Les enquêteurs à l’œuvre sur la scène de l’attentat, à Manchester. Ben Stansall/AFP
L'attentat-suicide de Manchester a suscité des critiques quant aux mesures de sécurité appliquées, mais les experts pointent la « vulnérabilité » des lieux de rassemblements publics face à une attaque « méticuleusement préparée ».
Cet événement intervient dans un contexte d'un niveau d'alerte quasi maximal et alors que les mesures de sécurité dans les salles de concert du Royaume-Uni ont été renforcées depuis l'attaque du Bataclan, à Paris, en novembre 2015. Hier, il était encore difficile d'établir dans quelle mesure l'auteur de l'attentat-suicide avait été contrôlé pour entrer dans le « foyer » de la Manchester Arena. Donnant accès aux différentes entrées de la salle de concert, cette zone accueille buvettes et boutiques pour acheter le merchandising lié au concert et « relie la salle de concert à la gare Victoria », notent les experts de l'institut Jane's, spécialisé dans les questions de sécurité.
L'attentat « illustre la vulnérabilité de ce genre de rassemblements de masse – dans ce cas précis plus de 21 000 personnes assistaient au concert – malgré les mesures de sécurité mises en place dans les salles de concert elles-mêmes », souligne Otso Iho, expert du centre sur le terrorisme et l'insurrection de Jane's (JTIC).
Pour Kit Nicholl, analyste sur les questions de sécurité de Jane's, « plusieurs indicateurs suggèrent que l'attaque a été méticuleusement planifiée et a probablement impliqué plus d'une personne ». « L'emplacement de l'auteur de l'attentat-suicide au moment de la détonation, qui a fait un nombre maximum de morts dans un lieu clos tout en permettant d'éviter les contrôles de sécurité, suggère que l'opération a nécessité une planification considérable » et notamment « une reconnaissance des lieux. L'usage d'un engin explosif improvisé montre aussi un niveau de sophistication supérieur aux récentes attaques perpétrées contre le Royaume-Uni », dit-il, soulignant que des mesures avaient été mises en place depuis les attentats de Londres en 2005 pour empêcher l'achat des composants pouvant être utilisés pour fabriquer des explosifs.
Aucun contrôle réel
Un avis partagé par David Videcette, un ancien enquêteur de la police de Londres. Il note « le niveau de compétence qu'il faut avoir pour fabriquer complètement un engin explosif improvisé qui fonctionne en passant au travers des mesures de sécurité mises en place depuis 2005 ». « Tous ces éléments suggèrent que l'auteur n'a pas agi seul », en conclut Kit Nicholl.
Selon le site internet de la Manchester Arena, l'explosion a eu lieu « hors de la salle, dans un lieu public », alors que les spectateurs quittaient les lieux. Un témoin de l'attaque, Chris Pawley, a toutefois dénoncé les conditions de sécurité mises en place pour accéder au concert : « J'ai assisté à d'autres concerts dans le passé et parfois vous êtes fouillés ou on vous demande de vider vos poches. Il n'y avait rien de ce genre au concert de ce soir, on a juste eu notre billet scanné et on est entré directement », a-t-il dit sur la chaîne américaine Fox News. « Il n'y avait aucune sécurité à l'extérieur, là où l'explosion a eu lieu », a-t-il ajouté.
Plusieurs témoins, cités par le quotidien The Independent, regrettaient également qu'aucun contrôle n'ait eu lieu ou qu'une simple fouille rapide des sacs ait été effectuée sans usage de détecteurs de métaux. Cependant, pour James, un autre spectateur du concert, « la sécurité était très, très bonne », a-t-il dit sur la chaîne Sky News. Le jeune homme, qui n'a pas souhaité donner son nom, a affirmé que « les sacs avaient été contrôlés ».
Depuis août 2014, le niveau d'alerte au Royaume-Uni est fixé à « grave », le quatrième sur une échelle de cinq, ce qui signifie qu'une attaque « est hautement probable » selon la définition des autorités.
James PHEBY et Maureen COFFLARD / AFP