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Liban - Administration

Indépendance de la justice : une réforme de fond en comble

L’Agenda légal propose un avant-projet de loi défini avec l’appui de magistrats, d’universitaires et d’une trentaine d’ONG.

Nizar Saghiyé entouré des représentants de la coalition civile lors de la conférence de presse.

La question de la mainmise du pouvoir politique sur la justice est revenue hier en force avec le lancement, par L’Agenda légal, une fondation qui ambitionne de réformer le système judiciaire, d’un avant-projet de loi destiné à renforcer l’indépendance de la justice et sa transparence.
L’annonce de ce projet est survenue alors que les juges poursuivaient leur mouvement de grève enclenché depuis quelques semaines pour protester contre un projet de suppression de la Caisse de solidarité des magistrats, mais aussi pour une plus grande indépendance de la magistrature.
« Il s’agit du mouvement de contestation le plus important, depuis la fin de la guerre civile, contre ce que les juges considèrent désormais comme une mainmise des pouvoirs politiques sur la justice », a dit l’avocat et fondateur de L’Agenda légal, Nizar Saghiyé, lors de la présentation du projet.
Annoncé lors d’une conférence de presse tenue dans les locaux de la fondation en présence de plusieurs représentants de la société civile, le projet est le fruit de plusieurs années de recherches approfondies, effectuées par une équipe de juristes chevronnés et avec la participation de personnalités académiques et de plusieurs magistrats qui ont été consultés tout au long de l’étude. Ont été également sollicités les partis politiques qui ont partagé leur avis sur ce projet d’avenir, qui constitue un tournant majeur dans l’histoire de la justice libanaise et son rapport au pouvoir politique.
« Cette initiative est venue répondre à une requête formulée en 2017 par 352 magistrats qui ont unanimement réclamé, dans une pétition, un projet de loi garantissant leur indépendance », déclare M. Saghiyé à L’OLJ.
Soutenu par la « coalition civile » qui regroupe une trentaine d’ONG acquises à l’idée, le projet survient à moins d’un mois et demi des législatives, une opportunité qu’entend saisir L’Agenda Légal « dans l’espoir de voir le thème de l’indépendance figurer sur l’agenda des candidats qui mènent campagne ».
Conscients que le cheminement à faire est encore « long et truffé d’embûches » pour pouvoir faire adopter cet avant-projet de loi par le prochain Parlement, ses auteurs n’en démordent pas moins et restent confiants de l’impact qu’il pourra avoir en instituant notamment une nouvelle culture pour contrer le processus de « normalisation avec les pratiques d’ingérence » dans le domaine judiciaire, des pratiques qui ont fini par se banaliser.
Pour l’adoption de son projet, L’Agenda légal table notamment sur les « blocs parlementaires marginalisés, qui n’ont pas une emprise sur le pouvoir en place et qui trouvent leur intérêt dans un discours réformiste qu’ils voudraient voir toutefois traduit en acte », souligne M. Saghiyé.

Une dynamique participative
Pour les auteurs du projet, l’appui des diverses composantes de la « coalition civile » est d’autant plus important qu’il permet d’extraire la justice de son isolement pour la réinsérer dans le contexte plus large de la société dont elle est issue et qu’elle est censée servir.
D’où l’implication des diverses composantes de la société civile, d’universitaires, mais aussi de juges « qui doivent être partie prenante de ce chantier de réforme s’ils tiennent à le faire aboutir ». Autant d’acteurs déterminés à défendre la justice, qui, « aujourd’hui, a besoin plus que jamais d’être immunisée », comme le souligne l’avocat. Le processus préconisé vise en premier et dernier lieu à « faire cesser la culture de l’ingérence politique ».
Tablant sur les standards internationaux en matière d’indépendance de la justice, les auteurs se sont en outre inspirés des expériences européennes et arabes (les expériences de réformes marocaines et tunisiennes après 2011), pour proposer les solutions adéquates et pallier les dysfonctionnements du système judiciaire libanais.
Parmi les objectifs visés, le renforcement de l’indépendance des organismes de régulation, comme le Conseil supérieur de la magistrature (CSM), l’Inspection judiciaire et l’Institut des études judiciaires. Le document propose notamment l’élection de la majorité des membres du CSM par les juges, tous degrés confondus. Actuellement, trois membres sur dix sont désignés par décret en Conseil des ministres, cinq autres sur proposition du ministre de la Justice. Seuls deux membres sont élus, exclusivement par les membres de la Cour de cassation. L’Agenda légal a prévu en outre l’intégration d’avocats et de professeurs universitaires au CSM de sorte à ce que cette instance ne reste pas formée uniquement de magistrats. Les auteurs du projet préconisent également le renforcement de l’indépendance du juge qui doit pouvoir jouir de certaines garanties, telles que l’interdiction de son transfert sans son consentement (principe d’inamovibilité) ou sa désignation sur la base de ses compétences plutôt que de son sexe ou de son allégeance communautaire. Il doit également pouvoir jouir de la liberté d’expression et d’association.
S’il peut compter sur une consolidation de ses droits et sur une protection de son indépendance, le juge doit également rendre compte de ses actes, de sorte à protéger les intérêts des justiciables. D’où le besoin de renforcer le rôle de l’Inspection judiciaire, aujourd’hui neutralisé par les ingérences politiques.

La question de la mainmise du pouvoir politique sur la justice est revenue hier en force avec le lancement, par L’Agenda légal, une fondation qui ambitionne de réformer le système judiciaire, d’un avant-projet de loi destiné à renforcer l’indépendance de la justice et sa transparence. L’annonce de ce projet est survenue alors que les juges poursuivaient leur mouvement de grève...

commentaires (2)

IL EN FAUT BEAUCOUP, ENORMEMENT BEAUCOUP DE CHEMIN ENCORE !

LA LIBRE EXPRESSION

16 h 31, le 30 mars 2018

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Commentaires (2)

  • IL EN FAUT BEAUCOUP, ENORMEMENT BEAUCOUP DE CHEMIN ENCORE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    16 h 31, le 30 mars 2018

  • DEUX , zero pour le pouvoir , ESPERONS LE !

    Gaby SIOUFI

    11 h 28, le 30 mars 2018

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