Le tweet lancé il y a quelques jours par le président du Rassemblement de Saydet el-Jabal, Farès Souhaid, et considéré par le Hezbollah comme un blasphème du nom de Dieu a nourri hier une nouvelle polémique autour du climat « policier » qui sévit depuis quelque temps au Liban.
À l'origine de l'incident, « une faute de frappe » qui a donné aux propos de l'auteur le sens d'une insulte faite au parti chiite.
Dans son commentaire quotidien de l'actualité politique sur Twitter, M. Souhaid affirme avoir omis par inadvertance la première lettre du nom du Hezbollah, défigurant ainsi le nom du parti chiite qui y a vu une insulte faite à Dieu et au parti. Dès qu'il s'en est rendu compte, M. Souhaid a immédiatement présenté ses excuses à la base populaire du Hezbollah, assurant que tout en étant opposé à la ligne politique du parti, il ne se permettrait jamais de lui manquer de respect de la sorte. Mais en dépit des excuses de Farès Souhaid, Wafic Safa, le responsable du service sécuritaire du parti, est entré en contact mercredi avec le ministre de la Justice, Salim Jreissati, pour lui demander de prendre les mesures adéquates au sujet du tweet de M. Souhaid, dans la mesure où il comportait, selon le responsable du Hezbollah, une « injure » à son parti.
C'est sur son compte WhatsApp que M. Souhaid a reçu hier le texte de la notification présentée au parquet, non pas par le Hezbollah comme nous l'assure une source proche du parti, mais par un avocat stagiaire, Kassem Dika. Dans sa notification, M. Dika pointe une infraction au code pénal sur base des articles 209, 473 et 317. Ce dernier article précise que tout écrit ou discours comportant une attaque interconfessionnelle est passible d'un an à trois ans de prison, l'article 473 prévoyant par ailleurs un emprisonnement d'un mois à un an pour « quiconque blasphémera publiquement le nom de Dieu ». Le procureur près la Cour de cassation, le juge Samir Hammoud, a déféré le dossier devant le parquet du Mont-Liban.
M. Souhaid pourrait donc être poursuivi, à moins que le juge ne décide de prendre en compte l'argument de faute de frappe avancé par l'ancien député et les excuses qui ont suivi. « L'affaire devrait en principe en rester là, puisque M. Souhaid n'a de toute évidence pas agi intentionnellement et qu'il a présenté publiquement ses excuses », confie une source judiciaire proche du dossier.
« Sept heures »
Interrogé, un responsable du Hezbollah va dans le même sens, estimant que les excuses présentées par M. Souhaid ont été prises en compte par le parti.
« Le ministre de la Justice a appelé M. Safa pour l'en informer », ajoute le responsable qui dit toutefois ne pas être convaincu qu'il s'agit d'une erreur. « M. Souhaid a tout de même attendu sept heures avant de faire des excuses », souligne le responsable. Dans les milieux du Hezbollah, on persiste et signe toutefois que « le parti n'a pas présenté de plainte » et que l'avocat qui s'en est chargé n'est « probablement pas membre du parti ».
Ce n'est pas la conviction de M. Souhaid qui, dans un entretien à L'OLJ, se dit « certain » que Kassem Dika a servi d'interface au Hezbollah, « qui ne veut pas assumer directement les conséquences d'une telle initiative ». Preuve en est, soutient M. Souhaid, le fait que M. Safa, un homme de sécurité au sein du parti, a appelé le ministre de la Justice pour lui demander de saisir la justice. « Si M. Safa ne voulait pas que cela se sache, il n'aurait pas transmis l'information aux médias qui ont fait état de l'échange entre les deux hommes », précise encore M. Souhaid.
L'ancien député se dit d'ailleurs prêt à comparaître devant le juge une fois qu'il sera appelé. « Sauf que je n'irai pas seul, mais avec beaucoup de gens qui viendront manifester devant le Palais de justice pour dénoncer le glissement perpétuel de l'État vers un État policier », confie-t-il. Et de conclure en se disant « surpris qu'un parti de l'envergure du Hezbollah qui gouverne quatre capitales arabes puisse être intimidé par un tweet ».
Prié de commenter les développements de cette affaire, le directeur exécutif de la Fondation Samir Kassir (SKeyes), Ayman Mhanna, a appelé « au respect de la présomption d'innocence ». « C'est au Hezbollah de prouver la mauvaise foi présumée de M. Souhaid », dit-il. « Cette affaire montre cependant la nécessité de prendre garde et de faire attention lorsqu'on utilise les réseaux sociaux », conclut M. Mhanna.
Pour mémoire
À l'origine de l'incident, « une faute de frappe » qui a donné aux propos de l'auteur le sens d'une...
commentaires (8)
Tout cet article pour ça... Génial
Chady
10 h 15, le 09 décembre 2017