Le président cubain Raul Castro et son sucesseur désigné Miguel Diaz-Canel à l’Assemblée nationale hier. AFP/STR
Le numéro deux de l’exécutif cubain Miguel Diaz-Canel a été désigné hier seul candidat pour prendre la suite du président sortant Raul Castro, ouvrant la voie à une succession historique à Cuba.
Sa nomination officielle aux fonctions de président du Conseil d’État et du pays doit être confirmée aujourd’hui après le vote des députés, qui tourneront ainsi la page de six décennies de pouvoir exclusif des frères Castro. Depuis la révolution de 1959, Cuba n’a connu qu’une seule véritable transition à sa tête, en 2006, quand Fidel Castro, en proie à la maladie, a passé le témoin à son frère cadet après plus de 40 ans de pouvoir sans partage.
Raul Castro a engagé une série de réformes autrefois impensables comme l’ouverture de l’économie au petit entrepreneuriat privé et a surtout orchestré un rapprochement spectaculaire avec les États-Unis, l’ancien ennemi de la guerre froide. En 2015, les deux pays ont renoué leurs relations diplomatiques et l’année suivante Barack Obama a effectué une visite historique sur l’île. Mais depuis l’arrivée à la Maison-Blanche du républicain Donald Trump, la normalisation a subi un sérieux coup de frein. Fidel s’est éteint fin 2016 et c’est aujourd’hui au tour de Raul, 86 ans, de céder sa place, cette fois à un représentant de la nouvelle génération. Numéro deux du régime depuis 2013, Miguel Diaz-Canel est un homme du système qui a été préparé à assumer les plus hautes fonctions. Il représente régulièrement son gouvernement à l’occasion de missions à l’étranger et ses apparitions dans les médias sont de plus en plus fréquentes. Avocat du développement d’internet sur l’île, il a su se donner une image de modernité tout en demeurant économe en déclarations. Mais il sait aussi se montrer intransigeant vis-à-vis de la dissidence ou de diplomates trop enclins à critiquer le régime. Une fois sa nomination confirmée, cet ingénieur en électronique né après la révolution devra asseoir son autorité et poursuivre l’indispensable « actualisation » du modèle économique cubain esquissée par le cadet des Castro. Des charges lourdes pour un homme au profil plutôt discret qui a gravi dans l’ombre les échelons du pouvoir et que les Cubains devront apprendre à connaître. « Diaz-Canel parle bien, mais il n’a ni le charisme ni le talent d’orateur de Fidel. (...) C’est difficile de ne pas comparer. (...) Mais ils disent qu’il est bien préparé et il a déjà passé plusieurs années à des postes de responsabilité », explique Yani Pulido, une comptable de 27 ans. « Quoi qu’il arrive, je continuerai à lutter pour la révolution, mais j’avoue que je ne sais rien de Diaz-Canel », admet de son côté Raul Portillo, un gardien d’un entrepôt d’État de 79 ans.
Un cadre du parti comme numéro 2
Pour la première fois depuis des décennies, le président n’aura pas vécu la révolution de 1959, ne portera pas l’uniforme vert olive et ne dirigera pas le Parti communiste cubain (PCC).
Mais il pourra combler ce manque de légitimité grâce à Raul Castro, qui gardera la tête du puissant parti unique jusqu’en 2021. À ce poste, il devra mobiliser la vieille garde des « historiques », perçus pour la plupart comme rétifs aux réformes les plus ambitieuses. M. Diaz-Canel pourra aussi compter sur le soutien de son futur numéro deux, Salvador Valdes Mesa. Ce syndicaliste et cadre de haut rang du parti âgé de 72 ans a été proposé pour assumer le poste de premier vice-président, qu’occupe actuellement l’héritier de Raul Castro.
« Il sera intéressant d’observer si (M. Diaz-Canel) est capable de résister à la pression de cette charge », note Paul Webster Hare, un professeur de relations internationales à Boston (États-Unis) et ex-ambassadeur britannique à Cuba. « Fidel et Raul (...) n’ont jamais eu à justifier leurs positions. Ils avaient mené la révolution et personne ne remettait en cause leur “droit” d’être dirigeants. (Mais) ils n’ont pas créé de modèle démocratique permettant de conduire à un changement, c’est une des principales raisons pour lesquelles Diaz-Canel fait face à une tâche ardue », poursuit-il. Continuité du système oblige, celui-ci n’a jamais présenté de programme, mais il devra tenir compte des « lignes directrices » votées par le parti unique et le Parlement, qui dessinent les orientations politiques et économiques à suivre d’ici à 2030. De l’avis des experts, le futur président sera surtout attendu sur le terrain économique et sur son aptitude à procéder aux réformes nécessaires pour redresser une économie stagnante (1,6 % en 2017) et fortement dépendante des importations et de l’aide de son allié vénézuélien aujourd’hui affaibli.
Source : AFP