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Agenda - Coupe du monde des militaires

Les Black Panthers libanais, grands vainqueurs de la Warrior Competition

En Jordanie, l’équipe des forces spéciales des Forces de sécurité intérieure du Liban a remporté la coupe du monde des militaires : la Warrior Competition. Quarante équipes du monde entier ont participé à cette compétition pendant quatre jours. Reportage.

L’équipe libanaise célébrant sa victoire.

Brandissant la coupe de la victoire, Hassan Hamzeh, chef des Fouhoud es-soud (panthères noires, en arabe) libanais, prend tour à tour ses cinq coéquipiers dans ses bras. « On est devant les plus grandes armées du monde ! » s’écrie-t-il. Devant les responsables militaires jordaniens, les représentants diplomatiques des vingt-cinq pays participant à la compétition et les quarante équipes, les Libanais des forces spéciales des Forces de sécurité intérieure (FSI) savourent leur victoire. Ils sont passés devant l’équipe chinoise, deuxième, et l’équipe américaine, troisième. Sur l’estrade, ils sont rejoints par les trois autres équipes du Liban. Deux de l’armée libanaise, et une de la police, l’IDSF, arrivée quatrième. « Notre drapeau nous colle à la peau, c’est pour ça qu’on a gagné! » se réjouit Hassan Hamzeh, entouré de ses hommes. Ce 7 mai, c’est la consécration de quatre jours de compétition intensive entre les forces spéciales du monde entier. La Warrior Competition fête ses dix ans. Elle a lieu à Kasotc, un camp d’entraînement militaire situé au nord de Amman, à 80 km de la frontière syrienne, et qui s’étend sur 2 500 hectares de désert. Ici, s’entraînent des armées tout au long de l’année. Un endroit chéri par le roi Abdallah II de Jordanie, qui a ouvert ses portes en 2009. L’objectif : s’entraîner et s’unir face au terrorisme.
Les Fouhoud sont une légende dans la compétition. Ce sont les forces spéciales des FSI au Liban. « C’est la huitième fois que nous venons », explique Hassan Hamzeh. En 2016, ils ont déjà remporté la coupe. Alors lorsque le jeune homme se balade dans le QG de Kasotc, il est salué par les militaires du monde entier. Il s’installe à une table du Starbucks de la base militaire, à côté de l’équipe autrichienne des Cobra, « excellente », juge-t-il. L’endroit a quelque chose d’irréel. Tout autour, des compagnies d’armement présentent leur matériel dernier cri pour snipers. La boutique de Kasotc propose tout l’attirail militaire nécessaire : couteaux, casquettes, vêtements de camouflage… C’est le Disneyland des militaires. À trente ans, Hassan Hamzeh est le plus jeune chef de son unité. C’est lui qui a choisi ses sept meilleurs membres, parmi 120. « On a beaucoup travaillé. On s’entraîne pour la compétition depuis quatre mois. Dix heures par jour, cinq jours par semaine. On a tiré des centaines de milliers de cartouches ! » dit-il. Leur mission, au Liban, est de traquer les terroristes.

