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Moyen Orient et Monde - Reportage

À la frontière saoudienne, la guerre au Yémen déborde

Des gardes saoudiens à la frontière avec le Yémen, le 3 octobre. Fayez Nureldine/AFP

Dans un village saoudien déserté à la frontière avec le Yémen, des masques à gaz parsèment le sol d'un avant-poste militaire criblé de balles. Depuis que Riyad intervient militairement au Yémen en soutien aux forces gouvernementales, de nombreuses bases saoudiennes comme celle d'al-Khubah – à un millier de kilomètres au sud-ouest de la capitale – sont régulièrement la cible de raids menés par les rebelles yéménites houthis. Les incursions terrestres éclairs et les tirs de roquettes, sans compromettre la capacité de l'Arabie saoudite à maintenir le contrôle sur sa frontière, mettent en évidence la difficulté pour Riyad de contenir le conflit qui ravage le pays voisin.

« Ils ont pensé que nous battrions en retraite », affirme le colonel saoudien Mohammad al-Hamid, en se référant aux houthis. « Mais nous contrôlons toujours la situation », dit ce commandant des gardes-frontières, lors d'une rare visite organisée pour des journalistes de l'AFP dans cette zone proche du Yémen. Un chat sauvage rôde derrière un tas de gravats et de meubles détruits dans cet avant-poste. Des éclats d'obus sur les murs témoignent de la violence des combats. Des masques à gaz avaient été stockés ici contre une possible attaque chimique, explique le colonel Hamid. Les houthis, fins connaisseurs de la topographie de la région, ont mené nombre d'attaques transfrontalières en représailles aux frappes aériennes saoudiennes contre leurs fiefs au Yémen.

« Menteurs, menteurs, menteurs »

Ces rebelles, alliés aux partisans de l'ex-président yéménite Ali Abdallah Saleh et accusés d'être soutenus par l'Iran, se sont emparés de la capitale Sanaa en septembre 2014, ainsi que de larges pans de territoire. L'Arabie saoudite, à la tête d'une coalition militaire arabe, les combat depuis mars 2015, en soutien aux forces du président Abd Rabbo Mansour Hadi. Mais plus de deux ans et demi plus tard, le royaume, qui espérait une victoire rapide contre ce qu'il estimait être une forme d'expansionnisme iranien dans son arrière-cour, n'a pas réussi à chasser les houthis de Sanaa et peine à s'extirper du bourbier yéménite.
« Il est incroyablement difficile (pour les Saoudiens) d'empêcher les infiltrations yéménites », indique Lori Boghardt, du Washington Institute for Near East Policy. « Les Saoudiens tentent non seulement de protéger les civils et les infrastructures des dizaines de milliers de projectiles et missiles balistiques tirés au-dessus de la frontière (...) mais aussi de sécuriser l'intégrité territoriale du royaume », ajoute-t-elle. Sur les réseaux sociaux, les rebelles publient des vidéos qui montrent, selon eux, leurs incursions en territoire saoudien, notamment à al-Khubah où l'on voit des gardes-frontières battre en retraite. « Les houthis sont des menteurs, menteurs, menteurs ! » s'emporte le colonel Hamid.

L'Arabie saoudite ne révèle officiellement pas les pertes militaires mais les médias d'État font souvent état de funérailles de soldats « martyrs ». Selon des chiffres non officiels, les attaques des houthis ont tué au moins 140 soldats et civils en Arabie saoudite depuis mars 2015. Compte tenu de la supériorité militaire saoudienne, notamment grâce à son aviation, les houthis auraient du mal à s'emparer d'un quelconque territoire. Mais « la définition d'une victoire militaire pour des rebelles disposant de peu de ressources est considérablement différente de celle des Saoudiens », estime Adam Baron, expert du Yémen au European Council on Foreign Relations. « Les incursions des houthis sont une manière de dire à leurs partisans : "Regardez, nous faisons reculer le puissant ennemi, nous envahissons son territoire" », dit-il.


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