Alors que les milieux politiques guettent le discours télévisé du secrétaire général du Hezbollah prévu le 14 août au soir, à l’occasion de la fin de la guerre de 2006, des informations circulent sur une décision américaine de ne plus se contenter de sanctions économiques contre cette formation. Il s’agirait donc de procéder à une sorte d’encerclement géographique (en plus des sanctions) en poussant les Russes à demander aux autorités syriennes d’exiger le retrait des combattants du Hezbollah de Syrie, pour couper tout contact géographique entre l’Iran et ce parti. Déjà, la condition israélienne véhiculée par les Russes du retrait des Iraniens et des combattants du Hezbollah des alentours du Golan occupé, sur une profondeur de 85 km, s’inscrit dans ce cadre et elle pourrait s’étendre à l’ensemble du territoire syrien contrôlé par les forces du régime, appuyées par les militaires russes.
De la sorte, la fameuse ouverture du chemin stratégique entre Téhéran et la banlieue sud de Beyrouth passant par l’Irak et la Syrie serait donc compromise et le refus américain d’évacuer la base de Tanaf à la frontière syro-irakienne n’est qu’une partie de la concrétisation de cette politique qui vise essentiellement à affaiblir l’Iran et son principal « instrument », le Hezbollah.
Aussi bien les sources iraniennes que celles proches du Hezbollah rejettent toutefois cette approche. Pour les Iraniens, le Hezbollah n’est pas le prolongement de la politique iranienne dans la région. Preuve en est, estiment les personnalités iraniennes interrogées sur ce sujet, que les activités iraniennes au Liban sont très réduites sur tous les plans et à tous les niveaux, en dépit des propositions réitérées de contribuer à fournir de l’énergie ou de participer à l’équipement de l’armée. Or, vu le poids du Hezbollah sur la scène libanaise, s’il était réellement un instrument iranien, il aurait poussé dans le sens de renforcer la coopération entre les deux pays. À cet égard, les personnalités iraniennes précisent que la décision de la suppression des tampons libanais sur les passeports des Iraniens en visite au Liban, qui avait provoqué une polémique à Beyrouth, n’avait pas été prise à la demande des autorités iraniennes. Au contraire, celles-ci préfèrent que les passeports des Iraniens soient visés pour mieux connaître leurs déplacements et aussi par respect pour les autorités des pays concernés. De telles décisions sont prises dans les pays qui sont très prisés par les Iraniens, comme la Turquie, par exemple. Or il n’y a presque pas d’activité touristique iranienne vers le Liban et les autorités de Téhéran n’ont donc pas réclamé un tel allégement des formalités d’entrée dans ce pays.
Pour le reste, les personnalités iraniennes interrogées affirment que le Hezbollah est totalement libre de ses décisions et que les Iraniens n’interviennent pas pour l’influencer dans un sens ou dans l’autre. Par exemple, l’appui du Hezbollah à la candidature du général Michel Aoun à la présidence de la République n’était pas une décision iranienne. Dans tout ce qui touche à l’intérieur libanais, c’est le Hezbollah qui décide. Même la décision de participer à la guerre en Syrie a été prise par le Hezbollah pour des considérations libanaises, liées d’abord à la protection des villages syriens peuplés de Libanais de l’autre côté de la frontière, puis à celle de protéger les lieux saints chiites près de Damas pour éviter un bain de sang entre sunnites et chiites, qui aurait eu des répercussions sur le Liban, et ensuite pour sécuriser la frontière libanaise et notamment les villages et localités limitrophes pris pour cibles par les combattants de l’autre côté de la frontière. Plus tard, cette participation a pris une dimension stratégique régionale et la présence du Hezbollah dans le sud de la Syrie a été réalisée à la demande des militaires russes. Selon ces mêmes personnalités, l’Iran ne veut que deux choses au Liban : que l’occupation israélienne d’une partie du territoire cesse car elle peut avoir un effet domino, et que la menace takfiriste soit éliminée car si « ces terroristes parviennent à contrôler un pays, les régimes voisins tomberont selon le même effet domino ».
C’est aussi dans cette optique que les Iraniens ont aidé le président turc Erdogan pour mettre en échec le coup d’État de juillet 2016 et qu’ils sont entrés en Syrie, d’autant qu’il y a un pacte de défense commune entre Damas et Téhéran signé il y a 30 ans.
Même son de cloche chez le Hezbollah qui affirme qu’il n’a jamais pris une décision interne pour servir les intérêts de l’Iran au détriment de ceux du Liban. Il partage toutefois avec l’Iran une même vision stratégique qui tourne autour du plan américano-israélien de provoquer l’effondrement ou d’affaiblir les pays de la région pour maintenir la suprématie d’Israël.
Le Hezbollah ajoute aussi qu’aujourd’hui, la Syrie et ses alliés ont réussi à mettre en échec ce plan, du moins en ce qui concerne ce pays, et c’est pourquoi le camp adverse n’est pas en mesure d’imposer ses conditions et de réaliser son fameux encerclement géographique après la victoire militaire syro-irako-irano-Hezbollah, qui a rétabli la jonction entre Téhéran et la banlieue sud de Beyrouth. D’ailleurs, même lorsque le président américain Donald Trump a demandé à son homologue russe Vladimir Poutine de ne pas laisser les Iraniens avoir une base maritime et aérienne sur les rives de la Méditerranée, selon le Hezbollah, Poutine aurait répondu qu’il n’a pas les moyens de le faire, car les Iraniens ne sont pas entrés en Syrie à sa demande, mais à celle des autorités syriennes... Les Iraniens et le Hezbollah sont ainsi convaincus que c’est le terrain qui dicte les décisions et pour l’instant, il est en leur faveur. Dès lors, la confrontation continue.
commentaires (10)
Ha ha ha ça me fait rire!!
Eleni Caridopoulou
17 h 53, le 17 août 2018