Rechercher
Rechercher

Idées - Point de vue

Comment Trump peut-il prouver sa santé mentale ?

Donald Trump, en campagne à Fresno (Californie) en mai 2016. Jonathan Ernst / Reuters.

Depuis que Donald Trump a accédé la présidence des États-Unis il y a un an, les doutes sur sa stabilité et sa santé mentale ont augmenté. Avec la sortie récente du livre de Michael Wolff, Fire and Fury: Inside the Trump White House, qui prétend offrir un regard en arrière sur l'administration dysfonctionnelle du président, ces doutes semblent urgemment avoir pris une nouvelle importance. Mais, à part prétendre sur Twitter qu'il est un « génie très stable », qu'est-ce que Trump pourrait réellement faire pour prouver qu'il est psychologiquement apte à exercer ce qui, selon certaines définitions, est la plus haute fonction du monde ?

Il n'y a pas de test physique clair pour la maladie mentale. Même si Trump était soumis à une batterie de tests sanguins et de scintigraphies cérébrales, les résultats ne prouveraient probablement rien. La grande majorité des personnes atteintes de psychose auraient des résultats normaux. De même, un test anormal n'implique pas nécessairement une capacité mentale altérée : une personne peut conserver son intelligence, même après avoir perdu une quantité significative de son cerveau. Par exemple, une étude récente a montré que sur 54 enfants ayant subi une hémisphérectomie – où la moitié du cerveau leur a été enlevée pour traiter une épilepsie sévère et intraitable – 50 ont montré une capacité intellectuelle identique ou même améliorée. Donc, même si Trump n'avait littéralement que la moitié d'un cerveau, cela ne prouverait en rien qu'il est atteint de maladie mentale.

Une autre approche pour déterminer la santé mentale de Trump serait d'avoir recours à des psychiatres pour l'examiner et partager leurs conclusions. Mais, aussi impartiaux que soient les psychiatres, ces évaluations seraient finalement subjectives. Comme tout juge ou avocat pénal peut en attester, pour tout expert psychologique produit par la défense dans une affaire judiciaire, le parquet peut en produire un pour développer la thèse inverse. Prenons le cas d'Anders Breivik, qui a tué 77 personnes en Norvège en 2011. Lors de son procès, deux équipes de psychiatres nommés par le tribunal se sont disputés pour savoir s'il était fou. Si les psychiatres n'arrivent pas à se mettre d'accord pour savoir si un tueur de masse est fou, quel espoir il y a-t-il de pouvoir les mettre d'accord sur Trump ?

 

(Lire aussi : Reconnaître un rhinocéros ou dessiner un cube : Et si vous passiez le test auquel a été soumis Trump)

 

Défense mal avisée
De toute façon, Trump ne semble aucunement décidé à faire appel à des experts. Il a plutôt choisi de poursuivre sa stratégie – mal avisée, d'un point de vue psychiatrique – de réfutation des questions sur sa santé mentale. L'une des défenses de Trump est qu'il est très intelligent – ou, comme il l'a dit récemment sur Twitter, « du genre, vraiment intelligent ». Mais, même s'il était vrai, cela ne prouverait rien : beaucoup de gens très intelligents souffrent de maladie mentale. En fait, des études ont montré que les populations des pays où le QI moyen est le plus élevé souffrent de taux de suicide plus élevés. Et les taux de suicide dans les prestigieuses universités d'Oxford et de Cambridge sont en ligne avec les taux de suicide moyens des personnes en âge d'être inscrits à l'université, soulignant à nouveau qu'être intelligent – voire intelligent et privilégié – n'immunise pas une personne contre la maladie mentale.

Trump prétend également qu'il a trop de succès pour être malade mentalement. Mais le succès de Howard Hughes en tant que producteur de films et propriétaire d'avions a fait de lui l'un des Américains les plus riches de la première moitié du XXe siècle. Il a également établi plusieurs records mondiaux de vitesse. Pourtant, il était atteint d'un grave trouble obsessionnel-compulsif et mourut souffrant de malnutrition extrême et de toxicomanie. De même, John Paul Getty, l'industriel américain le plus riche du monde à son époque, était tellement obsédé et paranoïaque que, lorsque son petit-fils a été kidnappé, il a continué à négocier le montant de la demande de rançon, même après que les ravisseurs lui aient envoyé une mèche des cheveux de son petit-fils et l'une de ses oreilles.

Le troisième moyen de défense de Trump est de retourner les allégations sur sa santé mentale contre ses accusateurs et ses opposants politiques. Cette tactique n'est pas nouvelle. En Union soviétique, les dissidents politiques étaient envoyés en soins psychiatriques, précisément pour les discréditer. La Russie s'est d'ailleurs retirée de la l'Association mondiale de psychiatrie pendant la plus grande partie des années 1980, afin d'éviter d'être expulsée pour de telles pratiques.

Les leçons de l'expérience Rosenhan
Comme l'a démontré une expérience menée par David Rosenhan de l'Université de Stanford dans les années 1970, une étiquette de maladie mentale peut être difficile à éliminer. Des volontaires sains ont inventé une hallucination, afin de savoir si le système psychiatrique pouvait distinguer une véritable maladie mentale. Les volontaires ont fini par être admis dans des institutions psychiatriques, où ils se comportaient normalement et ne présentaient aucun symptôme. Mais, avec l'étiquette psychotique déjà apposée sur leurs dossiers, tout ce qu'ils faisaient était supposé être un symptôme de leur folie. Au mieux, ils étaient déclarés «en rémission». L'expérience de Rosenhan suggère que les questions sur la santé mentale de Trump pourraient ne jamais disparaître, peu importe les mesures qu'il prend pour changer la conviction de ses détracteurs. Même s'il arrête de fulminer sur Twitter ou de prononcer des phrases alambiquées et incohérentes, il sera au mieux considéré comme «en rémission».

Les psychiatres modernes diraient qu'ils ont tiré les leçons de l'expérience de Rosenhan, et font maintenant des diagnostics beaucoup plus prudents et rigoureux. Pourtant, les utilisations politiques irresponsables de la médecine psychiatrique abondent encore. Pour ne citer qu'un exemple, le gouvernement britannique a récemment tenté de recruter des professionnels de la santé mentale du National Health Service pour signaler les personnes suspectées d'être psychiquement vulnérables à l'idéologie extrémiste.

Dans l'expérience originale de Rosenhan, les seules personnes à avoir reconnu de manière fiable que les « patients imposteurs » étaient, en fait, mentalement en bonne santé, avaient été leurs compagnons de soins. Suivant cette logique, nous demandons peut-être aux mauvaises personnes d'évaluer la santé mentale de Trump. En tout cas, si les détracteurs de Trump espèrent le chasser de ses fonctions, ils auront besoin de bien autre chose que d'une psychiatrie en chambre.

© Project Syndicate, 2018.


Raj Persaud et Peter Bruggen sont des psychiatres basés à Londres.

Depuis que Donald Trump a accédé la présidence des États-Unis il y a un an, les doutes sur sa stabilité et sa santé mentale ont augmenté. Avec la sortie récente du livre de Michael Wolff, Fire and Fury: Inside the Trump White House, qui prétend offrir un regard en arrière sur l'administration dysfonctionnelle du président, ces doutes semblent urgemment avoir pris une nouvelle...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut