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Lifestyle - Rencontre

Misbah Ahdab, version crooner

En participant à l’émission « Celebrity Duets » où il a dévoilé sa palette vocale impressionnante, l’ex-député de Tripoli a provoqué une belle petite révolution en envoyant valser l’image normée du politicien libanais.

Photo G.K

Au commencement fut ce Misbah qui en arabe signifie lanterne, s’il en est. Tout le reste, tout ce qui en découle, n’est que résonance patronymique. Sa silhouette de bel enténébré éclairant un Liban crépusculaire, « au risque de passer pour un idéaliste délirant, oui, je crois à ce pays ». Son aplomb lunaire de marathonien qui accroche des flambeaux d’espoir dans le ciel souvent cauchemardeux de Tripoli, « à laquelle je voudrais rendre ses lettres de noblesse, à une époque où la ville se radicalise démesurément ». Son sourire qu’escamotent deux fossettes laconiques quand l’empoigne sa réserve à laquelle il concède sans embarras : « Je vis entouré des miens, en marge de la vie sociale. » Et puis sa voix douce et dissimulée, ravinée comme les ruelles de la Mina tripolitaine, qui parfois se perd dans les graves, mais n’hésite pas à se déchirer la parure quand il s’agit de mettre le feu à toutes les langues de bois : « Ils ont tout fait pour me vider du contenu que je représente. »

Mina et Peppino Di Capri
Mais aujourd’hui, si Misbah Ahdab se fait grimpeur d’octaves, c’est à l’écart de la politique, dans le cadre de l’émission Celebrity Duets de la MTV de laquelle il s’est retiré dimanche dernier au profit du reste des candidats en compétition « dont l’art est la profession, contrairement à moi », tranche-t-il. Au cours d’une enfance dans la capitale du Liban-Nord, la musique éclaire la maison familiale des Ahdab. « Nous sortions peu à l’époque. Ma grand-mère m’a initié à l’opéra qu’elle adorait, et j’écoutais aussi les 78 tours de Maria Chiara que possédait ma mère », se souvient l’ex-député qui entre en toute ingénuité dans ce monde à rêve illimité et évolue à son aise dans cet univers dont il se bricole dès lors des figures de référence. Il avoue avoir d’abord admiré, à la faveur de voyages en Italie, la chanteuse Mina dont il fredonne illico quelques notes d’Ancora, ancora, ancora. Mais sans doute l’a-t-on plutôt fantasmé en crooner à la séduction gominée façon Sinatra qu’en ténor écorché à la Peppino Di Capri. Jamais, cependant, il n’envisage l’idée d’être chanteur, « comme un métier, comme un avenir », préférant faire ses classes d’économie à la London School of Economics puis celles de gestion à la European Business School Paris.

La cuisine, les plantes et la musique
Ni plan de carrière ni plan sur la comète donc : « D’ailleurs, on trouvait que je chantais faux comparé à ma sœur que j’essayais d’imiter », rie-t-il. Juste une évidence qui s’impose à mesure qu’il prend conscience « que je peux dire les choses en chanson, à ma manière ». Cela dit, pendant longtemps, Misbah Ahdab gardait sa voix sous éteignoir et réservait ses vocalises de jongleur de notes à ses proches et amis qu’il reçoit avec plaisir dans l’intimité ensoleillée de sa maison de Tripoli et dont il régale les papilles avec des plats qu’il se plaît lui-même à mitonner et réinventer. Il aime les plantes qui, selon lui, « garantissent d’être heureux pour pas cher », le poisson qu’on part attraper dans le port de Tripoli, les produits glanés au marché et les dindes qu’il fait patiemment rôtir derrière ses fourneaux, entre un air d’Aznavour et un refrain emprunté à Nina Simone. « Je démarre toujours avec ce que je trouve dans le frigo. Je suis expérimental, pourquoi pas un “chich barak” avec de la tomate au lieu du yaourt, par exemple ? » dit ce gourmand des petites choses de la vie qui se raconte aisément, sans jamais se planquer derrière les lourdes tentures du mystère, de la distance et autres falbalas des « zaïms » tels que les croque l’imaginaire collectif local.

