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Culture - En librairie

« Moi Adam, héritier d’une histoire muette »

Le dernier roman d’Élias Khoury, paru en arabe en 2016, est maintenant disponible en français aux éditions Actes Sud.

Élias Khoury.

Dans Les Enfants du ghetto, je m’appelle Adam (éditions Actes Sud, traduit par Rania Samara), Élias Khoury mêle fiction et histoire pour rappeler le sort dramatique des Palestiniens restés sur le territoire israélien après 1948.

Dans la lignée de son plus grand succès romanesque, La Porte du soleil, considéré comme le récit emblématique de l’exode des Palestiniens, l’ancien professeur à l’université new-yorkaise de Columbia aborde un autre versant de la Nakba : celui des Palestiniens qui ont refusé de quitter leurs villes au moment de l’occupation et qui sont restés sur leurs terres. Selon le rédacteur en chef de la Revue d’études palestiniennes, « l’histoire de l’expulsion et de la marche de la mort fut contée des dizaines de fois, mais le destin des gens qui sont restés demeure bordé de mystère » ; c’est autour de ce silence que s’articule la démarche de l’écrivain.

Les Enfants du ghetto est constitué d’un foisonnement de récits aux ramifications infinies, où les trames narratives s’enchevêtrent et se font écho « comme si les mots devenaient les miroirs des mots à n’en plus finir », nous donnant à voir l’ampleur du phénomène de dépossession territoriale, culturelle et existentielle de 1948. En parallèle, sous forme de métarécit, est menée une réflexion érudite, truffée de références intertextuelles, sur la dialectique entre parole et silence, le paradoxe de la mémoire qui a besoin de se souvenir pour oublier, et pour finir, le sens de l’histoire.

Le procédé littéraire du « manuscrit trouvé » permet de faire découvrir au lecteur un manuscrit rédigé par un certain Adam Dannoun, vendeur de falafels à New York, qui raconte un des grands mythes de la poésie courtoise arabe : les amours illicites du poète omeyyade Waddah al-Yaman et l’épouse du calife al-Walid. Le narrateur explique par la suite que « c’est une métaphore du silence des victimes palestiniennes. Avec l’histoire d’al-Yaman, je voulais rendre sa noblesse à ce silence ». Mais lorsqu’il découvre qu’il est un enfant trouvé, il abandonne la symbolique de son peuple et décide de rechercher ses racines, qui le ramènent toujours au « ghetto de Lod », où il a passé les premières années de sa vie.

Une carte de la souffrance
Le narrateur se lance dans un vaste travail de recherche de documents, de témoignages, de sensations enfouies, de fantômes du passé, qui ressurgissent et débouchent sur une écriture chorale, esquissant le drame existentiel de ceux qui ont refusé l’exode. C’est par la puissance romanesque d’Élias Khoury, audacieuse et troublante, que se dessine « la carte de la souffrance » de tout un peuple, celle que le narrateur enfant lit sur le visage de sa mère.

« Lod est tombée les 11 et 12 juillet 1948. L’inconcevable était arrivé : un peuple entier massacré, plus de cinquante mille personnes se bousculant dans le convoi de la mort, expulsées par les forces du Palmach qui avaient envahi la ville, des cadavres déchiquetés éclaboussant les murs de la mosquée Dahmach, des lambeaux de chair humaine répandus dans les rues, du bétail en perdition, des mouches qui dévoraient les morts comme les vivants. » Au fil des pages se dessinent les origines des Arabes israéliens, « descendants des petits ghettos où les avait enfermés le nouvel État qui s’était emparé de leur pays et en avait effacé le nom ».

Une diégèse polyphonique fait ressurgir un passé dont les traces écrites sont inexistantes : la sensation du manque d’eau, la sidération face à la violence, l’odeur des cadavres entassés puis brûlés… In fine, comme l’exprime si bien Ma’moun, un personnage-clé du roman, c’est le crime de la parole qui semble être le plus douloureux : « Celui d’imposer le silence au peuple entier. Je parle du silence imposé au vaincu par le vainqueur avec la puissance de la langue de la victime juive qui a régné sur le monde, c’est-à-dire en Occident, après les crimes de la Seconde Guerre mondiale et la barbarie des fours crématoires nazis. Personne n’a entendu les gémissements des Palestiniens qui mouraient en silence et qui étaient expulsés en silence. La littérature est arrivée pour fournir une nouvelle langue à la victime, c’est-à-dire pour annoncer la littérature du silence. »

Les Enfants du ghetto, je m’appelle Adam est le premier tome d’une trilogie dont les deux autres sont à venir.

Dans Les Enfants du ghetto, je m’appelle Adam (éditions Actes Sud, traduit par Rania Samara), Élias Khoury mêle fiction et histoire pour rappeler le sort dramatique des Palestiniens restés sur le territoire israélien après 1948. Dans la lignée de son plus grand succès romanesque, La Porte du soleil, considéré comme le récit emblématique de l’exode des Palestiniens, l’ancien...

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