« Comme une famille »
Onze heures, dernier jour de la compétition. Aujourd’hui, c’est le King’s Challenge. Une épreuve ultime de rapidité, de précision et d’endurance. Il ne reste plus que quinze équipes dans la course. Les Fouhoud sont en première position du classement, donc ils passeront les derniers, à quatorze heures. Ce matin, le bruit circule que les équipes de Jordanie et du Koweït ont été disqualifiées, pour tricherie. La première équipe aurait tenté de recevoir de la seconde des informations sur l’épreuve. « Alors moi, j’ai enfermé mes gars dans la chambre! » s’amuse Hassan Hamzeh, expliquant que son équipe doit terminer dans les sept premiers pour gagner la compétition. Effectivement, l’équipe est au complet dans le dortoir militaire de l’« Accommodation 7 ». Dans ce building dorment les équipes de Grèce, du Portugal, d’Inde, de la République tchèque, de Chine… Il y a de l’ambiance chez les Black Panthers. Des militaires de l’équipe chinoise sont venus échanger leurs badges avec les Libanais. « Ne distribuez pas tous les badges, on n’en a que huit ! » sourit Hassan Hamzeh. Les Chinois se font une place entre les quatre lits superposés de l’équipe pour se prendre en selfie devant un grand drapeau libanais accroché au mur. C’est l’esprit de la compétition : un jeu entre les forces spéciales du monde entier.
Chaque année, les organisateurs changent les scénarios. « C’est comme quand tu prépares un examen à l’université, raconte Hassan. Tu dois être prêt pour tout car tu ne connais pas les questions. » Un jour avant, les équipes connaissent les « grands titres », donnés sur une application désignée pour la Warrior Competition. « Hier, par exemple, poursuit-il, notre mission était d’entrer dans un bâtiment et de tuer trois ennemis. Il fallait qu’on cherche l’otage et qu’on l’apporte jusqu’à la sortie du bâtiment. Tout ce qu’on sait, c’est qu’il y aura des bombes de gaz, donc il faut préparer les masques à gaz. » Selon lui, l’ancienneté de l’équipe n’est pas seule responsable de son succès : « 50 %, c’est le moral. Il faut toujours soutenir l’équipe. Notre force, c’est qu’on travaille comme une famille. Chacun connaît l’autre, chacun comprend l’autre. Beaucoup d’équipes ici travaillent seules, alors que nous, c’est l’esprit d’équipe d’abord. Quand on est dans une mission réelle face à des terroristes, il faut être unis. Le leader ne doit pas être loin des soldats et pas au-dessus d’eux », note-t-il.
Il est 13 heures, Hassan donne les grandes lignes à son équipe avant le départ. Les détails seront découverts sur le terrain. Le briefing se fait sous une tente fermée à l’entrée de Kasotc. C’est là que, depuis sept heures ce matin, toutes les demi-heures, les équipes planifient leur stratégie. Seuls les organisateurs ont le droit d’y assister. Deux Américains, travaillant pour une compagnie privée américaine, accompagnent chaque équipe, l’un compte les points, l’autre veille au respect des règles de sécurité.
Cinq minutes avant le top départ, une organisatrice s’exclame : « Black Panthers, dernière équipe ! » Les membres de l’équipe joignent leurs mains une dernière fois pour s’encourager, et partent au pas de course, tranquillement. « Pas de stress, l’important c’est de terminer », avait prévenu Hassan. Il y a neuf étapes à passer.
La première halte se fait au milieu d’une petite forêt, en haut d’une colline, pour un exercice de tir de précision. Puis direction vers l’épreuve de tir au « fusil et pistolet », un peu plus bas. Pour l’étape suivante, les huit doivent traverser une petite rivière, accrochés à deux gros câbles qui séparent les rives. Un pour les pieds, un pour les mains. Suit une nouvelle épreuve de tir de précision, appelée « le 300 mètres ». Ici, les cibles vertes en plastique et caoutchouc ont la forme d’humains et bougent selon les réglages de la tour de contrôle. Ce sont les terroristes qu’il faut abattre et les balles sont réelles. Il fait une chaleur de plomb, mais pas question de ralentir le pas. L’étape suivante se situe en haut d’une tour. Il faut l’escalader et en redescendre le plus rapidement possible.

Décor hollywoodien
Puis, direction le train après avoir grimpé une montagne, pour tirer à nouveau sur des cibles. L’équipe est essoufflée. « Prends ton temps! » crie Hassan à son coéquipier qui se concentre, fusil à la main. L’ultime étape se situe dans le « village » maquette de Kasotc. C’est ici que sont constitués tous les scénarios de contre-terrorisme. Un immense espace vide, « typique irakien », indique un organisateur, jonché d’immeubles abandonnés. Il y a même de fausses épiceries, un coiffeur et des restaurants, telle une reconstitution hollywoodienne. Ici, le but du jeu est de transporter un faux corps de 80 kilos, tout en tirant sur les terroristes qui surgissent des maisons. L’équipe est soudée et s’entraide pour porter le corps blessé. Un dernier sprint et le King’s Challenge est terminé. Le chrono de l’équipe affiche 1 heure 33 minutes. Plus tôt, les Chinois, classés troisièmes avant la dernière épreuve, ont fait 1 h 18. Le résultat sera serré.
Malgré tout, l’intérêt premier pour les Black Panthers n’est pas de remporter la compétition. Comme dans un festival, les soldats passent quatre jours à se côtoyer. Ils s’observent lors de chaque épreuve et discutent au restaurant, dans les dortoirs, au café. « C’est une immense expérience pour nous, confie Hassan. On voit comment les équipes du monde entier travaillent. » La Warrior Competition est terminée, tout le monde rentre chez soi. Comme s’il avait pressenti la victoire, Hassan avait déclaré avant les résultats : « Le jour où un militaire chinois, à Shanghai ou ailleurs, interrogé par sa femme sur la nationalité des vainqueurs, répondra “un petit pays du Moyen-Orient, qui s’appelle le Liban”, je me dirai que la mission est accomplie. Nous sommes petits géographiquement, mais notre équipe est grande ! C’est joli, n’est-ce pas ? »

Brandissant la coupe de la victoire, Hassan Hamzeh, chef des Fouhoud es-soud (panthères noires, en arabe) libanais, prend tour à tour ses cinq coéquipiers dans ses bras. « On est devant les plus grandes armées du monde ! » s’écrie-t-il. Devant les responsables militaires jordaniens, les représentants diplomatiques des vingt-cinq pays participant à la compétition et les...