sanferlou

    17 h 58, le 25 août 2018

  • COQUETS SOUVENIRS D,ANTAN !

    LA LIBRE EXPRESSION

    17 h 56, le 25 août 2018

  • Magnifiques, ces souvenirs, merci Madame Médéa ! C'était alors le vrai, le beau, l'émouvant et inoubliable Liban... que l'on veut aujourd'hui changer pour l'associer à d'autres cultures venues d'ailleurs, pour satisfaire des intérêts politiques et...égoïstes ! Irène Saïd

    Irene Said

    15 h 16, le 25 août 2018

  • Vous oubliez les kaak "archelli", la nougatine caramélisée anglaise "Palm" arracheuse des plombages de dents, les flacons bleus du parfum "Soir de Paris", la poudre "Pompei" de téta Georgette, les pelotes de laine de chez Mikati, les cigarettes "Bafra" et "Khanum" à bout rouge sur les "skamla" du salon, la lampe à pétrole accrochée au mur, la voiture "Nash" torpédo modèle 1928 de papa...

    Un Libanais

    15 h 06, le 25 août 2018

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