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Culture - Cimaises

Ce temps où Beyrouth était la cité la plus désirable au monde

« Il fut un temps, dans ce pays, où nos vies avaient le goût et la qualité des rêves réalisés », affirme Waddah Faris, qui a été l'un des pivots de l'effervescence culturelle du Liban d'avant-guerre.

Le poète Ounsi el-Hajj, en 1973, au « Nahar ».

Il a défendu l'art et la culture modernes arabes avec ferveur, à l'époque où les regards étaient essentiellement tournés vers l'Occident. Né en 1940 à Alep, d'un père irakien et d'une mère syrienne, Waddah Faris est arrivé au Liban à l'âge de 7 ans et y a passé toute sa jeunesse ainsi qu'une large partie de sa vie d'adulte. Après un bref passage par l'Angleterre, au tout début des années soixante, pour des études d'architecture inachevées, il retourne au pays du Cèdre promener sa curiosité, un peu en dilettante, dans plus d'un champ artistique.

Explorant, au fil des rencontres et des propositions, la peinture, le design graphique, l'illustration, le théâtre, la photographie ou encore l'édition... Avant de se lancer, un peu à l'impromptu, dans une carrière de galeriste. D'abord à Beyrouth. Puis, pour cause de guerre, à Paris, de 1979 à 1992, où il consacre un espace portant son nom à l'art libanais et arabe. Depuis quelques années, il partage son temps entre l'Espagne (d'où est originaire son épouse, l'artiste espagnole Assumpcio Mateu) et la capitale libanaise, toujours chère à son cœur.

 

Le cercle des artistes disparus
« J'ai tout expérimenté dans le domaine artistique », affirme, rétrospectivement, Waddah Faris. Lequel, à 77 ans, continue à darder un regard toujours aussi vif – cerclé de lunettes rondes bleues, assorties à sa chemise rayée – sur tout ce qui s'y passe. D'ailleurs, il vient d'entamer l'écriture d'un livre qui retrace son parcours multidisciplinaire. « Plus que des mémoires, il s'agit d'un ouvrage critique sur l'évolution de l'art », indique-t-il. C'est à cette occasion qu'il s'est penché, pour la première fois, sur ses archives photographiques. Il y a redécouvert des images et même des pellicules oubliées. Des souvenirs du Beyrouth des années soixante et soixante-dix. Et une majorité de portraits qu'il avait lui-même pris des artistes et intellectuels de ces années-là.

À l'instar de Chafic Abboud, Paul Guiragossian, Janine Rubeiz, Nidal Achkar, Jalal Khoury, Roger Assaf, Ghassan Tuéni, Amin el-Bacha, Ounsi el-Hajj, Yvette Achkar, Helen Khal, Huguette Caland, Salwa Raouda Choucair, Joseph Tarrab, Nazih Khater, Renée Dick, pour n'en citer que quelques-uns.
« J'ai récupéré plus de 1 200 photos pouvant refléter cette époque telle que je l'ai vécue. Car j'évoluais dans ce cercle. J'y avais beaucoup d'amis. On se retrouvait dans les cafés (le Horseshoe à Hamra était quasiment notre QG), les galeries, les rédactions de journaux, les boîtes de nuit, le Festival de Baalbeck... Et moi, j'aimais prendre des photos. Pour le plaisir, jamais en professionnel. Et toujours dans l'instant. Je n'ai jamais fait de portraits posés. D'ailleurs, il m'arrivait souvent d'oublier de les développer », confie-t-il.

 

(Pour mémoire : Quand Karim parle de Myriam, Myriam de Lara, Lara de Lamia et Lamia de Karim...)

