Rechercher
Rechercher

Culture - Exposition

Kais Salman fait le procès du monde arabe

Aux cimaises de la galerie Ayyam, une douzaine de méga-acryliques sombres, ponctuées de couleurs intenses avec des personnages de guignols.

« Untitled » de Kais Salman, 100 x 100 cm, acrylique sur toile, 2018.

Il a la quarantaine robuste, le profil taillé en molosse, les yeux bridés, la barbe châtain clair en diable et le verbe, exclusivement arabe, volubile. Kais Salman, en jeans et chemise noire baba cool, vient de rentrer de Dubaï. Il donne à voir, à la galerie Ayyam, le dernier cru de sa production picturale sous le titre « Cités ». Des cités bâties à partir d’une multitude de personnages gnomes et difformes, griffus et palmés, avec bouche à la dentition crochue, grande ouverte pour des désirs rapaces et carnivores… Le monde bigarré de la rue est étalé sur des toiles (dont la plus grande est un diptyque de 3 x 1,80 m et la plus petite est de 1 x 1 m) avec des contours de poupées vaudous. Le peintre parle d’une vision virtuelle où les médias abondent en nouvelles surmédiatisées et contradictoires. Des plus noires, sans oublier, comme un trait d’humour macabre, les plus roses…

Dédales d’êtres, de végétation et d’animaux, en architecture tarabiscotée et incohérente, pour parler de la férocité et de la force irrépressible de la vie. Sans aller plus loin, Kais Salman, fils d’une terre d’Orient aujourd’hui déchirée, dépecée et embrasée, sait de quoi il parle. Surtout quand il évoque, à travers cette peinture aux images crûment dénonciatrices, le drame des peuples laissés pour compte, déracinés, dominés par le fanatisme, le terrorisme, l’anarchie, les dictatures, le consumérisme, les guerres absurdes, la pauvreté, le manque, l’analphabétisme, les carnages sans fins…

Exercice d’exorcisme, loin de tout propos lénifiant, à travers un art qui se moque de la chose décorative, douce ou belle au sens conventionnel du terme. Folklore, scènes épiques et mythes soutiennent cette débandade de personnages patibulaires, enchevêtrés et décousus, en un tableau urbain au graphisme singulier, étrange, barbouillé.

Hakawati
Sans nul doute une création picturale particulière mais qui a pour référence Picasso, De Kooning, Bacon, Tamayo et Goya… Un peintre parfaitement « hakawati » (conteuse) dont les vocables-images sont sans concession et ont la teneur et la crudité des histoires primitives. Avec parfois, en un coin oublié de la toile, un brin de poésie insoupçonnée tel ce bout de bonhomme suspendu en l’air comme la silhouette volante au chapeau melon de Folon… Ou cette perle bleue contre le mauvais œil, cette « arguileh » au gargouillis perceptible, ou cette tranche de pastèque verte au cœur rouge avec graines noires qui renvoie aux vendeurs ambulants sur charrette dans les rues grouillantes et poussiéreuses des médinas arabes.
Dans un expressionnisme virulent mais sans dénigrement et aux confins ludiques, qui prête parfois à un sourire de vague amusement tant la tendresse pointe sous les férocités et la rage du pinceau, Kais Salman ramène en pleine lumière et en surface les paradoxes et les failles de l’environnement urbain oriental. Surtout dans la sourde bruyance, les rideaux de poussière, l’infrastructure souvent absente et le chaos des villes surpeuplées.

Dans « Cités », l’artiste fait le procès au monde arabe, sans gant ni ménagement. Avec violence, dissonance, toute notion d’esthétisme ou d’harmonie agréable exclue. Kais Salman nous livre ici une peinture agressive sous de faux couverts de barbotages naïfs ou enfantins...

Galerie Ayyam
Rue Zeitouné
Jusqu’au 30 mai 2018.

Il a la quarantaine robuste, le profil taillé en molosse, les yeux bridés, la barbe châtain clair en diable et le verbe, exclusivement arabe, volubile. Kais Salman, en jeans et chemise noire baba cool, vient de rentrer de Dubaï. Il donne à voir, à la galerie Ayyam, le dernier cru de sa production picturale sous le titre « Cités ». Des cités bâties à partir d’une multitude...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut