To Gucci or not to Gucci

Pour sa nouvelle collection chez Gucci, Alessandro Michele a livré lors de la Semaine de la mode de Milan un automne-hiver 2018-2019 aussi sublime que totalement ébouriffant. Le vert et le rouge, couleurs emblématiques de la marque, s’étaient décalés vers une autre forme de bling-bling, donnant cette fois dans le fantastique entre un espace d’exposition transformé en bloc opératoire futuriste, transposé dans le Moyen-Âge par la bande son, un Stabat Mater, le tout mixé pour poser l’ambiance à la fois drôle, opulente et mondialiste d’une collection où toutes les hybridations sont permises. Les couvre-chefs jouaient les contrepoints, notamment le foulard, islamique si l’on veut, attaché devant à la manière des babouchkas mitteleuropéennes ou roulé en turban façon sultane, maharané ou star des années 50 à 70. Le couvre-chef n’étant pas tout, dans cette profusion de velours Renaissance se mêlaient une esthétique shakespearienne et des flashes de Game of Thrones. Certains mannequins portaient sous le bras des répliques de leur propre tête, comme Hamlet le crâne de Yorick. D’autres présentaient leur caméléon ou dragon de compagnie, ou encore le célèbre serpent Gucci noir-blanc-rouge le tout moulé dans du latex. Cette inspiration qui semblait aller dans tous les sens, piochant dans le vestiaire de la working class américaine du milieu du XXe siècle, collant au hasard le logo NY de l’équipe de base-ball des Yankees, empruntant ses brandebourgs à une noble Chinoise, ses velours à un modèle préraphaélite, sa veste en tweed à Coco Chanel, ratissait plus large que large, offrant une vision presque exhaustive de tout ce que l’histoire de la mode a à offrir de plus précieux, et collant ici ou là un troisième œil pour transporter tout ce joyeux chaos dans un futur ésotérique, rappelant au passage que ce temps, c’est ici et maintenant. Déroutant, mais réjouissant.