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Liban - La vie, mode d’emploi

62 – Le salut par le « ne plus rien attendre »

Parce que, comme on le dit, on est revenu de tout. Il est vrai qu'on n'est souvent pas parti très loin et peut-être même pas parti du tout, mais on est quand même revenu de ce l'on nous promettait ou que l'on se promettait. On ne veut plus bouger de chez soi, de ses trois pièces aux volets clos, de son fauteuil défoncé où l'on reste avachi comme sa vie sans ressort. On boit l'eau croupissante des jours. La pensée tourne en rond comme la corde autour d'idées devenues exsangues et expirantes. L'imagination a fermé boutique et ne vend plus ses accessoires de fête : lampions, masques rutilants, guirlandes et confettis multicolores. La mémoire, elle, marche à plein régime et impose ses festivités de salle obscure : films catastrophe, d'horreur et d'épouvante. On ne prend plus la peine, tant est familière la géographie du pire, de vraiment s'émouvoir lorsque surgissent d'une forêt sauvage loups-garous et sorcières ou de froides galaxies monstres-écrevisses en métal inoxydable ou d'une Odyssée remixée et ratée le Cyclope jouant à lui tout seul le fameux « de Charybde en Scylla ». On se sert de ces images comme de chiens aboyeurs pour tenir à distance l'espoir tenace et importun, ce voleur d'idées noires et de confort.
Les bras pendent tels des outils sur le mur de l'atelier déserté ou se balancent nonchalamment à la manière des enfants désœuvrés et ennuyés. Ses pas ? On ne les perdra plus à attendre un verdict qui ne sera jamais d'acquittement ou une locomotive qui ne saurait nous mettre en train et en cadence avec la vie, sur de nouveaux rails. La tête, qui dodeline, répète son acquiescement et son abandon au reflux universel. Il n'est plus que de baisser les paupières pour se retirer même de la lumière filtrant à travers les volets, pour glisser hors des doux bras de Morphée et sombrer au fond de quelque marécage. Le cœur dégorgera ses larves et ses crapauds et l'on dira au temps d'achever de voler.
Ne plus rien attendre pour ne plus tendre, avec ses deux mains, vers le trop-plein du temps, pour ne plus espérer quelque tendresse du temps, pour congédier le temps.

Parce que, comme on le dit, on est revenu de tout. Il est vrai qu'on n'est souvent pas parti très loin et peut-être même pas parti du tout, mais on est quand même revenu de ce l'on nous promettait ou que l'on se promettait. On ne veut plus bouger de chez soi, de ses trois pièces aux volets clos, de son fauteuil défoncé où l'on reste avachi comme sa vie sans ressort. On boit l'eau...

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