Rechercher
Rechercher

Moyen Orient et Monde - Décryptage

La frange extrême de Boko Haram torpille les négociations avec le gouvernement nigérian

Les dissensions au sein du groupe rendent improbable un rapprochement.

Des Nigérians rassemblés après une attaque de Boko Haram à Maiduguri, au nord du pays. Reuters/Ahmad Kingimi

Le Nigeria a vécu une fête de Pâques sanglante. Des attentats commandités par Boko Haram ont frappé le nord du pays ce week-end, ce qui risque de mettre fin aux discussions entamées entre le groupe nigérian islamiste et le gouvernement.
Vendredi 30 mars au soir, quatre jeunes femmes kamikazes âgées de 13 à 18 ans ont tué deux personnes aux abords de la ville de Maiduguri. Deux jours plus tard, le groupe a effectué une incursion dans la ville même : l’attaque a fait au moins 20 morts et 82 blessés. Sept kamikazes se sont fait exploser dans différents quartiers alors que des combattants armés attaquaient la base militaire de la ville. Les combats entre armée et insurgés ont duré une heure selon les habitants et le gouvernement. L’attaque de la ville de Maiduguri est fortement symbolique : elle est le refuge des populations déplacées par les violences du groupe islamiste et abrite plus de la moitié des réfugiés. Régulièrement cible d’attentats et de tentatives d’incursion, la ville était pourtant protégée par des barricades que les combattants ont escaladées.

Ces événements risquent de mettre fin au processus de rapprochement entamé entre une faction du mouvement jihadiste et le gouvernement nigérian. Dimanche dernier, Lai Mohammad, ministre de l’Information nigérian, a évoqué dans un communiqué à Reuters des discussions en cours avec la branche de Boko Haram dirigée par Abou Mossab el-Barnaoui visant « une cessation des hostilités ». Ces échanges discrets auraient été entamés en vue d’un éventuel cessez-le-feu. Le président du Nigeria, Muhammadu Buhari, a été élu en 2015 sur la promesse de mettre fin à l’insurrection qui ravage le nord du pays et mène actuellement une offensive militaire de grande ampleur contre Boko Haram.

L’annonce de ces négociations est liée au kidnapping puis à la libération de 105 jeunes filles sur les 110 enlevées, à Dapchi, dans le Nord. Les 5 jeunes filles disparues seraient mortes dans le convoi. 50 soldats armés ont déposé les otages sur la route, avec pour seul message : « Ne remettez jamais vos filles à l’école. »


(Lire aussi : Boko Haram : weekend de Pâques sanglant dans le nord-est du Nigeria)


Le gouvernement nie avoir payé de rançon ou procédé à un échange de prisonniers, mais parle des « efforts » qu’il a déployés et de « l’aide de pays amis » qui auraient permis le retour des filles. L’État annonce qu’il aurait seulement accepté un retrait des opérations militaires pendant deux heures pour permettre le retour des écolières. Il avait pourtant libéré des prisonniers du groupe et versé des rançons pour obtenir la libération d’une centaine des 276 lycéennes enlevées à Chibok, dont cent sont toujours portées disparues.

Les négociations de paix sont sérieusement compliquées par la fragmentation du mouvement Boko Haram en branches distinctes. Depuis 2016, les dissensions militaires internes se sont multipliées et Abou Mossab el-Barnaoui a fait sécession d’Abubakar Shekau, le chef de la province Afrique de l’Ouest de l’État islamique. Il a créé son propre groupe, reconnu par l’EI. Il critique l’utilisation de jeunes filles kidnappées en tant que bombes humaines et dénonce les attentats dans les mosquées ainsi que les meurtres de civils musulmans. « Le mouvement d’el-Barnaoui est le premier à avoir une dimension de gouvernance sur les populations locales, très différente de la politique de Shekau », explique à L’Orient-Le Jour Lauren Ploch Blanchard, analyste américaine spécialiste des affaires africaines.

Les discussions entreprises avec le gouvernement nigérian concernent cette faction, mais n’engagent pas les deux partis. Le défi pour les autorités nigérianes est d’étendre les discussions à la faction de Shekau. L’utilisation de kamikazes, surtout des jeunes filles, est une marque de sa faction : il est à l’origine des attaques particulièrement meurtrières de ce week-end, puisqu’un accord de paix ne serait pas dans son intérêt. 

« L’affiliation du groupe Boko Haram à l’EI et el-Qaëda au Maghreb islamique (AQMI) dans le Sahel est très importante, bien trop pour envisager un quelconque rapprochement avec le gouvernement nigérian. Boko Haram aurait finalement trop à y perdre », estime Lauren Ploch Blanchard.



Pour mémoire

Nigeria: un incendie tue cinq personnes dans un camp de déplacés de Boko Haram

Nigeria : Dapchi toujours dans l'attente du retour de la dernière écolière enlevée

Nigeria : les écolières libérées par Boko Haram reçues par le président Buhari

Enlèvement des élèves de Dapchi: l'armée nigériane n'a pas réagi à temps, selon Amnesty

Conflit pastoral : un couvre-feu imposé dans le centre du Nigeria

Le Nigeria a vécu une fête de Pâques sanglante. Des attentats commandités par Boko Haram ont frappé le nord du pays ce week-end, ce qui risque de mettre fin aux discussions entamées entre le groupe nigérian islamiste et le gouvernement. Vendredi 30 mars au soir, quatre jeunes femmes kamikazes âgées de 13 à 18 ans ont tué deux personnes aux abords de la ville de Maiduguri. Deux jours...

commentaires (1)

"La frange extrême de Boko Haram". il existerait donc une "frange modérée" chez Boko Haram?

Yves Prevost

07 h 11, le 04 avril 2018

Tous les commentaires

Commentaires (1)

  • "La frange extrême de Boko Haram". il existerait donc une "frange modérée" chez Boko Haram?

    Yves Prevost

    07 h 11, le 04 avril 2018

Retour en haut