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Lifestyle - Rencontre

Le combat d’une insoumise

« Dr. House », ou « ange gardien des femmes », tous les surnoms soulignent l'efficacité et l'engagement du Dr Ghada Hatem-Gantzer.

Ghada Hatem-Gantzer brandissant son trophée reçu dans le cadre du dîner de gala du Cercle des dames franco-libanaises. Photo DR

Le dîner de gala du Cercle des dames franco-libanaises (CDFL), organisé et présidé par Randa Lteif Stéphan, dans le salon Opéra de l'InterContinental, a permis de présenter aux invités et aux nombreuses personnalités présentes une femme médecin de premier plan, encore largement méconnue au sein de la communauté franco-libanaise de laquelle elle est en retrait, de par ses occupations professionnelles. Chef de la maternité de Saint-Denis, fondatrice de la Maison des femmes, surnommée la Dr. House des femmes par la presse française, le Dr Ghada Hatem-Gantzer est apparue dans toute la force de son engagement devant une assistance charmée, comme le médecin providentiel qui soulage la souffrance des femmes victimes de la violence. « Nous avons été la voir pour l'inviter, le rendez-vous était pris à 18h pour 30 minutes, nous sommes restées avec elle jusqu'à 1h du matin ! » raconte, enthousiaste, Randa Lteif Stéphan, présidente et fondatrice du CDFL. Engagée dans la défense des droits de la femme au Liban (quota au Parlement, transmission de la nationalité, protection de la femme et de l'enfant contre les violences, soutien à la recherche pour la lutte contre le cancer du sein et de l'utérus), Randa Stéphan veut également promouvoir les femmes franco-libanaises qui se sont distinguées dans leur carrière. En recevant le trophée de la soirée de ses mains et celles du Dr Jean-Marc Ayoubi, président de l'Association des médecins franco-libanais, Ghada Hatem-Gantzer a parlé (un peu) de son parcours personnel, et beaucoup de son engagement et de sa révolte contre le sort fait aux femmes dans de nombreux pays, dont le Liban. Elle a notamment fustigé le mariage des mineurs, sujet qui fait débat au sein de la classe politique libanaise.

 

Donner la vie et redonner la dignité
Une rencontre personnelle s'imposait avec cette militante au regard bleu déterminé, à la crinière rebelle et au verbe franc. Après des études secondaires au Lycée français, elle quitte le pays et son Hammana natal, en 1977, à l'âge de 18 ans, avec sa copine, la fille de la professeure Josette Naffah, première femme doyenne de la faculté de médecine de Beyrouth. Elle poursuit des études de médecine en France où il lui suffit d'assister à un accouchement pour se convaincre que la gynécologie-obstétrique est ce qu'elle veut faire. « Quand on a vécu la guerre et vu la mort s'abattre autour de soi, donner la vie prend un véritable sens », dit-elle. Son parcours est celui d'une humaniste qui s'ouvre progressivement aux diverses couches sociales, bourgeoises et bobos puis conservatrices et militaires, jusqu'à la banlieue de Saint-Denis où elle découvre « un concentré d'humanité en souffrance que je n'imaginais pas rencontrer en France ». C'est ainsi que, de Saint-Vincent-de-Paul, à Paris, à la maternité des Bluets puis celle de l'hôpital militaire Bégin de Saint-Mandé, elle valorise avec ses chefs de clinique l'accueil des patientes, la préparation à la naissance et à l'accouchement, et se bat déjà pour faire accepter l'IVG dans un milieu conservateur. Jusqu'au jour où elle débarque à la tête de la maternité de Saint-Denis en 2010, à la demande du chef du service qui partait à la retraite. C'est là qu'elle découvre le monde des femmes violentées. Pour Ghada Hatem-Gantzer, s'engage alors un combat quotidien pour rendre aux femmes, notamment celles victimes de l'excision, leur dignité et leur liberté par l'écoute, mais également grâce à la chirurgie. Si l'accouchement est un hymne à la vie, la lutte contre le désespoir et la mort sociale devient son combat de tous les jours. Elle reçoit dans sa clinique des patientes de toutes nationalités et confessions, violées, mariées de force, excisées... Le Dr Hatem dit qu'elle ne s'attendait pas à trouver en France ce qui la révolte dans « cet Orient qui maltraite les femmes »: les carcans confessionnels, l'inégalité de traitement filles-garçons, l'éducation, l'hypocrisie et le problème de la sexualité. Des femmes qui ne sont « pas en phase avec ce qu'elles rêvent », entravées dans leurs aspirations à l'égalité, aux études, au travail, à l'émancipation. Même si les trois quarts de ses patientes sont des femmes immigrées, il y a aussi des Françaises, souvent rattrapées par la tradition familiale et religieuse. Femmes aux destins brisés pour la plupart, coincées entre leur culture d'origine et la société moderne, cherchant à se reconstruire. Recoudre des hymens à la demande pressante de femmes désespérées, pratiquer des IVG, panser et réparer les femmes excisées, le quotidien de l'hôpital de Saint-Denis n'est pas de tout repos. Celle que France 2 a qualifiée d'« ange gardien » des femmes se bat contre les coutumes qui brident celles-ci, en cherchant à souligner l'importance de l'éducation et du travail, comme la meilleure route vers la liberté et la valorisation de soi.