Aucune honte
Fort de sa capacité à affoler les conventions et de son courage à renverser les tables où ronronnent les préjugés, le politicien apparaissait donc il y a quelques mois en tant que candidat de Celebrity Duets. Expliquant et nuançant sa décision qui a mis du temps à gommer les réticences du départ, il dit : « Nous y avons longtemps réfléchi en famille, comme pour toute autre décision d’ailleurs, avec ma femme et mes enfants. Mon but n’était pas de devenir ou prétendre être chanteur. L’idée était de trouver un moyen de m’exprimer et surtout de démentir les images fictives qui circulent à propos de Tripoli à cause de la vague d’extrémistes. » De semaine en semaine, en plus d’égrener des « duos marquants » à travers lesquels se sont dévoilées toutes les saveurs de sa voix de feu follet déclinée en plusieurs langues, en plus de se plier « sans complexes et sans problèmes » aux remarques d’un jury constitué de Simon Asmar, Mona Abou Hamzé et Oussama Rahbani, « car un bon politicien est avant tout une bonne caisse de résonance des critiques de professionnels » résume-t-il, puis au vote du public – « c’est l’essence de la démocratie ! » –, en plus de s’être employé à rectifier l’image erronée qui circule à propos de sa ville chérie, Misbah Ahdab a surtout présenté la particularité d’être pluriel, dépoussiérant pour notre grand bonheur la représentation codifiée de l’homme politique local. À ceux qui ont ironisé sur ses essais au chant, qui ont même avancé qu’il est honteux qu’un politicien s’aventure dans ce domaine, Misbah Ahdab a répondu, le jour où il a décidé de se retirer du jeu : « Il n’y a aucune honte à chanter. Je n’aurais honte que si j’avais du sang plein les mains, si j’avais malmené et volé le peuple. » À bon(s) entendeur(s) salut !



Au commencement fut ce Misbah qui en arabe signifie lanterne, s’il en est. Tout le reste, tout ce qui en découle, n’est que résonance patronymique. Sa silhouette de bel enténébré éclairant un Liban crépusculaire, « au risque de passer pour un idéaliste délirant, oui, je crois à ce pays ». Son aplomb lunaire de marathonien qui accroche des flambeaux d’espoir dans le...

commentaires (1)

Cher Misbah, C'est avec des politiciens comme vous, jeunes, cultives, l'esprit ouvert et sans complexes que l'espoir demeure. Celui de leguer a nos enfants un Liban de paix, de culture et ou il fait bon vivre et travailler. Bon courage pour les prochaines elections, car la belle ville de Tripoli a besoin de gens comme vous pour la remettre d'aplomb, et ce sera un exemple pour le reste du pays. Mon souhait est que vous accediez a un poste plus important que depute afin que vous puissiez mettre en oeuvre des plans qui seront utiles pour tout le pays. Et surtout, n'arretez pas de chanter... Bon vent!

Georges Breidy

14 h 58, le 12 février 2018

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Commentaires (1)

  • Cher Misbah, C'est avec des politiciens comme vous, jeunes, cultives, l'esprit ouvert et sans complexes que l'espoir demeure. Celui de leguer a nos enfants un Liban de paix, de culture et ou il fait bon vivre et travailler. Bon courage pour les prochaines elections, car la belle ville de Tripoli a besoin de gens comme vous pour la remettre d'aplomb, et ce sera un exemple pour le reste du pays. Mon souhait est que vous accediez a un poste plus important que depute afin que vous puissiez mettre en oeuvre des plans qui seront utiles pour tout le pays. Et surtout, n'arretez pas de chanter... Bon vent!

    Georges Breidy

    14 h 58, le 12 février 2018

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