 

 

Mémoires d'un anarchiste
Ce « transarabe, anarchiste et concepteur de projets », comme il s'amuse à se définir, a ainsi connu et fréquenté tout le ban et l'arrière-ban de la scène culturelle et artistique libanaise d'avant-guerre. Illustrateur et graphiste, il collabore avec des auteurs, des éditeurs, des journalistes et directeurs de grands quotidiens (L'Orient-Le Jour, an-Nahar, al-Huriyya). Peintre contrarié, féru autant d'art que de politique, il fonde en 1972 avec César Nammour et Mireille Tabet Contact, l'une des premières galeries de la place dédiée aux artistes modernes libanais et arabes. « Les amateurs de toutes sortes d'arts s'y retrouvaient », indique-t-il. « Ceux qui aimaient la musique, le théâtre ou la poésie autant que les férus de peinture ou de sculpture. D'ailleurs, nous avions remplacé le traditionnel catalogue d'exposition par un magazine culturel généraliste d'une trentaine de pages également baptisé Contact », se remémore-t-il. « La scène artistique de l'époque n'était pas cloisonnée selon les disciplines et les milieux, comme c'est le cas aujourd'hui », renchérit Saleh Barakat. « Il y avait une sorte de mixité, d'interpénétration qui n'existe plus à l'heure actuelle », déplore d'ailleurs le galeriste de la rue Clemenceau, qui est un peu dans la filiation de Waddah Faris, puisqu'il défend, comme ce dernier, 40 ans plus tôt, la scène artistique arabe.

 

Hommage à ces années-là...
C'est d'ailleurs auprès de Waddah Faris que Saleh Barakat a toujours assouvi « sa soif d'informations sur la vie artistique du Beyrouth d'avant-guerre ». Une période foisonnante de créativité à laquelle l'actuel galeriste a toujours rêvé de consacrer une exposition hommage. Et dont il trouvera l'opportunité idéale dans la mine de portraits de l'intelligentsia libanaise tirés des archives photographiques de son ami et mentor.

C'est ainsi qu'est né, « après trois ans de minutieuse préparation », ce bel accrochage dédié à Beyrouth de 1960 à 1975, à l'époque de son âge d'or. Lorsque la capitale libanaise était la cité la plus désirable au monde, pour reprendre le titre de l'exposition Beirut, The City of the World's Desire, 1960-1975), lui-même inspiré de celui de l'ouvrage de Philip Mansel Constantinople: The City of the World's Desire. Lorsque Beyrouth attirait les plus grands talents du moment. Et quand Waddah Faris y côtoyait aussi bien Françoise Hardy en 1969 dans une réception à Yarzé que la toute jeune Mona Hatoum avec une bande d'amis à Baalbeck en 1973; Charlie Mingus après un concert dans le temple de Bacchus en 1974, ou encore Max Ernst en 1969. « Ce dernier était mon idole. J'ai réussi à le sortir des salons mondains où il s'ennuyait pour l'entraîner en vadrouille dans les rues de Basta et des souks, et même au cabaret Fontana, où il s'est initié à la danse du ventre », raconte avec bonheur le sémillant septuagénaire.

Une exposition qui, à travers un parcours déroulant une centaine de portraits accompagnés d'un ensemble d'œuvres (peintures, sculptures, textes) en lien avec les artistes et l'époque, renvoie le visiteur au contexte socio-artistico-culturel de ces années-là. Images nostalgiques ? Certainement. Même pour ceux et celles qui n'ont pas connu cette période. Mais à la nostalgie heureuse, vivace, enjouée... Un peu à l'image de leur auteur !

Saleh Barakat Gallery. Jusqu'au 29 juillet. Clemenceau, rue Justinien.

 

 

Pour mémoire

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Il a défendu l'art et la culture modernes arabes avec ferveur, à l'époque où les regards étaient essentiellement tournés vers l'Occident. Né en 1940 à Alep, d'un père irakien et d'une mère syrienne, Waddah Faris est arrivé au Liban à l'âge de 7 ans et y a passé toute sa jeunesse ainsi qu'une large partie de sa vie d'adulte. Après un bref passage par l'Angleterre, au tout début des...

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ET LE PASSEPORT LIBANAIS LE PLUS ENVIE DU MONDE ! AUJOURD,HUI, HELAS, TOUT A CHANGE !

LA LIBRE EXPRESSION

10 h 29, le 06 juin 2017

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Commentaires (1)

  • ET LE PASSEPORT LIBANAIS LE PLUS ENVIE DU MONDE ! AUJOURD,HUI, HELAS, TOUT A CHANGE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 29, le 06 juin 2017

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