 

L'engagement
L'écoute est une fonction essentielle de son travail, et même de ses loisirs. C'est plus qu'un métier, un engagement humanitaire. En 2015, elle obtient la Légion d'honneur et décide de fonder la Maison des femmes, inaugurée en juillet 2016, où travaillent ensemble médecins, sages-femmes, assistantes sociales, psychologues, juristes, sexologues, conseillers conjugaux. Des professions complémentaires pour réparer aussi bien physiquement que psychiquement les femmes victimes, en prenant en compte leur histoire personnelle, leurs traumatismes. Volontaire, Ghada Hatem-Gantzer s'occupe aussi de la levée de fonds pour réaliser son projet. Quinze fondations la soutiennent. Elle reçoit l'appui de la ministre Laurence Rossignol, ministre des Familles, de l'Enfance et des Droits des femmes, ainsi que de Salma Hayek, dont l'époux, François-Henri Pinault (l'une des plus grosses fortunes de France), est le sponsor de la Maison des femmes. La place d'où je parle est celle du soin. Je parle du terrain », dit-elle. Je suis pragmatique, je n'ai pas de dogme. Les politiques, eux, sont dans un autre monde, souvent coupé de la réalité. » Sa réalité à elle quand elle ne travaille pas ?
« J'aime nager », confie celle qui est restée une Méditerranéenne. Et, bien sûr, le contact social, l'ouverture aux autres. « J'aime ce que les femmes racontent, j'aime partager leur vie. » Elle suit attentivement le parcours de quelques femmes libanaises qu'elle admire: les cinéastes Nadine Labaki et Jocelyne Saab, la journaliste et poète Joumana Haddad. Elle évoque aussi son ami, l'écrivain et journaliste assassiné Samir Kassir : « J'ai mis ses filles au monde. »
La cause des femmes au Liban, elle est prête à y apporter son grain de sel – ou de piment. Elle sera à Beyrouth du 17 au 19 mai pour participer à un colloque organisé à l'ESA par la Fondation des Cèdres et de l'Église protestante française de Beyrouth, intitulé : « Parole de Dieu, violences des hommes ». Tout un programme dans le combat de cette femme médecin insoumise.

Le dîner de gala du Cercle des dames franco-libanaises (CDFL), organisé et présidé par Randa Lteif Stéphan, dans le salon Opéra de l'InterContinental, a permis de présenter aux invités et aux nombreuses personnalités présentes une femme médecin de premier plan, encore largement méconnue au sein de la communauté franco-libanaise de laquelle elle est en retrait, de par ses occupations...

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