Rechercher
Rechercher

Liban - Débat

Violence et société civile : une relation à double tranchant

Un chantier de travail a été mis en place pour effectuer un bilan de l'action revendicative.

De gauche à droite sur la photo : Melhem Chaoul, Fadia Kiwan, Karim Mufti et Sélim Mawad.

La violence liée à l'action sociale et revendicative est-elle légitime et porteuse de sens, ou est-elle au contraire un incubateur du germe de sa propre destruction ? C'est autour de cette réflexion que L'Atelier, une ONG qui œuvre actuellement pour défaire la violence, a choisi de débattre en présence d'un groupe d'autres ONG sélectionnées pour leur mode d'expression non violente.
Invités pour partager leur réflexion académique et leurs analyses de la société libanaise et son rapport à la violence, un sociologue et deux politologues de renom, Melhem Chaoul, Fadia Kiwan et Karim Mufti, ont décrypté le mécanisme de la violence, en expliquant ses origines, ses manifestations et ses effets au sein notamment de la société civile entendue au sens large.
Animés par Sélim Mawad, un activiste qui possède à son crédit plus de vingt ans d'expérience et de travail de terrain, les débats devaient notamment servir à faire un bilan de la dynamique sociale revendicative au Liban et de ses résultats en termes d'aspiration au changement. Encore faut-il comprendre les concepts et les définitions aussi bien de la société civile – un terme générique devenu fourre-tout – que celui de la violence que l'on retrouve au niveau de plusieurs strates de la société (violence verbale, familiale, conjugale, sociale et politique).
Melhem Chaoul a tenu à distinguer dans son intervention entre la société civile formée par des ONG plus ou moins spécialisées et impliquées dans une forme particulière d'action, « un produit de la modernité », dit-il, et la société communautariste ou « société des allégeances primaires », un terme emprunté au sociologue français Émile Durkheim. Deux groupes sociaux aux moyens distincts mais dont les objectifs finissent par converger. Ils se résument à l'aspiration d'une gouvernance locale « qui puisse prendre en compte les intérêts plus larges des différents groupes sociaux » et « la réhabilitation d'une démocratie amputée ou occultée ». En cours de route, l'atteinte de ces objectifs peut tourner à la violence, qui finit par corrompre la dynamique et faire perdre ainsi les objectifs.

« L'ego démesuré »
Le problème, dit M. Mawad, c'est que la violence physique et matérielle est plus « spectaculaire » que la violence invisible exercée par l'État à travers sa gestion (ou plutôt l'absence de gestion) de l'espace public, privant ainsi le citoyen de ses droits fondamentaux. Fadia Kiwan utilise le terme de « violence symbolique » qui exhale des textes de loi, des réglementations et des pratiques. Elle se manifeste, dit l'intervenante, par « des inégalités sociales et l'exclusion des bénéfices de l'économie de larges couches de la population ».
Pour M. Mawad, la société civile est manifestement en en crise : la définition d'objectifs clairs, la coordination et la complémentarité dans l'action lui font défaut. « Elle manque d'ouverture et de disposition au dialogue : ceux qui luttent contre la violence ne veulent pas s'ouvrir à ceux qui y croient comme moyen d'action », commente l'activiste qui dénonce par ailleurs « la personnalisation de l'action sociale », la pathologie de « l'ego démesuré » chez certains leaders d'opinion et les « ambitions politiques ou financières chez tous ceux qui ont exploité la tribune de l'activisme pour leur propre promotion sociale ».
Le tableau n'est toutefois pas aussi sombre qu'il y paraît et les exemples d'actions sociales abouties sont multiples. « La culture de la paix civile existe au niveau de nombreux axes », commente Karim Mufti, qui cite le legs de l'évêque engagé Grégoire Haddad, de Gebran Tuéni avec le Nahar el-Chabab, une tribune d'expression consacrée aux jeunes, et celui de Beyrouth Madinati.
Au final, dit M. Mufti, on peut retenir au moins deux réalisations majeures à mettre sur le compte de la société dite civile : « La protection de la notion du"Liban-message", entendu au sens philosophique du terme, et la sauvegarde du projet d'État civil », une constante de la lutte sous-jacente contre le système confessionnel et communautariste.

La violence liée à l'action sociale et revendicative est-elle légitime et porteuse de sens, ou est-elle au contraire un incubateur du germe de sa propre destruction ? C'est autour de cette réflexion que L'Atelier, une ONG qui œuvre actuellement pour défaire la violence, a choisi de débattre en présence d'un groupe d'autres ONG sélectionnées pour leur mode d'expression non...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut