Rechercher
Rechercher

Culture - Exposition

Peut-on continuer à vivre et pardonner 17 000 fois?

C'est dans la maison jaune de Sodeco que Zena el-Khalil, artiste pluridisciplinaire, présente « Sacred Catastrophe : healing Lebanon »*, un parcours destiné à ébranler l'amnésie collective, catalyser la mémoire et inviter au pardon.

Inspirée par la philosophie indienne, Zena el-Khalil a mis en scène son œuvre comme autant d’ondes positives dans un lieu meurtri par la guerre. Photo Michel Sayegh

Les curatrices Janine Maamari et Beatrice Merz ont voulu l'exposition Sacred Catastrophe: healing Lebanon à Beit Beirut comme un parcours initiatique qui invite le visiteur à traverser trois étages et à traverser le temps pour un voyage que l'artiste a voulu purificateur. Un voyage qui remue, de par la violence réhabilitée de l'espace et de par le thème que Zena el-Khalil a décliné en peintures, sculptures, installations, vidéos, photographies et poèmes récités. Inspirée par la philosophie indienne, l'artiste va tenter de placer, sur le chemin de la paix intérieure et de la réconciliation, les personnes agressées et meurtries par la guerre. Le mantra pour elle sera le lien qu'elle propagera sur différents endroits afin de transformer un passé qui a été destructeur en un présent emprunt d'une sagesse rédemptrice.

 

Quelle mémoire laisser à nos enfants ?
17 000 disparus occupent deux étages de la maison jaune. Cette bâtisse située à l'angle de la rue de Damas et de l'avenue de l'Indépendance, sur la ligne de démarcation que l'on appelait jadis la ligne verte (en référence à l'importante verdure qui l'entourait) a été un point stratégique qui permettait de contrôler deux artères principales, celles qui divisaient la capitale en deux zones – deux tristes zones : Beyrouth-Ouest et Beyrouth-Est... Aujourd'hui, Beit Beirut est voulu comme un véritable espace collectif, un musée de l'histoire de la ville de Beyrouth, un centre culturel urbain et un symbole historique.

Ils étaient étudiants, médecins, jeunes fiancés, ingénieurs ou avocats ; ils étaient pères de famille nombreuse, miliciens engagés ou adolescents inconscients. Ils étaient 17 000. Sur le chemin de l'école ou de l'université, de l'hôpital ou de leur lieu de travail, en route pour l'aéroport ou pour leur demeure familiale, ou simplement en déplacement pour retrouver une amoureuse, ou un collègue de travail, ils cesseront d'exister du jour ou lendemain sans que leurs familles jamais ne puissent fleurir leurs tombes, pleurer devant leur cercueil blanc ou baiser leur front une dernière fois. Pas dans une camionnette blindée ni à bord d'un char d'assaut, mais simplement au volant d'une voiture, ou chevauchant une mobylette ou un vélo, avec pour seul attribut leur audace juvénile, leur vaillance paternelle ou leur conscience professionnelle, et pour unique imperfection, une confession sur leur carte d'identité. Pourquoi 17 000 disparus de guerre ont-ils aussi disparu de notre mémoire ? Et comment continuer à vivre et à pardonner à cet autre, peut-être très proche du ravisseur de nos enfants, de nos parents, ou de notre premier amour ? Comment tendre la main et transcender la souffrance et l'absence en un message d'amour et de paix ?

 

(Pour mémoire : Le feu et les mantras de Zena el-Khalil)

 

 

Écouter, regarder, et se réconcilier
Vert comme l'espérance des chrétiens, vert comme l'emblème du salut sur le drapeau de l'islam, vert comme l'éveil de la vie, vert comme la jeunesse du monde, vert comme l'espoir de pardonner, de se souvenir sans oublier, de se remémorer sans esprit vindicatif. Vert comme la ligne verte.
Verte sera la couleur des 17 000 piquets en bois plantés par l'artiste et par les familles des disparus et qui s'érigent comme une forêt au centre des espaces qui murmurent le sifflement des balles, sentent le soufre refroidi et la mémoire calcinée.

Un parcours que l'on fait au son des mantras que l'artiste répète inlassablement en boucle comme un rituel de sanctification et de purification. Des mots qui reviennent, qui cognent les murs éventrés, traversent les écrans et l'espace, des mots comme : amour, compassion et pardon, sculptés dans la pierre, ou peints sur des toiles en cendre et pigments mélangés. Des mots qui répondent à un besoin collectif, celui de tourner ensemble la page et d'avancer.

*Sacred Catastrophe : healing Lebanon, de Zena el-Khalil. Beit Beirut, pendant 40 jours.

 

Lire aussi

Quand les artistes dénoncent dans leurs œuvres les abus civils, politiques, identitaires et sociaux...

 

Les curatrices Janine Maamari et Beatrice Merz ont voulu l'exposition Sacred Catastrophe: healing Lebanon à Beit Beirut comme un parcours initiatique qui invite le visiteur à traverser trois étages et à traverser le temps pour un voyage que l'artiste a voulu purificateur. Un voyage qui remue, de par la violence réhabilitée de l'espace et de par le thème que Zena el-Khalil a décliné en...

commentaires (3)

Pardonner ou non est personnel mais les garder dans notre mémoire est essentiel.

Wlek Sanferlou

15 h 23, le 20 septembre 2017

Tous les commentaires

Commentaires (3)

  • Pardonner ou non est personnel mais les garder dans notre mémoire est essentiel.

    Wlek Sanferlou

    15 h 23, le 20 septembre 2017

  • ON PARDONNE UNE PREMIERE FOIS... ON LE FAIT UNE SECONDE... LA TROISIEME SERAIT DE L,HEBETUDE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 57, le 20 septembre 2017

  • le pardon peut il exister ?

    ARSAC Bernard

    09 h 19, le 20 septembre 2017

Retour en haut