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Culture - Spectacle

« Beirut Sepia » : Se souvenir des couleurs d’une ville qui déteint

Dans « Beirut Sepia », écrite et interprétée par Chrystèle Khodr, la comédienne établit un dialogue avec sa ville natale et se reconnecte avec elle.

Chrystèle Khodr, conteuse d’histoires. Photo Rima Maroun

La guerre du Liban venait d’entrer dans sa dixième année lorsque Chrystèle Khodr a fait son entrée au monde. La comédienne – artiste du mois d’avril 2017 du prix L’OLJ/SGBL Génération Orient saison II – n’aura donc pas connu la douceur du Liban ni compris comment sa capitale a sombré tout à coup dans la violence et la laideur absolues. Elle a probablement entendu dire (sans y croire vraiment) que le Liban était une terre de lait et de miel, et a cherché à savoir la véracité des histoires reçues. Pour Chrystèle Khodr, qui connaît les planches depuis l’âge de onze ans et qui a choisi l’aspect difficile du parcours théâtral, la scène représente l’espace idéal pour raconter des histoires. Dans Beirut Sepia, performance de quarante minutes qui se joue depuis quelques années mais qui n’a pas pris une seule ride, la scène est le lieu propice de reconnexion avec sa ville. Après Zoukak, le théâtre Shams, des villes françaises comme Lyon ou Marseille, la comédienne s’est installée à Hammana Artist House pour y interpréter deux performances, chargées d’émotions nouvelles. Comme une carte postale ou même une toile impressionniste qu’elle croque de la capitale libanaise, ce sont les sentiments qui affleurent dans une couleur sépia. Les sentiments n’ont pas de couleur, diriez-vous. Bien au contraire. Les sentiments se déclinent du noir au blanc en passant par le gris, couleur de l’indifférence, et du bleu au rouge en traversant des rivages de vert, de jaune et d’orangé, de la froideur à la passion. Lesquelles finissent toutes par se ternir et virer au marron clair ou au brun, couleur de nostalgie.

Réconciliés...
Chrystèle Khodr est seule sur scène. Les spectateurs forment un arc de cercle autour d’elle. Elle a une voix grave mais douce, des yeux teintés de mélancolie et un sourire communicatif qui se dessine sur ses lèvres chaque fois qu’elle plonge son regard dans celui du spectateur. Elle avance, pieds nus, parfois à pas de félin. Chrystèle Khodr chuchote, susurre à nos oreilles et aux oreilles de la mémoire. Des souvenirs défilent. Ceux d’un quotidien pas très heureux. De ses doigts de Pénélope, elle tricote des réminiscences et les enfile une à une. On suit le moindre de ses gestes même lorsqu’elle se vernit les ongles des pieds ou cire les chaussures d’un spectateur. Elle s’assied à côté d’un autre et lui distille des confidences. Elle impose le silence et récupère la parole à la volée. Elle interroge sa ville, prend le public à témoin. Elle voudrait savoir, comprendre. Elle voudrait aimer. Aimer, malgré tout, ce peuple et ses faiblesses, ses inconstances, sa non-maturité que tout le monde lui reproche. Oui bien sûr, le Libanais est une mauvaise herbe selon certains ou une herbe folle selon d’autres, qui a poussé sans être arrosée par les progrès de l’Occident, parce qu’il a raté le train alors qu’il filait à toute vitesse. Mais cette herbe a résisté et a grandi en s’accrochant parfois à de belles plantes.Chrystèle Khodr l’aura compris et aura fait comprendre au public présent qu’il nous faudra du temps pour nous reconnecter avec notre ville car il faudrait d’abord se reconnecter avec soi-même. On sort de ces quarante minutes de monologue apaisés. Presque réconciliés avec Beyrouth.

Hammana Artist House
Samedi 28 juillet, 19 heures.



Pour mémoire

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